Magma
7.3
Magma

Album de Gojira (2016)


Ce sont surtout les mâles (cachalot adulte par exemple) qui effectuent de longues migrations, en quête d'une partenaire après avoir fait le plein de nourriture. Les femelles sont moins aventureuses. Les petits étant fragiles à la naissance, les cétacés aiment à se reproduire en eaux tempérées voire chaudes plutôt que glaciales. Nombre d'espèces migrent ainsi vers les tropiques et notamment près des côtes, où elles s'abritent (Wikipédia.)



Groupe phare du metal français et du metal progressif, Gojira dévoile enfin le successeur du monstreux l'Enfant Sauvage, sorti en 2012. Bilan d'un des albums metal les plus attendus de l'année.


La première chose qui surprend à l’écoute de Magma, c’est son aspect moins brutal et pachydermique que ses prédécesseurs. Dès le premier titre, il va falloir vous habituer au chant clair de Joe Duplantier. Je n’ai rien contre le principe de chanter en chant clair, mais Duplantier me fait alors moins vibrer que quand il hurlait à la mort sur l’Enfant Sauvage ou From Mars To Sirius. Sa tessiture n'est pas si étendue que ça, et bien que son timbre de voix me rappelle, non sans un certain plaisir, les albums récents de Katatonia, cette évolution, sans être une tare pour l’album, n’est pas un réel plus selon moi.


Du changement aussi au niveau de la section cordes. On retrouve, sur pas mal de titres de l’album, de nombreux riffs en accords majeurs. Une première (que je sache) chez Gojira, qui nous avait habitués à pondre exclusivement des riffs mineurs lourds et écrasants. J'en veux pour preuve Stranded, premier single de l’album, qui a pas mal divisé les fans à sa sortie. Et cela a pour effet de teindre Magma d’une couleur très particulière, en rupture avec le reste de la discographie du groupe. Alors que The Way of All Flesh ou encore The Link étaient des albums sombres et torturés, Magma est un album traversé par la lumière et empreint d’une certaine sérénité. Gojira ne s’est jamais reposé sur ses lauriers et a toujours voulu produire du neuf. La prise de risque est honorable.


Les fans des opus les plus agressifs du groupe, The Link ou The Way Of All Flesh, ne seront pas déçus pour autant à l’écoute de Magma. Joe Duplantier n’a rien perdu de sa puissance gutturale, son frère Mario est toujours virevoltant et virtuose derrière les fûts. Impossible de ne pas penser à l’Enfant Sauvage en écoutant le titre éponyme ou Silvera, titre puissant au possible, traversés par un riff de guitare à la fois froid et envoûtant.


Gojira refuse catégoriquement de prendre sa réussite pour acquise, et tente de proposer un album de transition, entre un passé résolument ancré dans le death metal old-school, et un futur qu’on ne saurait prédire, mais qui s’éloignerait très clairement de cet héritage, d’une manière ou d’une autre. Le tour de force du groupe est ici d’être parvenu à mettre en place une alchimie différente et inédite, avec les ingrédients qui ont fait son succès par le passé : guitares sous-accordées, basse omniprésente, ainsi qu’une batterie progressive et toujours aussi jouissives. Et Gojira tente d'enrichir cette recette avec des élements nouveaux pour le groupe. Autant sur Yellow Stones, interlude instrumentale menée à la basse, que sur Low Lands et ses paroles alternant entre français et anglais, ou encore sur Liberation, outro acoustique mélancolique et presque orientalisante (J'ai pas trop aimé cette outro d'ailleurs, allez savoir.)


Je ne sais vraiment pas quoi penser de cet album. Rien de méchant, bien entendu. Je l'ai écouté plusieurs fois et je l’ai apprécié. Grand admirateur des albums précédents, je ne peux pas nier avoir ressenti un peu de frustration à l’écoute de Magma. Et en même temps je ne peux pas refuser de voir dans cet album le début (espérons-le) de quelque chose de nouveau pour Gojira, qui semble très clairement s’orienter vers des horizons plus progressifs et apaisés que par le passé. Une chose est sûre : il y aura un avant et un après Magma. Fini les baleines volantes, Gojira prend de l'altitude.


[EDIT]
Août 2016. Je réécoute Magma pour la première fois depuis plusieurs mois, et je me sens coupable d'avoir douté. Cet album est vraiment formidable. Ecoutez-le.

P1ngou1n
8
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le 16 juin 2016

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P1ngou1n

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