Medúlla
6.8
Medúlla

Album de Björk (2004)

Au commencement était le verbe, je crois…

One. Prélude à un chant choral. Des hululements de chouettes... Des voix de basses, de têtes, des soupirs de filles... Mystère et boule de gomme. Des flûtes humaines (?) C’est du Bjôrk.
Two. Plein chant. Björk joue avec son timbre. Sa tessiture, sa respiration, sa poétique. Sans rythme. Si. Il y a rythme, celui du ventre. Sensa tempo. Seulement le rythme intérieur. Á son rythme. Ses tours de langue. Sa langue. On n’a même pas besoin de comprendre. On commence d’abord par ressentir. Performed by Björk. On peut commencer à se dire qu’on entre dans un truc…c’est quoi ce truc?


        Three. Facile ritournelle tout ce qu’il y a de plus pop : « Where is the   line ? » Et les sopranos qui nous tirent vers le haut avec vigueur. Une batterie humaine. Ou bien c’est une boîte à rythme ? Mystère. Un refrain ro-bo-ti-que : « Wher   is   the Line        with   You » Un chant techno, une mélodie de machine outil, de bête    humaine. Très groove. Sacré groove. Superposition de chœurs: « Where is the line with… » Et la machine prend le relais en nous soufflant dans le dos… des lignes tissées par des barytons, et des jongleries de sopranos survoltées…des femmes folles     with you. Et une machine à voix humaine…qui pulse le grave. Where iz the….

Four. Chant islandais. Etrange. Normal, c’est islandais. Pays hors du système solaire. Fait de feu, de magie, et de glace. Björk accompagnée par une chorale, et des accents très grégoriens. De la voix, et rien que de la voix. Du beat box aussi. Et une sacrée architecture sonore ça. C’est solidement debout. Curieusement j’avais zappé ce concept du « tout voix ». ????????
…………………..Je n’ai pas fait attention car ça m’a pris par la tête, sans prévenir, et ça ne m’a pas lâché. Donc, c’est le fameux album uniquement vocal de Bjôrk ? D’accord !


Par contre dire « uniquement vocal » c’ est faux. Il y a des béquilles bien visibles. Un synthé. Des boucles sorties d’une machine. La Bass synth. Des outils numériques. Et le travail de mixage, qui a donné un corset à cet amas sonore. Qui a étalonné tous ces timbres ? Toutes ces voix, sur plusieurs voies ? Un logiciel surpuissant, à n’en pas douter. En gros, le résultat c’est pas le son d’une chorale dans une église. C’est le son d’un disque de pop électro expérimental, et ça laisse sans voix. Avec beaucoup de gens. One. Two. Three Four Five. Ainsi, quand Björk est multi samplée. On ne sait plus si c’est elle qui a plusieurs voix, ou si il y a plusieurs Björk qui se donnent le LA. Five. Un animal à plusieurs têtes jumelles. Medulla. Medusa ? LA LA LA LA La lalalala Ouh…
Six. Et voilà enfin l’électro qui reprend ses droits. L’électronique nous rappelle qu’aujourd’hui, on ne peut rien faire de bon sans elle. Surtout si on veut utiliser des voix, et rien que des voix. Le beat Trip Hop du morceau  Six est monstrueux. Mélodie superbe. La basse, on dirait une vraie ! Mais non ! C’est des êtres humains. On appelle ça de la programmation. Et la machine, à force de la mélanger à des voix, on l’a sent peu à peu humaine. De plus en plus humaine : « Who is it ? » Et avec les refrains à plusieurs voix qui se démultiplient. Et l’impact émotionnel est très fort. Qd les humains deviennent: boîte à rythme, samplers. DB.


                                                                                 Seven. Le voyage au pays de la trans-humanité vocale continue. Voilà des saxophones ténors humains. Une ligne vocale très jazzy, et la part belle donnée aux basses. On entend rarement ce genre de choeurs androgynes mâles dans la pop actuelle. On préfère autre chose. La petite diva mielleuse a choisit d’aller au bout de son champ. De la pop, hors du temps, sorti d’un coffre à malice, un jeu de piste, marelle virtuose. Une beauté d’encre.
Eight. Scintillement de clavier, comme des petits cristaux, et Björk quelques phrasés dont elle a le secret. C’est sa marque de fabrique. Une confession à cœur ouvert. Parfois c’est trop. Ici c’est très bien. Ni trop, ni trop peu. Sur un faux tempo, sur des mélodies qui ressemblent à de la rêverie sur pattes. De la glace qui n’arrive pas à fondre complètement. De la glace noire. Et le cri devient proposition esthétique. C’est pas un vrai cri. Et le synthé qui danse derrière. Timidement, comme pour s’excuser d’être, là. Il finit le morceau tout seul, en sourdine. Enjoy ! Nine. Voilà le vrai morceau de pop. Ça y ressemble en tout cas. Á la manière d’une cover girl, un peu folle dingue. Pop, stéréo. Voltige électro. Une fine équipe qu’elle a autour d’elle. Savoir s’entourer, toujours. Il faut savoir s'entourer. Pour le meilleur. Et pour sculpter le son. Franchement, c’est original comme Björk ne m’avait plus habituée à l’être. Ses minauderies de fée islandaise, je commençais à trouver ça répétitif. Répétitif. Sauf là.
Une voix, un premier violon, avec un champ de petites choses derrière, comme un concerto à plusieurs voix. Original, et corsé. La percussion ? Quelqu’un tape sur un bout de bois. Et des milliers de gorges s’invitent à la fête. Ooh…j’adore. Superbe cadence. On dirait un jeu ! On ne sait plus où sont les « vraies » voix, et ou commence la technique, l’arrangement. Et la bête-machine-monstre qui recrache tout ce beau monde à sa fantaisie. Musique de chœur, très profane. Ten. C’est comme si oser l’impossible, (un album fait presque exclusivement de voix), ça la débarrassait de ses tics (pas tous). Et ça la forçait à se délivrer de sa non moins naturelle virtuosité. Contrechants, rentre dedans, écriture très décolorée. Sûr c’est sombre. Noir et sombre. Même austère par moments. Hiver sur l'île volcan. Tout d’une seule et même couleur d’encre. Les voix n’en deviennent que plus belles. La fée électro rencontre le chant choral, et nous livre un album d’une beauté spectrale.

Eleven.
Si les filles gémissent beaucoup, c’est normal. Elles semblent avoir quelque chose à dire. Se sont des flûtes. Et le piano, on dirait qu’on le joue à deux doigts. Deux notes. Des sorcières qui se sont réunies pour célébrer un rite de passage quelconque. Quelques grognements. Le son de la voix sort du ventre, ne l’oublions pas. Han…Han…MMnn Très grognon, moins spectaculaire que profond. Twelve. Une mélodie, encore une, qui sort comme une bête curieuse. Toutes les voix s’accordent autour. La danse. L’harmonie. Très beau. Et Bjôrk n’est pas littéralement mise en AVANT. Le TOUT compte plus que le LA. Chacun à sa place. Savoir s’effacer, pour le bien du TOUT. Et tourner autour d’un vortex rigide faîte d’explosion de voix.
Thirteen. Court interlude. Hey !... Hi hi hi hi Á deux Björk. Non, trois peut-être…
Fourteen. Hip Hop. Trépidant. Retour sur terre. Beat box. Vocoder. Du bout des lèvres. Ça bouge ! Et encore une fois, Björk redevient une voix comme les autres, dans le rang, briller parmi les autres qui brillent. Les voix, de purs rythmes. Une fin comme un début. Vocalisme. Nouveau mouvement pop. Tout dédier au vocal, et à la machine. Des voix accélérés, ou à « vitesse » normale. Des mâles en soutien : Les cuivres. Riff caché sous les souffles de bougie. Fallait y penser à un magma pareil ! Fallait surtout arriver à y aboutir.
Angie_Eklespri
10
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le 22 juin 2016

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Angie_Eklespri

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