Mezzanine
8
Mezzanine

Album de Massive Attack (1998)

  Voilà l’album de Trip-Hop à écouter pour s’introduire, si on n’est pas familier du genre, introduction. Ça aidera aussi à découvrir quelque chose d’étrange. Avant Mezzanine, le Trip-Hop pour moi, c’était des beats agressifs, des voix caverneuses (Tricky), un groove entre deux genres, rock, pop, et quelque chose d’autre que je n’arrivais pas à définir. C’était une curiosité électronique métisse...     …..      …..

Ça commence par une rumeur. Un bourdonnement. Un battement de cœur, dans le ventre d’une machine. Une machine s’éveille dans l’hyper espace. Elle fait penser à HAL de 2001, une machine doué d’émotions, qui s’épanouit dans un trou NOIR. Un trou noir moelleux et réconfortant. Et je trouve ça très doux, c’est curieusement sensuel. Violent pour certains. Sombre, noir. Ah bon ? Moi je le trouve lumineux au contraire, comme d’une lumière qui émergerait d’un puits de pétrole.
Et ce solo rageur de guitare émerge du chaos, électrifffffie mon système Hi Fi.
Bienvenue Angel. Ça va ?
Moi ça va.
Et toi ?
De petites inventions sonores, des petits rythmes qui voltigent tels des grains de lumière noire. Angel.


Risington, il sonne comme une sorte de dub. Kingston, mais vu du côté obscur. Du reggae trip hop. Et la voix du lead vocal très haut perchée, c’est planant dans l’air. Travail très précis, très GRIS, avec un tempo qui reste en dedans gris coloré ; des mélodies noyées dans un bain d’huile. 

Une musique aussi abstraite, même rythmée, sonnerait vite kitsch. Mais, Or, et contrairement à d’autres groupes du genre, Massive Attack à un SON. Travaillé au cœur, et délivré comme tel. C’est pour ça qu’une ballade comme Teardrop sonne autant. La ballade suprême, avec une diva à la voix évanescente au chant, dévhirante comme la masse sonore translucide, un pur bonheur. Ce morceau, à chaque fois que je l’écoute, je voyage. Original et bluffant. Love is a verb...
Puis on entre dedans…
Plus on entre dedans, plus on se transforme en fourmi, qui parcours les circuits d’une machine; à moins que ce ne soit le contraire. Le rythme ethnique, mais on ne sait plus d’où. Orient, Afrique, Technosphère ? Le rap jeté à la face, effacée devant le rythme, l’ambiance, le ton. INERTIA CREEPS.
Album down tempo à 99%, même quand ça s’accélère. J’adore. Il suffit de se laisser aller, et il y a toute une vie derrière. Une richesse insoupçonnée, des changements de ton, de matière, de l’inattendu. Des reflets étranges, d’inspiration orientale, d’où l’impression de musique qui joue entre ethnique et cyber punk. Machine, es tu l’as ?

84 BPM. EXCHANGE.


  Pop et instrumental. Charbonneux. Morceau lui aussi NOIR luisant, qui finit en dérapage contrôlé. Comme un vieux disque qui tourne à vide sur la platine. KR KR KR KRRRR. Et le diamant gratte, crache. Crache. On ne sait plus qui fait quoi. Les musicos sont noyés dans la masse, eux-mêmes débordés par la machine. Les lead vocaux ont des timbres mi-humain, mi-cyborg. Les artistes invités sont avalés eux-aussi. DISSOLVED GIRL.

Pas de doute, ils choisissent bien leur featuring. Elisabeth Fraser, Horace Andy, Sara Jay, aucune faute de goût, ces voix volent haut, et on en tire le meilleur. Á chacun sa couleur, sa teinte de GRIS. Basse lourde, une basse lourde, et une boucle electro, car enfin une guitare qui revient cracher sa rage (contenue). C’est crescendo. Boucle. C’est sexy. Et la voix fragile, est vite recouverte par un BEAT monstrueux.


Une stéréophonie spatiotemporelle, et une sensibilité à fleur de peau. Chapeau. Sara jay. Et encore un moment de grâce : Man Next Door. Simple comme punk, sale et jamaïcain. Trip génial. Morceau lui aussi qui va faire école. Encore une reprise, encore sublimée. Avec le chanteur d’origine au micro. John Holt.


Black Milk est transparent, presque qu’on voit à travers. Á écouter FORT, et c’est album, et c’est encore plus fort, plus confort. Si on veut du rythme, on en aura, mais pas celui qu’on croit. Car la machine est toujours là, elle veille.
Elle avale tout, elle digère lentement. Et recrache le tout, comme vidée de toute impureté. Un jeu entre la masse de son, et le léger des mélodies, dispatchées, démembrées. Les claviers semblent maigres, et tentent d’émerger. Par moments ça fait glauque. Album urbain de référence, le Trip hop qui a atteint un haut niveau d’exigence. Rien ne semble être laissé au hasard, dans ce capharnaüm hasardeux…Et le miracle c’est qu’une âme semble émerger de la machine.
Et cet hélicoptère que j’entends, c’est un hélico, ou un insecte volant ? Un mutant ? Un mutant qui prend son envol?


Group Four. Des titres aussi énigmatiques que poétiques. Le féminin et le masculin se chevauchent, se cherchent. Group Four. C’est parfois obscur, effrayant, mais ça ne laisse pas indifférent. C’est toujours à la limite.
Accélérer, pour mieux ralentir, et mourir. Noyé dans du liquide. On s’enfonce. Une piscine, ou un aquarium. Et la voix de ténor d’Horace Andy, qui n’en finit pas de nous envouter, comme dans un dub atemporel. Il fait : « See you next day… » Il sonne comme un accomplissement, et un au revoir.
Masterpiece.

Angie_Eklespri
10
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Créée

le 12 janv. 2016

Critique lue 711 fois

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Angie_Eklespri

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