Minor Love
7.1
Minor Love

Album de Adam Green (2010)

Je ne connaissais pas Adam Green il y a deux semaines, et pourtant je l'écoute en boucle depuis ! L'album Minor Love est un cocktail de grandes influences dont la recette est simple : dans un shaker mettez Elvis Presley, Johnny Cash et Eddie Vedder, refermez et laissez secouer le tout par l'enfant des Moldy Peaches, vous obtiendrez le délicieux Minor Love.

Avant de commencer quoi que ce soit, toute personne n'étant pas touchée par l’œuvre des trois monstres sacrés cités plus haut peut arrêter sa lecture ici. Elle sera certaine de passer à coté de Minor Love. Car si son premier album solo en 2002 était des plus hétéroclites dans son genre, Adam Green enracine avant tout celui ci dans la tradition du rock root des sixties, une voix grave et une guitare sèche.

Et effectivement, à peine la première piste lancée, que l'odeur de la poussière et des Santiags viens nous titiller les narines. Cette impression est renforcée par la profonde, très profonde voix d'Adam Green. Pour vous donner une idée j'ai cru écouter Elvis la première fois! La comparaison vocale s’arrête là : le King avait du coffre ( du moins au début...) alors qu'Adam G. est vite limité lorsqu'il faut pousser un peu sur les cordes vocales. Et alors ? Peu importe lorsque celles ci servent à raconter des petites histoires de mal d'amour dans les motels crasseux, de tueurs et autres bagarres de comptoir.
Il faut lire ou tout du moins écouter avec attention : il se cache des pépites parmi les quatorze morceaux proposés. «Breaking Locks » est l'exemple typique d'un texte qui serait passé inaperçu sur n'importe quelle musique actuelle, alors qu'ici on sent le désespoir, on sent la tristesse, on sent les regrets de cet homme mis à la porte de chez lui. Les textes, écrits pour la plupart sur un coin de table entre amis, font résonner une part enfouie en nous et une part d'aventure que chacun aimerait vivre. A l'image de « Boss Inside » , qui sent bon la poudre et les films de Clint Eastwood, certain textes sont de petits scénarii dont chacun veux être l'acteur principal, « Castles and Tassels » et « Buddy Bradley » en sont deux bons exemples. L'ancien des Moldy sait comment faire naître une ambiance autour de ses textes, n'hésitant pas, malgré sa tête de premier de la classe, à utiliser des grossièretés à la place d'un mot convenu. Il ajoute du relief à chaque phrase, dont la prononciation lente et mesurée en fait de petites perles pour une l'oreille attentive.
Petite, qualificatif parfait pour désigner ses chansons, aucune ne dépassent les trois minutes, fait exceptionnel de nos jours. Comprenez bien que pour être diffusable il faut un joli format de trois minutes trente avec deux refrains et trois couplets, alors bizarrement il ne sort que des chansons de ce format . Etrange non? En tout cas Adam Green fait le bon choix avec ses petites mélodies - on ne se lasse pas du début à la fin - qui rendent un album potentiellement ennuyeux - de par ses thèmes et ses rythmes simplistes - varié et intéressant. D'ailleurs les plus courtes sont celles que j'ai appréciées et remarquées en premier, selon moi la meilleur reste « Cigarettes Burns Forever ». L'avantage est qu'avec sa minute cinquante six on peut l'écouter dix fois de suite sans s'en rendre compte ! Comme quoi ce n'est pas la taille qui compte...
L’exploit réside dans le fait que malgré ce temps réduit les chansons ne sont pas pour autant dénuées d'âme ou bâclées musicalement. Certes la plupart sont sobres, « Don't Call Me Uncle » est une suite d'arpèges à la guitare acoustique, « Bathing Birds » est seulement accompagnée d'une flûte et d'un banjo. Mais qu'importe, les choix instrumentaux sont parfaits. La guitare impressionne par son efficacité dans la simplicité. La simplicité n'est pas l'ennemie du bien, voir même du très bien dans le cas présent. Prenez « Goblin », une contrebasse, une mélodie au banjo et des percussions mêlant maracasses et autres petit bois, comment faire plus simple ? Et pourtant, le morceau est entraînant et m'a fait dandiner plus d'une fois dans la salle de bain.
L'ambiance root rock est parfaitement respectée et les seules marques d'arrangement indiquant un travail postproduction sont d'une justesse rare. Sachant être discrets sans pour autant passer inaperçu, ils apportent, le plus souvent sous la forme d'un air d'orgue ou de son lointain tout en retenue, le liant à chaque morceaux.
Pour les amoureux de l’électrique, Adam a aussi pensé à vous. L'apprenti peintre réalise trois belles pièces plus énervées. En tête des plus excitées, « Oh Shucks » sonne comme un vieux rock de garage. Et pourtant nos oreilles ont affaire à une expérimentation bien plus structurée qu'on ne pourrait le croire. Une guitare ultra saturée, un orgue à la limite du bruit de jeux vidéo des années 80 et un batterie agressive auront raison du texte qui se trouve malmené par autant de désordre ordonné. Que mon propos ne soit pas mal interprété, « Oh Shucks » est un bon titre, c'est de ce fameux désordre que ressort le bon goût du morceau. Après tout nous aimons tous une part de désordre alors pourquoi pas un peu dans cet album ? Puis , si vous souhaitez une maîtrise des rythmes, vous serez servi avec « Lockout » et « What Make Him Act So Bad ». Les deux titres sont bien différents et pourtant l'utilisation de l'instrumentation est la même : le coté électrique n'est présent que pour muscler la rythmique. Je vous accorde que dans « Lockout » les petites touches funk apportées sont un régal et ne correspondent pas à l'explication faite précédemment, pour ma part elles rentrent plus dans les arrangements que dans la fabrication première du morceau.

L'album se termine sur le (encore une fois) réussi « You Blaken My Stay » et Adam Green nous fait bien comprendre à travers celui ci qu'il ne cherche pas la gloire, juste à faire des chansons. A force de recherches je m'aperçois même qu'au delà des chansons c'est pour l'art qu'il vit. Peintre, photographe, chanteur, compositeur... Il s'essaye à tout avec son lot de réussites et d’échecs. De mon point de vue, qu'il reste ami avec sa guitare. Je n'avais pas aimé ce style à ce point depuis ma rencontre avec J.Cash.
Minor Love est un bonheur simple qui réconcilie les années 60 avec notre époque. Un grand écart qu'Adam Green maîtrise avec brio.
Frusciendrix
8
Écrit par

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le 4 mars 2013

Critique lue 125 fois

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