Last movements

Le come back de New Order en 2015 était, il faut le dire, assez inattendu. L’enchanteur Waiting for the Sirens Call, qui fêtait là sa décennie d'existence, n’attendait pas vraiment de successeur, d’autant que les esprits s’étaient ensuite un peu échauffés : le groupe semblait dissolu, Peter Hook ayant quitté le navire pour vaquer à un projet solo visant à revisiter son propre répertoire, et Sumner ayant formé le side project Bad Lieutenant (dont l’album fut tout simplement catastrophique). Et pourtant voici finalement Music Complete : le titre a un côté définitif, genre “je crois que ce sera notre dernier album, les gars !”, ce qui ne serait guère surprenant. La pochette est toujours signée Peter Saville, mais ça se voit au premier coup d’oeil (achat en vinyle obligatoire). Autre particularité : le disque signe le retour de Gillian Gilbert, qui avait déserté il y a bien des années.

Quand une formation de légende telle que New Order sort un album après tant d’années de silence, on ne peut qu’être partagé entre appréhension et excitation. Waiting for the Sirens Call arborait déjà un style pop-rock finalement assez classique, bien que de qualité, et les quelques passages electro étaient loin d’être aussi subtils que ceux proposés par le groupe dans les années 80. Et dans ce domaine, les choses évoluent tellement vite qu’il s’en faut parfois de peu pour tomber dans le mauvais goût ou la ringardise. Music Complete, plutôt orienté dancefloor que guitares, flirte parfois dangereusement avec les deux, sans toutefois se fourvoyer. Le meilleur exemple de ces périlleuses acrobaties sonores est sans doute Nothing but a fool, excellent titre à rallonge, à l’atmosphère unique, et carrément le plus original du lot… Mais qu’est-ce que c’est que ces choeurs féminins dégueulasses qu’ils lui ont rajoutés ??

Pour le reste, on peut dire que le trio de tête de l’album est quand même sacrément bien foutu. On y trouve Restless, premier single très honorable et typique de New Order, et surtout Singularity, l’une des grosses claques musicales de l’année, mélodiquement irrésistible avec son esprit très new-wave (comme quoi, ils en ont encore sous le pied, les pionniers de Manchester). Quant à Plastic, on aimera ou on détestera le côté très “clubbing”, mais l’ironie du texte permet au morceau d’emporter l’adhésion. Et ensuite ? Shit… Ca se gâte un peu. L’exotique Tutti frutti passe encore si l’on décide d’être indulgent, mais l’enchaînement People on the high line / Stray dog est carrément poussif, voire invraisemblable : le style du groupe y est difficilement reconnaissable, la présence d'Iggy Pop en invité de marque semble ne mener nulle part, et pour couronner le tout, les morceaux sont trop longs et dispensables. Pas de bonne augure pour aborder la seconde moitié du disque, qui, il faut l’avouer, sera de qualité inférieure. Academic ressemble déjà à une redite de Restless, en plus lent, et porte donc trop bien son nom : sans être mauvaise, elle possède tous les tics du New Order à guitare post 2000 et ne se détache guère du lot. Elle est heureusement suivie par Nothing but a fool, qui, comme dit plus haut, en est l’exacte opposée en terme d’inventivité.

A ce stade, la fin approche à grands pas. Superheated, malgré le featuring avec Brandon Flowers, le chanteur des Killers (en y pensant, si on écoute Hot Fuss, la filiation entre les deux formations ne semble pas improbable), rate le coche en proposant un morceau à la fois énergique et aérien mais qui ne restera pas dans les mémoires, et surtout indigne de conclure un album du groupe. Unlearn this hatred s'acoquine trop avec le clubbing putassier cette fois ; quant à The game, rien de catastrophique, mais ça aurait eu tellement plus de gueule avec une ligne de basse digne de ce nom qu’on a juste envie de crier “Hooky, reviens !”.

On l’aura compris, si Music Complete est loin d’être la claque espérée après dix ans d’attente, il sauve relativement les meubles en se dégustant davantage comme une sucrerie, presque un plaisir coupable, que comme le disque du siècle. A vrai dire, et je m’excuse par avance pour ces propos que certains qualifieront d’hérésie, New Order, malgré la présence de leur bassiste fétiche, a même fait bien pire que ça par le passé (Technique, Republic, Get Ready)… On en viendrait presque à souhaiter qu’ils remettent le couvert, juste par curiosité !