Not to Disappear
6.9
Not to Disappear

Album de Daughter (2016)

Sur son premier album, Daughter nous avait habitués à des chansons aussi sincères que tristes mais toujours belles à mourir. Une empreinte dramatique qui n’a pas perdu un brin de sa superbe sur son successeur, Not To Disappear, dans la jeune discographie du groupe. Il n’en reste pas moins un disque de transition aux contours un peu plus rock et résolument dream-pop, avec l’aide du producteur Nicolas Vernhes qui a également officié pour Deerhunter, The War On Drugs ou encore Animal Collective.


Des séquences instrumentales épiques


En remontant sur la scène d’une Gaîté Lyrique à guichets fermés ce samedi 30 janvier, un an et demi après leur dernier passage dans la capitale française, leurs plus anciens travaux et leurs derniers morceaux ont su se mêler avec aisance sur une setlist équilibrée d’une quinzaine de chansons. Il est vrai que la formation anglo-franco-suisse basée à Londres a toujours su manier les extrêmes, et les accentuer encore plus sur scène où chaque morceau apaisé devient toujours plus intime, et chaque séquence instrumentale davantage produite encore plus épique.


Un jeu de balance qui fait d’autant plus mouche que Not To Disappear comprend de nombreux titres à la production plus dense, loin des premières démos pour le moins épurées du groupe où la voix hantée d’Elena Tonra résonnait comme un instrument à elle seule. “Nous venons de sortir un album, mais nous aimons malgré tout jouer nos plus anciens morceaux” explique Igor, guitariste, au public de la Gaîté Lyrique, avant de jouer Home, extrait de leur second EP sorti en 2011 et qui n’est jamais oublié lors des prestations live des londoniens.


Atmosphère planante


A ses côtés, Elena Tonra ne s’exprime que très peu lors du concert. Probablement pas guérie de sa timidité, la chanteuse de 26 ans affiche toujours un sourire gêné entre deux chansons sous les applaudissements d’un public assez jeune. Elle ne semble jamais aussi à l’aise que lorsqu’elle chante, impassible pendant plus d’une heure derrière son micro. Les prestations du groupe font ainsi l’effet d’un ensorcellement dans les rangs du public qui reste hypnotisé par l’atmosphère planante qui se dégage.


Cinq ans après ses premiers eps, le trio a cependant beaucoup changé. Daughter s’est maintenant renforcé de riffs résolument plus électriques, et également d’une quatrième musicienne sur scène maniant aussi bien les cordes que le synthé. Ainsi la formation lance son show sur les airs dream-pop de How, marqué par ses flots de guitare, au risque d’étouffer les paroles souvent susurrées de sa chanteuse. Peu importe, Elena retire ses gants de velours et laisse place à un chant plus poussé et direct.


Une frontière plus électronique


L’évolution progressive des trois musiciens les a également conduit jusqu’à une frontière plus électronique, qu’ils ont traversée au moins sur le surprenant No Care, où un beat nerveux répond constamment aux éclats de voix de l’anglaise. Un réel OVNI dans la discographie du groupe qui ne laisse pas les spectateurs indifférents entre la performance de deux titres apaisés.


Quel que soit l’album écrit par Elena, les paroles mises en avant témoignent néanmoins principalement d’une détresse psychologique. “Take the worst situations/ Make a worse situation” (“Prendre les pires situations/les rendre pire encore”) susurre déjà Elena en ouverture de Numbers. L’Anglaise fait ainsi partie de ces songwriters qui parviennent à sublimer les aspects les plus troublants et déprimants de la vie, et ce sans jamais tout à fait fermer la porte à un brin d’espoir pour trouver la force d’échapper aux ténèbres. A l’image du déroutant Doing The Right Thing, qui évoque la maladie d’Alzheimer.


Une messe sombre


Daughter s’est ainsi donné pour signature cet équilibre entre l’évocation de sujets très durs et la grâce fascinante avec laquelle ils s’attachent à les mettre en scène. Une empreinte telle qu’elle transforme même les chansons au tempérament plus joyeux, à l’image de cette reprise audacieuse du très ensoleillé Get Lucky de Daft Punk, métamorphosé lors de leurs dernières tournées en titre sombre et angoissant (mais qui ne figure plus sur les setlists du groupe en 2016). Où qu’il passe, le groupe démontre ainsi qu’il s’est créé une identité très spécifique, méritant amplement le statut d’espoir de la nouvelle scène britannique qu’il doit assumer depuis quelques années.


On se laisse ainsi entraîner dans des profondeurs toujours plus sombres au fil de leur nouvel album comme de leur concert qui se terminent tous deux par le mélancolique Made Of Stone : “Love is just easing the waiting before dying without company” (“L’amour facilite juste l’attente avant de mourir seul”) y soutient notamment Elena Tonra. C’est là le meilleur moyen d’achever une messe sombre, qui peut sembler dénuée d’optimisme mais à la beauté froide et électrisante.


Via lesinrocks.com

Charliiiie78
9
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le 14 nov. 2016

Critique lue 282 fois

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