Ont à tendance à citer « L’école du Micro D’argent » quand on évoque le meilleur album d’IAM. Loin de moi l’idée de renier les qualités évidentes d’un disque qui a battu tous les records du genre a l’époque, mais on oublie une chose fondamentale : « L’école… » est surtout le successeur inespéré d’un disque fondateur dans l’histoire du groupe et dans celle du rap français.

Commençons par la forme. « Ombre Est Lumière » est le premier double album de l’histoire du rap. Pas du rap français, du rap tout court. Plus qu’un long format, c’est un véritable péplum de 40 titres qui se présente à nous. De l’imagerie au choix de musique, tout est mis en œuvre pour nous faire plonger dans cette ambiance des anciens empires de l’Égypte antique. Ce qui est plutôt paradoxal avec l’évidente influence new-yorkaise qui règne sur tout le(s) disque(s).

L’album s’ouvre sur « Le Feu », repris d’un chant tout droit extrait des tribunes du stade Vélodrome. Et dès le second morceau, le grand écart s’opère. Ont passe de la légèreté bien punchy au mysticisme complet avec « Cosmos ». Et ont à la le plan de route du disque, un ascenseur émotionnel permanent qui jongle entre engagements, spiritualité, colère et humour.

Enchainant sur « vos Dieux Ont Les Mains Sales », Shurik’n balance des tonneaux de fiel sur la lâcheté ambiante. D’après le livre « la face B », le morceau « J’aurais Pu croire » va valoir au groupe menaces et pressions, car déjà a l’époque, critiquer Israël n’était pas le bienvenu. S’ensuit un « contrat de Conscience » surpuissant de colère. Le morceau suivant « Le Soldat » est un story-telling qui fait froid dans le dos. On y suit les états d’âme d’un troufion sur un champ de bataille. Un texte écrit « caméra à l’épaule » avec une chute qui glace l’échine.

Avançons de quelques pistes pour nous attardé sur « Le 7 », un exercice de style hors du commun, surement le seul du genre dans le rap français. Akh nous y explique toutes les déclinaisons à la fois physique, mathématique et mystique du chiffre 7… le tout sur un beat a 7 temps. Un travail que l’on imagine titanesque compte tenu du nombre de références que contient le track. Plus léger « Harley Davidson » est un foutage de gueules en règle des pseudos motard de l’époque. Prévu pour être le premier single de l’album, les ayants droit de Gainsbourg n’ont que très modérément appréciés la reprise et les chœurs qui dégueulent au refrain…

Plus loin, après un « shit Squad » bien patate, arrive « une Femme Seule », morceau touchant et biographique, servi a l’époque par un très beau clip. Ce qui nous amène à « Je Danse Le Mia ». Succès populaire et quasi instantané d’un morceau que le groupe jouait déjà depuis quelques années sur scène. Succès dont le groupe cherchera vite à ce détaché, tant on aura vite fit de les cataloguer comme des rappeurs « rigolo ». Ils répondront d’ailleurs a ces accusations sur la réédition « Volume Unique » de l’album sorti l’année d’après avec le titre « Reste Underground ».

Grave erreur quand on écoute « L’aimant ». On peut littéralement parler de morceau fondateur, puisqu’il sera le premier à parler de la rue. À une époque où les rappeurs essaient déjà d’avoir une analyse sociale et/ou politique « L’aimant » est un constat froid et terre-à-terre, la chronique du coin de rue, le point de vue du banc. Chanson biographique, mais pas auto, « L’aimant » reviendra ponctuellement dans la carrière d’Akhenaton jusqu’à en faire un film en 2000 avec Kamel Saleh.

Le second disque s’ouvre sur « Le Dragon Sommeille » et ses références mystiques, puis sur « Attentat II », digne successeur du premier épisode sur « …De La Planète Mars ». Le parfait mode d’emploi pour pourrir un vernissage d’art contemporain bien bobo, et une sacrée barre de rire à l’écoute.

Un peu plus loin « Affaire En Cours » est à replacer dans le contexte de l’époque où les affaires de détournement de fonds et autres trafic d'influence étaient quasi quotidiennes dans la presse. À cette période, nous sommes d’ailleurs en pleine affaire « OM-VA ».

Survolons le disque pour nous attardé sur « Je lâche la meute » et son sample issu de « Conan le Barbare », qui sera d’ailleurs réutilisé en 2007 pour l’intro de leur mixtape.

L’album se clôture sur « Pharaons revient » et ses voix sentencieuses digne de ces vieux films en cinémascope.
En résumé, et malgré le pavé que je viens de pondre, nous sommes en face d’une œuvre unique et singulière. Là où Suprême NTM, a la même époque, fait dans « l'anarcho-braillard », IAM a une maitrise totale, aussi bien au niveau de ses textes, avec ses innombrables références, que de sa musique. Le fait que Nicholas Sansano et Dan Wood se soient occupés du mix n’y est surement pas étranger.

Encore une fois, replacez se disque dans le contexte de l’époque, réécoutez les disques de rap (aussi bien Français qu'américain) sorti cette année-là, et le constat se révélera de lui-même : « L’école du Micro D’argent» est surtout le successeur inespéré d’un disque fondateur dans l’histoire du groupe et dans celle du rap français.
Nico_Seize_Bar
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le 17 avr. 2014

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Nico_Seize_Bar

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