Dans la série des albums où le succès critique n'a pas été présent à la sortie, mais largement au rendez-vous des années plus tard, One Hot Minute tient une place de choix. Incompris à sa sortie, trop souvent comparé avec son grand-frère Blood Sugar Sex Magic, avec le recule on se rend compte que One Hot Minute est probablement le travail le plus abouti des Red Hot Chili Peppers avec le disque précédemment nommé. Une puissance à l'état brute qui voit le jour en 1995. Remettons nous un peu dans le bain.

En 1992, Blood Sugar Sex Magic voit le jour, deux ans après Mother's Milk. L'album a permis au groupe d'atteindre une maturité qui s'était faite désirer sur l'autre album et Blood Sugar Sex Magic apparaît clairement comme un moment de gloire absolue pour le groupe, aussi bien auprès du grand public que des amateurs un peu plus pointus. Malheureusement, John Frusciante, alors plus jeune de 10 ans, ne résiste pas à la pression et s'échappe dans la drogue, avant de finalement, s'échapper du groupe.
La formation se retrouve alors en galère, comme à son habitude depuis sa naissance. Après des mois et des mois d'hésitations, c'est Dave Navarro qui va remplacer Frusciante. Ex-guitariste de Jane's Addiction, le gratteux est bien plus influencé par le hard et le métal que par le funk et le choix peut paraître, ainsi, surprenant. D'autant plus qu'en terme de drogue, Navarro n'est pas un enfant de choeur. Comble de l'ironie, Anthony Kieldis, le chanteur vient de rechuter tout en le cachant au reste du groupe.
Un peu moins de deux ans plus tard, le groupe rentre en studio pour qu'en septembre 1995, le 6ème album des Red Hot Chili Peppers voit le jour.

La patte de Navarro se fait entendre, mais, personnellement, si l'histoire a retenu les différences (Navarro étant, au final, très sérieux dans le travail de composition, loin des jams habituelles des Red Hot), j'ai plutôt, comme théorie, l'idée que son arrivé est la preuve que le groupe voulait changer de son et se rapprocher d'un côté mordant. Rappelons nous qu'en 1992, le grunge et le trash métal cartonne, le néo-métal va bientôt commencer ... L'idée de vouloir durcir leur son n'aurait certainement pas effrayé les Red Hot qui auraient souhaiter évoluer plutôt que stagner.
La production joue le jeu et donne un son parfaitement maîtrisé, à la fois violent en envoutant qui sera, par la suite, très réutilisé pour le groupe. On a le droit pour ce qui est du mixage/mastering a un des plus beaux albums des Red Hot à mon sens.

Cette volonté d'être plus agressif s'entend parfaitement bien avec un titre comme Coffee Shop, certainement le plus violent du groupe. Dans le même temps, c'est aussi ce titre qui met en avant toute la folie de Navarro qui n'hésite pas à doubler le chant avec sa guitare. Les Red Hot choquent, mais ils ont pourtant garder la folie qui les caractérisent mais avec, en prime, un côté plus violent, tiré du métal. Une réussite.
Et ce n'est pas l'ouverture qui va me contre-dire, Warped est également un morceau bien dur et violent (avec un clip totalement psychédélique) qui montre là encore une profonde inspiration rock bien agressif tout en gardant le chant de Kieldis comme élément antérieur.
Globalement cet album fait la part bel à l'expérimental, avec bien sur l'intro de Warped, le son de guitare de Navarro sur l'ensemble des titres. Et ce n'est pas Falling into Grace qui va me contredire. La sur-dose de wha-wha est absolument démentielle et prouve bien que le groupe n'a surtout pas oublié son groove. On verra cela avec One Big Moob qui respire bon le Red Hot des débuts, totalement dingue avec, en prime, un long pont de 4 minutes au milieu du morceau, totalement calme et envolé, en opposition totale avec le début et la fin, qui eux, sont sur-excité. Oserait-on encore dire que les Red Hot ne sont pas dingues ?

Un point essentiel de l'album est la sur-présence de la basse, qui gagne en lourdeur sans perdre son toucher mélodique et agressif, un poil aigu encore. Flea s'éclate. Coffee Shop lui offre deux solos et Aeroplane, le fameux single offre une des plus belles lignes de basse de sa carrière. Totalement sous le charme, ce morceau séduira les foules, il faut l'avouer, c'est une réussite rare.
On retrouve également la qualité de ce genre de son dans le titre éponyme. Assez agressif et psychédélique, on comprend pourquoi l'album porte son nom.
Flea s'offre même le luxe d'avoir un morceau tout seul, où lui et sa basse ponctue le petit Pea, en milieu d'album. Amusant et surprenant, ce titre est cependant évocateur de la difficulté que le groupe a eu à conclure la composition de l'album.

On a le droit à quelques titres plus faciles d'accès comme Transcending, qui conclut l'album, ou encore Tearjeker un bel hommage à Kurt Cobain. My Friends est un très beau titre aussi et très reposant. Quant à Aeroplane, j'en ai déjà parlé, c'est un véritable chef d’œuvre.
Le groupe a aussi des textes très matures évoquant aussi bien la drogue, la mort, l'amitié. On a le sentiment qu'eux-même ne se rendent pas toujours compte de leur succès et du niveau auquel ils se sont élevé. Plusieurs titres ont une vision intimiste très surprenante.


One Hot Minute est le sixième album des Red Hot Chili Peppers, le seul avec Navarro (qui partira en 1996) et surtout, pour plusieurs fans, le dernier véritablement recherché. Là Navarro a injecté (ou est lié à une injection) du modernisme dans le son des Red Hot, de l'expérimentation aussi (et ça s'entend), Frusciante va amener un côté plus pop. Touchant certes, mais perdant du coup une des facettes les plus intéressantes des Red Hot Chili Peppers.
Mais ne maudissons pas ce qui advient par la suite et réjouissons nous plutôt de ce magnifique album !
mavhoc
9
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le 9 oct. 2014

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