One More Light
3.9
One More Light

Album de Linkin Park (2017)

Quand l'expérimentation atteint ses limites...

La première chose à savoir est que je suis une fan inconditionnelle de Linkin Park, et que j’ai apprécié TOUS leurs albums -certains plus que d’autres, car oui, être fan ne signifie pas trouver que tout est parfait dans leurs opus- .
Qu'on aime ou non chaque tournant stylistique que prenait le groupe, chaque album avait quelque chose à offrir à celui qui l’écoutait, que ce soit musicalement parlant, au niveau des paroles ou au niveau du concept qu'il introduisait.


Enfin, tous…


J’attendais One More Light avec une impatiente démesurée. Les teasing de l’album à venir me tenaient en haleine depuis plusieurs mois. L’arrivée imminente du premier single du nouvel opus approchant, le suspense allait bientôt être terminé, pour mon plus grand bonheur.


… Février 2017, Heavy, un featuring risqué (risqué ne voulant pas dire mauvais dans son sens général, mais, là, le terme prend tout son sens), avec Kiiara, est dévoilé sur les ondes.
Un titre plat, sans quelque musicalité qui sort du lot, des paroles redondantes, fades et clichés qu’on peut entendre partout… On est loin de la claque musicale et artistique qu’on s’est prise en 2014 avec le puissant Guilty All the Same.


Alors oui, comparer n’est pas la meilleure chose à faire, surtout avec Linkin Park, car aucun album -exceptés les deux premiers- ne se ressemble.
Mais entre un titre résonnant presque métal, avec des basses et des guitares assourdissantes, presque révolutionnaire, qui incite à aller au bout de soi-même ; et un titre pop, remplissant toutes les catégories clichées, avec une instru absolument pas recherchée, voire inexistante, idéal pour les radios ; oui, la comparaison s’impose. Et ça m'embête de devoir comparer un chef d'oeuvre à... ça.
Mais ce n’est qu’un titre. J’ai décidé de laisser la chance à l’album, même si mon instinct me disait que la déception serait à son paroxysme…


Les extraits s’enchaînent… sort rapidement Battle Symphony, un titre très calme, sans saveur , Chester y étant au minimum de ses capacités vocales, qui m’a laissée de marbre… Une part de moi ne s’attendait à rien. Mais j’ai tout de même été déçue.
Arrive ensuite Good Goodbye, un morceau plutôt rap avec des sonorités urbaines actuelles… pas mauvais, ok, mais pas transcendant non plus pour un groupe qui a l’habitude de balancer des bombes dans le paysage musical sans crier gare…


Puis, juin 2017… l’album sort. Un album intégralement pop.
Et là, c’est le drame.


Je suis pourtant la première à encourager les prises de risque.
D’autant que Linkin Park avait, depuis Minutes to Midnight, pris un virage plutôt axé vers des sonorités pop –sans pour autant perdre son identité musicale, étant donné que l’album était progressif pop/rock, avec, je tiens à le préciser, 80% de rock, pour 20% de pop-


Je m’explique :
Au début des années 2000, on a blâmé le groupe pour la ressemblance frappante entre Hybrid Theory et Meteora. Et, à la sortie de Minutes to Midnight, lorsque se sont détachées quelques ondes tournées vers la pop - et encore, ces sonorités étaient minimes !- on leur a reproché de faire quelque chose de différent…
Paradoxal quand on sait que Linkin Park a toujours revendiqué cette envie d’innover, de changer, et que le groupe a toujours refusé d'être mis dans une case…
A Thousand Suns, par exemple, était aux antipodes de ses prédécesseurs. Un album qu’on pourrait véritablement qualifier comme "prise de risque", mais surtout comme "album concept"
Sauf qu'on retrouvait dans cet album des instru maîtrisées ; chaque membre du groupe étant mis en valeur dans sa spécialité propre, ainsi qu’un message réellement frappant et d’actualité tout le long de l’opus, une intention, une volonté d’exploiter.
Je vous invite à lire cet article qui l’expliquera mieux que moi : https://www.kerrang.com/features/linkin-parks-a-thousand-suns-changed-the-way-we-think-about-concept-albums/


Living Things était plus tourné dans un concept voulant mêler l’électronique et le rock. Un concept audacieux et assez risqué, mais qui fonctionne, même si on retrouvait dans le titre VICTIMIZED la puissance à la fois des guitares, de la batterie et de la voix de Chester. En outre, quelque chose de très différent du concept de l'album. Mais c'est aussi ça qu'on aime avec Linkin Park. Ils nous offrent un album qui propose des titres aux gens plutôt variés ; même si, dans l'ensemble, l'album est tourné vers un genre pré-défini par le groupe. Par exemple,The Hunting Party, sorti en 2014, renouait avec des guitares très violentes, enragées, plutôt tournées métal et les débuts du groupe en 2000. Et pourtant, ils proposaient des titres très doux tels que Drawbar, ou A Line in the Sand, qui, lui, faisait plutôt penser à un Blackout de par son concept mêlant douceur/violence (ici, je parle de violence en terme d'instrumentalité et de vocalité). Je m'égare un peu, mais tout ça pour souligner la polyvalence et les nombreuses capacités artistiques du groupe, qui ne s'enferment pas dans le nu-métal, mais qui exploitent, explorent des univers artistiques sans s'enfermer dans un genre.


Tout ça pour dire que, car même si ces différents tournants peuvent déplaire à certains tant ils peuvent être variés, il y a toujours quelque chose d’intéressant à en retenir qu’on ne peut nier ; que ce soit du côté des prises de risques instrumentales, du côté des paroles ou même des clips ! –en sachant que, de MTM à THP, tous les albums étaient des albums concept !... One More Light y compris...-


Mais les prises de risque et l'innovation ne peuvent pas toujours payer.
3 ans plus tard, on nous pond un album POP - un véritable choc - de 10 titres. 10 TITRES. En 3 ans.
Mais s’il n’y avait que ça qui posait problème…


Alors oui, on le sait tous, Linkin Park aime varier les styles, et aime également expérimenter. Tout ne peut pas être parfait, aussi doué le groupe soit-il. A Thousand Suns, encore une fois, était un album expérimental, donc il ne pouvait pas l’être.
Mais on y retrouvait l’essence du groupe, pour toutes les raisons que j’ai exposées plus haut. Indéniablement.


Car là réside le problème principal de One More Light. L’absence d’essence du groupe. Et surtout, l’absence d’âme.
La voix de Chester y paraît frêle, fade… il nous offre ici la prestation la plus terne jamais proposée auparavant ; lui qui est capable de tellement avec une voix aussi puissante que la sienne… Alors qu’ici, il se contente de poser (le minimum de ce qu’il peut donner de) sa voix sur des sons aussi insipides les uns que les autres. Quel gâchis quand on sait ce dont cette voix est capable. Pourquoi abandonner sa puissance vocale comme ça ?
Cet album, c’est comme si tu roulais seul une route linéaire sans croiser personne. Il n’a absolument aucun intérêt, et on s’ennuie fortement.
C’est d’une platitude jamais vue pour un groupe expérimental comme Linkin Park.
J’ai même l’impression que tous les titres –exceptions faites pour One More Light et Talking to Myself- sont des démos qui traînent dans leur grenier depuis des années, et qu’ils les ont mises dans l’album pour satisfaire des fans impatients…
Les 6 membres du groupe et leur domaine de prédilection ont disparu, ont été balayés avec cet album.
Où sont les guitares ? La batterie ? Les échanges vocaux, pour lesquels le groupe est si doué ?
C’est comme si on avait pris une mélodie et qu’on s’était contenté de modifier 2/3 sonorités pour chaque son, et que Chester avait posé sa voix dessus.
Des sonorités parfaites pour les radios, et des sonorités d’actualité.
Attention : je sais très bien que le groupe ne court pas après la gloire. THP, le prédécesseur, risqué, audacieux, aux antipodes de la « mode » musicale actuelle le prouve.
C’est d’ailleurs ce paradoxe qui m’intrigue depuis un certain temps : pourquoi un groupe qui aime expérimenter, prendre des risques, se tourne-t-il vers des sonorités fades, sans qu’on ne retrouve AUCUNE guitare, à part dans l'intro de Talking to Myself ? PAS UN SON DE GUITARE. À savoir qu’il y a 3 guitaristes dans ce groupe.
J’ai envie de dire : où est le groupe ? Est-ce réellement du Linkin Park ? Les guitaristes ont-ils passé tout ce temps à se tourner les pouces ?


Cependant, comme le dit si bien le titre de l’album… il y a toujours de la lumière quelque part, et quelque chose de bon dans cet opus…


La seule chose qui sauve l’album, ce sont les textes.
Le groupe est, en effet, connu pour sa plume artistique frappante, émouvante, qui ne laisse jamais de marbre tant il s'identifie au monde en général, et à la personne en elle-même.
Une plume révolutionnaire, une plume qui cherche à cerner l’Autre et à le retranscrire en paroles et en musique. On ne retrouve malheureusement pas cette plume musicale dans l’album, mais on y retrouve la plume artistique dans certains morceaux de l’album.
Une plume certes très pessimiste, mais une plume qui frappe. Le titre éponyme One More Light est un bon exemple à cela ; encore plus avec le tragique événement de juillet 2017 ; tout comme Talking to Myself, d’ailleurs le seul titre de l’album qui me plaît un minimum, pour cette énergie qu’on retrouve dans quelques –trop- rares parties du son. Un son qui n'aurait toutefois pas retenu mon attention s'il s'était trouvé dans un autre album. Mais on se contente du peu de positif qu'il y a dans cet opus...


L’album s’écoute, tant que tu gardes en tête que ce n’est pas du Linkin Park…. Triste à dire, et surtout, frustrant à écrire.


Malheureusement, les bons points s’arrêtent là, et ça m’embête de devoir le reconnaître.


Alors non, ce n’est pas une fangirl nostalgique qui parle.
C’est une fan qui a perdu l’âme du groupe qui a changé sa vie dans cet album sans saveur.


Mais l’expérimentation a ses limites, et il faut croire qu’elles ont été franchies avec cet album. Ce sont des choses qui arrivent à tout le monde, même aux meilleurs, visiblement...

Ph0enix
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le 21 janv. 2021

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