Plus de vingt ans. 22 ans exactement. Il aura donc fallu tout ce temps, une génération pour que l'illustre Dave Gahan, LA voix de Depeche Mode (si on excepte quelques titres chantés par son collegue Martin) se livre enfin et cesse d'être l'éternel interprete. Et le passage par la case solo semblait obligatoire, Martin Gore étant alors le compositeur attitré de Depeche Mode et ce depuis le jour où Vince Clarke co-fondateur du groupe en soit très vite parti pour d'autres aventures (Yazoo et Erasure) et que le jeune Martin assuma le leadership. Ceci contribua à amener le groupe de Basildon au sommet, mais aussi à alimenter certaines rancœurs légitimes au fil des années tant la mainmise artistique de Gore était évidente, ce dernier refusant qu'on empiète sur son territoire . Ainsi en 1995 le groupe du subir le départ d'Alan Wilder de plus en plus frustré de la tournure des choses et dont les talents d'arrangeur/producteur ont été à l'origine de la tonalité sombre voir gothique qui redonna un nouveau souffle à Depeche Mode, à partir de l'album "Black Celebration" (1986).
Alors à la quarantaine et presque seul (Knock Chandler co-signe le disque) le charismatique chanteur baryton, Gahan l'interprète star se lance dans le "songwriting". Ou plutôt l'officialise car il commença à écrire en marge de Depeche Mode une bonne décennie plus tôt lorsque sa vie privée était chaotique.
De la part d'un gars élevé à la sauce punk, on aurait pu s'attendre alors à un rock hurlant, proche de ses racines. Il n'en est rien, "Papers Monsters" s'engouffre dans des chansons simples, mélancoliques, chaleureuses. Il dévoile une pop douce et synthétique, parcourue d'accents Folk, Blues et New-Wave. Ayant failli tout perdre dans ses démons toxicomanes au milieu de la décennie 90 , ayant échappé de peu au grand plongeon suicidaire , Dave le survivant sait qu'il a tout à gagner. Alors il avance, tel un gamin, cœur ouvert et innocence affichée, touchant d'hésitation et de vérité, se livre avec sincérité. Ainsi, "Dirty Sticky Floors" relate sa tentative de suicide. Et Depeche Mode ? l'ombre plane, immense, c'est une influence majeure de ce disque : "A Little Piece" pourrait venir des chutes de "Music For The Masses" ; "Bottle Living" de celles de "Violator". Telle une synthèse de vingt années passées dans l'un des plus importants groupes au monde qui collent à la peau du bonhomme...
Mais en dépit d'un évident bon goût musical, Dave peine tout de même à atteindre en solo le niveau de son combo d'origine. La voix est là, oui, les arrangements musicaux également mais les harmonies de Martin Gore manquent sensiblement. Doit-on le regretter ? Pas forcément. Car en cette première moitié de décennie 2000, dans leurs exercices solo respectifs (Martin a sorti à la même époque un album de reprises : "Counterfeit 2" ) , même honorables les pontes de Depeche Mode se sont prouvés que l'un sans l'autre, ils avaient encore du mal à retrouver leur magie. Ce qui eu un effet bénéfique en ne mettant pas l'avenir du groupe en péril et en poussant - enfin ! - Martin Gore à une certaine remise en question quand au management artistique du groupe : en effet à partir de 2005 et l'album "Playing The Angel" Dave Gahan a pu imposer son inspiration et placer ses propres compositions. Le mérite de "Paper Monsters" n'en est que plus grand. Rien que pour cela, soyons donc généreux et arrondissons à 7/10 une note artistique qui tendait vers le 6,5 ...