https://www.youtube.com/watch?v=aLVMTWcCAb4


On a tous un peu de tristesse en nous, je crois.


Pourtant, les larmes, la mélancolie, c'est pas porteur. Il faut la cacher, cette boule qui grossit au creux de ton bide, lui faire fermer sa gueule, étouffer ses pleurs derrière une tronche immobile comme de l'écorce. Du chêne hein, faut du solide, du qui bouge pas, de l'éternel. Et sous l'enveloppe, discrètes, dissimulées, des larmes comme une sève affreusement amère.
Parce que la tristesse, c'est un truc privé. Intime.
C'est un combat que tu mènes caché de la face du monde, dans la quiétude de ta chambre, tes chiottes, ta douche, ton n'importe où pourvu que t'y sois peinard et planqué.


Là, réfugié dans ta solitude, tu peux enfin lui laisser la place, à ce fantôme qui te suit et attend la moindre faille pour frapper. Là, tu peux fendre la carapace, sombrer dans la mélancolie, parfois même cracher une ou deux larmes salées, rattrapé par l'implacable tristesse qui habite au fond de ton coeur.
Dans ces moments-là, tu es seul comme un poil sur le crâne de Fabien Barthez. Seul de la vraie solitude, celle du dedans, pas celle du bruit alentour. Autour de toi, ton cerveau a fait le vide, c'est l'infini, l'abîme insondable qui engloutit le reste de l'univers, ne restent que toi et ta tristesse, elle qui te regarde narquoise, elle qui attend que tu succombes, comme un con.
Et toi tu plonges.
Comme un con.


Tu la regardes droit dans les yeux, droit dans ses deux yeux qui reflètent la paire fatale qui nourrit ton spleen depuis des années : l'amour et la mort. Ce spleen, on le construit depuis l'enfance, à chaque désillusion, chaque perte, chaque souvenir douloureux, on ajoute une petite brique au mur qu'on s'apprête à prendre de plein fouet. Solide et imperturbable ce mur, du vrai travail de pro. Une tristesse bien bâtie, indéboulonnable, prête à t'éclater le bout du pif au moindre tournant.
Alors face à elle, tu te sens tout petit, tout morveux. Comme un gosse.


C'est un combat de chaque instant de pas sombrer face à la tristesse, de pas baisser les yeux, de lui tenir tête.
Dans ce combat, Pierre Lapointe, c'est un uppercut droit dans le menton, un K.O. en un coup. C'est un super-héros venu du Nord, du vrai, là où il fait plus froid qu'au rayon surgelés, et qu'a ramené tout le soleil du monde dans sa valise.
Pierre Lapointe, c'est le Rocky Balboa de la tristesse. Improbable, sorti de nulle part, invincible.
Quand tu l'écoutes, c'est comme s'il caressait tout le malheur que t'as au fond de toi, c'est comme si toute ta misère gonflait, grandissait suffisamment pour que tu te rendes compte qu'en fait, elle est foutrement belle. A grands coups de poésie et de mélancolie, il rend la tristesse grandiose, splendide, il lui donne l'éclat d'un soleil qui vient éclairer tous les recoins noirs que tu cachais depuis ton enfance et révèle la beauté du plus humain des sentiments.
Finalement, la tristesse, on peut vivre avec. On peut même l'accueillir avec un grand sourire.


J'ai jamais été aussi heureux d'être triste.

Black_Key
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le 22 mai 2017

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