Make America Rage Again

Je dois avouer que lorsque j'ai entendu parler d'un supergroupe rassemblant du Cypress Hill, du Public Enemy, et surtout du Rage Against The Machine (on se refait pas), j'étais plutôt partagé. D'un côté très heureux d'avoir un peu de RATM comme carotte, j'avais très peur que l'originalité soit pas au rendez-vous, et que ce ne soit qu'une repompe éhontée de morceaux qu'on adore tous. Les avoir vus au Hellfest 2017 n'ayant pas vraiment aidé (ce n'était quasiment qu'une suite de reprise, malgré la qualité du concert).
Mais voilà. Le 15 septembre, sors cet album éponyme. Première inquiétude écartée, aucune reprises sur l'album, uniquement des morceaux originaux. Et ensuite, la principale question : Est-ce que Prophets of Rage arrive à se démarquer de ses parents, ou joue la facilité et nous sort du pseudo-Rage réchauffé et un peu fade ?

Dès la première écoute, toutes mes inquiétudes ont disparues. L'album est une foutue de bonne surprise. Forcément ça reprend pas mal de codes, de mimiques, mais il se démarque beaucoup. Beaucoup plus hip-hop qu'un morceau de Rage dans la rythmique, moins verbeux et moins subtil que ce qu'écrivait Zach de la Rocha, on a ici quelque chose qui fait bien bouger la tête tout en restant un objet très politique, bien que très direct.
Ici les morceaux rentrent en tête, la secoue, et c'est finalement tout ce qu'on leur demande.

Même si certains sons sont un peu en dessous (je pense surtout à Legalize me), ils ont tous leurs moments glorieux, leurs 30 secondes qui nous font dire "Putain que c'est bon". Tom Morello est toujours aussi en forme à la gratte évidemment, Chuck D et B-Real apportent évidemment le délicieux côté hiphop de l'album, et Commerford et Brad Wilk font du très bon taf.

Et non, je pense qu'il n'y a pas besoin de ramener Zach de la Rocha au chant, parce que ce n'est pas Rage Against the Machine, ce n'est pas Public Enemy ou Cypress Hill. C'est Prophets of Rage. Un groupe avec son identité, ses sonorités, ses messages.

Évidemment, c'est très politique, le but même de l'album est d'être une protestation contre l'élection de Trump, et une sonnette d'alarme envers de nombreux problèmes économiques et sociaux des états-unis, et du reste du monde. Alors ouai, c'est gros comme une maison, l'écriture n'est pas d'une finesse incroyable, mais les messages sont louables, et sont transmis avec force. On passe par une dénonciation des répartitions des richesses dans Living on the 110, à un coup de gueule contre le racisme et les discriminations dans Unfuck The World, en tirant ouvertement sur Trump dans Hail to the Chief (ça s'applique aussi très bien à beaucoup de chefs d'état). C'est violent pile comme il faut, délicieusement explicite, et donne surtout envie d'aller gueuler dans la rue. Mission accomplie.

Alors oui, Prophets of Rage ne réinvente pas l'eau chaude, mais de part ses sons très reconnaissables, arrive à se démarquer, et me rend très impatient d'en entendre plus. C'est donc je trouve un excellent premier album, qui permet au groupe de bien faire ses preuves. Et puis, c'est tellement délicieux de réentendre des sons réellement subversif, qui gueulent fort et simplement ce que les gens pensent, et ça fait du bien.