Raiders of the Lost Ark (OST)
8.3
Raiders of the Lost Ark (OST)

Bande-originale de John Williams (1981)

Bien qu’à la vue du nom de la Bo, vous ne pouvez vous empêcher de chanter la "Raider’s March" dans votre tête dans l’espoir qu’il agisse tel un portail dimensionnel vers votre saga d’aventure préférée, nous allons constater qu’Indiana Jones, c’est bien plus que ça (vraiment curieux qu’à chaque fois que John Williams fait don de sa musique à un blockbuster, c’est toujours avec un thème de dieu vivant, qui fait involontairement de l’ombre au reste de son œuvre tout aussi magistrale). Sur une idée de Steven Spielberg et de Georges Lucas naquit en 1981 le premier Indiana Jones, Les Aventuriers De L’Arche Perdue. Et qui d’autre que John Williams pour accompagner les péripéties du célèbre aventurier ?

Tout comme le film, la musique nous met dans l’ambiance dès les premières minutes : durant l’ouverture, bon nombre d’éléments sont dors et déjà témoins des grandes qualités de la Bo. On observe des pizzicatos en cascade pour les araignées, des bois chaleureux pour le trésor antique, des cuivres assez tendus pour la sortie du temple, à nouveau des pizzicatos plus dynamiques (mélodiques cette fois) pour l’escapade dans la forêt et enfin des cuivres plus enjoués pour le premier leitmotiv du thème d’Indiana Jones.

Alors déjà, ce que l’on pourra constater dans tous les Indiana Jones, c’est cette rare complicité entre le film et sa musique. Je m’explique : lorsque le film désire faire croire quelque chose au spectateur, donner une impression particulière, il est normal que toutes ses composantes (que ce soit l’éclairage, le jeu d’acteur, …) l’aident à accomplir son but, et ce de manière inconsciente (à part en se concentrant en faisant vraiment exprès, on ne remarquera pas naturellement les techniques de montage, où l’exacte variation de l’éclairage, la focale utilisée par la caméra (quand c’est bien fait, hein, quand alchimie du film fonctionne pour que ça ne saute pas aux yeux)). Ici, la musique accomplit ce rôle à la perfection, et en plus d’être omniprésente, elle se révèle être un soutien excellent pour le film, que ce soit pour l’ambiance, pour les sentiments des personnages, ou pour les intentions du film (le twist final, par exemple, excellemment interprété). Les exemples regorgent à la pelle : la première apparition d’Indy est accompagnée par des cuivres graves pour accentuer le côté encore méconnu du personnage (les mêmes cuivres utilisées plus tard pour les nazis), un joli motif léger voir burlesque a été composé spécialement pour la poursuite des paniers (le morceau s’appelle carrément « The Basket Game »), ...

Egalement, l’utilisation de techniques orchestrales assez développées permet de mieux coller à des situations très particulières, puisqu’étant dans le registre de l’aventure (oui, le titre n’est pas assez clair là-dessus ^^), le spectateur doit ressentir toute la tension du climax, et avoir peur pour son héros. Il est suffisamment charismatique pour qu’on s’y attache grâce au talent d’Harrison Ford, mais celui de John Williams nous permet de mesurer l’ampleur de la situation en créant toujours une ambiance appropriée. En effet, les Indiana Jones (les 3 premiers en tout cas) sont remplis à ras bord de gimmicks, tellement resucées jusqu’à la moelle qu’ils en sont devenus des clichés dans les autres films s’inspirant d’un peu trop près (tout ce qui a du succès et qui est de qualité est nécessairement repompé ailleurs pour le succès sans retrouver la qualité ^^). Mais n’oublions pas qu’ici, il s’agit du modèle, sans mauvais dosage, et que la musique intervient toujours à propos sans jamais ampouler son sujet. Williams mobilise tout son orchestre pour donner le plus de couleurs différentes à sa musique : on trouvera pour les séquences « animalières » des pizzicatos en cascade, on l’a vu, des à-coups au violons et aux bois, mais aussi des ostinatos complexes, des cuivres très corrosifs qui agissent comme des appels pour les passages tendus, fatalistes pour les nazis … Certains éléments pourront, comme le disait Williams lui-même, « choquer » ponctuellement l’auditeur s’il ne connaît pas l’utilisation du procédé dans le film, pouvant surprendre écouté seul ^^. Mais le tout reste largement écoutable sans craindre un traumatisme auditif.

Il y a tellement de points de synchro dans Indiana Jones, qu’on croirait presque à du mickey-mousing : coller à quasiment chaque élément permet à John Williams de développer une densité d’arguments hallucinante, donnant une impression de vie et de dynamisme à l’ensemble ("Desert Chase" en est le meilleur exemple : la rythmique est dantesque). La domination claire des cuivres (qui sont très versatiles selon les séquences) donnent l’élan épique que l’on pouvait attendre d’un film d’aventure de la trempe d’Indiana Jones, ce qui nous mène aux thèmes principaux.

Puisque vous insistez, parlons-un peu du thème d’Indy : à l’origine, Williams en avait composé 2. Il montra le premier à Spielberg, qui l’adora instantanément, et l’avait déjà adopté à la première écoute. Du coup, il lui montra le deuxième pour le fun, même si le choix était déjà fait. Sauf que Spielberg le trouvait excellent aussi, du coup il dit à Williams « Tu peux pas mettre les deux ? ». Ainsi, le premier devint le thème d’Indiana Jones (le premier qu’on entend dans "Raider’s March"), et le deuxième celui des Aventuriers (d’abord aux cordes dans la "Raider’s March"). Inutile de développer davantage ce monument de la musique de film, il exprime tout de lui-même : ses ostinatos au rythme irrégulier et entraînant au tambour et aux cordes, ses cuivres joyeux et flamboyants, des cymbales enthousiastes, et bien sûr le motif qui exprime tout ça à la fois ^^ Le thème de Marion illustre bien sa personnalité, imprévisible mais douce, aux multiples visages (cordes, bois, ...).

Le thème de l’Arche est une perfection en soi : telle une antithèse du thème du Graal, leur seul point commun est qu’ils ont pour sujet un objet divin et merveilleux, la récompense d’une quête sacrée ; par conséquent leur noblesse est bien retranscrite. Mais leurs interprétations sont opposées. Le thème du Graal est chaleureux, accueillant, réconfortant en un sens : ici, il n’y a rien de tout ça, car l’Arche exprime quelque chose d’autre. Le motif possède un rythme et des intervalles assez orientaux dont la noblesse ressort lorsqu’il est aidé par l’orchestration, comme son interprétation par les bois plutôt doux dans "The Map Room – Dawn" (arpèges valorisants, et lenteur mise à profit pour donner de l’ampleur). Mais sa lenteur et son accélération progressive le pervertit, et lui donne un côté presque maléfique. En fin de compte, c’est une beauté dont ne se dégage aucun enthousiasme : il n’y a rien de chaleureux dans les cuivres corrosifs ("The Miracle of the Ark" l’expose bien), les voix très froides donnant un côté inaccessible et profondément malsain (voir fataliste) à la chose. Ce thème de l’Arche rejoint celui du film : l’Arche Perdue n’est pas ce que l’on croyait.

Ainsi, Les Aventuriers De L’Arche Perdue pose les bases de la plus grande saga d’aventure jamais réalisé, et la musique y joue un rôle prépondérant dans ce succès : des thèmes splendides qui donneront envie à n’importe quel enfant émerveillé de se transformer en aventurier pour parcourir les endroits encore méconnus du monde, à l’orchestration sublime et à son exploitation perfectionniste, cette Bo aux multiples visages est le soutien parfait du film, et lui confère une puissance alors inégalée. (Encore) un chef d’œuvre !
Soundtrax
10
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le 13 juil. 2014

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