Enfin ! Après huit ans d’attente, Daft Punk revient avec un nouvel album. Cela tombe bien, on a tous besoin de se lâcher un peu. L’objectif de Random Access Memories : rendre hommage à la pop californienne des années 60-70, la remettre au goût du jour pour combler le fossé générationnel qui sépare la dance de l’époque à la musique actuelle. Alors quand la French touch s’attaque au domaine rutilant de la disco-pop, tant décriée en son temps par les créatifs tels que Frank Zappa, le résultat est-il à la hauteur des attentes ou l’ensemble ressemble-t-il davantage à un caprice de stars de la musique ?

Tout d’abord, il serait inutile de rejeter cet album en brandissant l’argument de la facilité, que Daft Punk peut se permettre d’exploiter cette esthétique sonore pour opérer un virage stylistique. Laissons de côté cette théorie du complot. Bien que le duo frenchy soit le parangon du groupe disposant de la meilleure exposition possible, parlons plus simplement d’une envie, d’un concept réfléchi accouché par une démarche intellectuelle et artistique. La prétention, car elle existe bel et bien, c’est de donner au monde l’envie de danser.

Et pour cela, Daft Punk s’est entouré d’un certain nombre de collaborateurs, dévoilés par la série de vidéos « The Collaborators ». Random Access Memories, ce n’est pas un album purement électro. On parle d’enregistrement studio avec de vrais musiciens, garants d’une certaine authenticité : de Giorgio Moroder (producteur-arrangeur notamment de Donna Summer) à Nile Rodgers (le très « chic » guitariste disco-funk), avec en prime la nouvelle génération de talents comme Pharrell Williams (N.E.R.D), Julian Casablancas (The Strokes) ou Panda Bear (Animal Collective). Le ton est donc donné. Daft Punk a investi beaucoup de moyens pour produire leur dernier disque.

Seulement voilà, dès les premières minutes, malgré des premières mesures prometteuses (« Give Life Back to Music »), ce qui suit n’arrive pas à décoller et retombe un peu comme un soufflé. La house de Homework (1997) et le feeling disco électro de Discovery (2001) cèdent leur place à une nu-disco peu novatrice, une synth-pop un peu lisse (« Game of Love ») quand elle n’emprunte pas ses idées à un David Bowie période Low (« Touch »). Le comble : la présence d’un morceau easy listening carrément insipide, « Within ».

La Face A souffre en particulier de morceaux trop longs et d’arrangements un brin pompeux (« Giorgio by Moroder », « Touch »). Le début de l’album se révèle donc fade, pas suffisamment space funk et trop propre sur lui. Heureusement, la Face B sauve Random Access Memories avec de meilleures compositions : de la pop bien sentie (« Fragments of Time »), une coda puissante rappelant les meilleures heures du groupe (« Contact ») et bien sûr le tube du moment (« Get Lucky »), dans un mix encore plus long qui ravira les fans insatiables. Décomplexés vis-à-vis de leur amour de la variété des 70s, les robots de Daft Punk semblent ainsi vouloir eux aussi proposer une musique plus hype, s’éloignant de l’électro pure et dure pendant la quasi-intégralité de l’album.

Le premier reproche porte malgré tout sur ce regard un tantinet trop porté sur le passé. Le gros son n’est plus vraiment présent. Le vocoder se fait plus timide, contrairement aux voix trop présentes sur des pistes comme « Instant Crush ». Certains gimmicks font écho à des ritournelles disco bien connues de l’inconscient collectif. En fait, si le but était de mettre en lumière un style particulier et son époque, alors le pari est réussi. Mais à quel prix ?

Celui du sacrifice d’une première partie d’album sur l’autel d’une musique trop léchée. Bien sûr, la critique est facile, car il est complexe voire impossible de se réinventer dans les conditions d’un hommage. Random Access Memories semble tué dans l’œuf dans sa conception-même. Pourtant, cet album en demi-teinte est loin d’être mauvais, la Face B proposant de vrais instants de bonheur. Disons que pour la première fois de son histoire, le groupe accouche d’un disque qui divisera les fans. Quoi de plus normal pour un artiste de prendre parfois son public à contrepied ?

Au final, Random Access Memories est un hommage à la pop vintage made in Los Angeles qui pèche par son hétérogénéité, une remarque que l’on avait déjà pu entendre au sujet de leur dernier album studio en date, Human After All (2005) ; mais si l’on s’en réfère au dernier album live de Daft Punk, nul doute que les matériaux sonores employés pour confectionner ce disque ne manqueront pas de bâtir les fondations de nouveaux mix endiablés d’un hypothétique Alive 2017 !

http://offthebeatentracklists.wordpress.com/2013/05/18/daft-punk-random-access-memories
Messiaenique
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le 18 mai 2013

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