Relaxer
6.6
Relaxer

Album de alt-J (2017)

Trois ans après un disque à l’accueil public mitigé, alt-J revient avec un micro-album annoncé par le premier single 3WW, dévoilé courant mars. Avec sa division en deux parties bien distinctes, le morceau laissait songeur quant à la tournure qu’aurait pu prendre ce nouvel album du quatuor. Et à dire vrai, une fois l’écoute des huit pistes terminée, nous ne sommes guerre plus avancés.


Le problème ici n’est pas foncièrement le manque d’homogénéité dans la construction et le rythme des morceaux ; An Awesome Wave et This is all yours réussissaient à allier subtilement des pistes entrainantes, savamment produites et immédiatement efficaces, à des balades monotones, parfois rebutantes à la première écoute.


Mais par une étrange réaction, l’alchimie ne se fait plus sur cet album ; on retrouve pourtant la même diversité de morceaux, profondément différents mais dont l’enchaînement ne donne aucune cohérence globale. Aussi paradoxal que cela puisse paraître les productions précédentes dans la disparité de leur tracklist parvenaient à offrir un ensemble juste, où chaque piste occupait une place bien particulière, participant à un tout qui faisait sens.


L’impression générale que me donne RELAXER - à l’exception de quelques pistes - c’est celle d’un patchwork de chutes des précédents albums, qui s’inscrivent dans une continuité suffisamment cohérente des mélodies et des thématiques – le désir assouvi ou frustré (3WW, Adeline, Hit me like that snare) ou l’antithèse absurde de la beauté des cadres et de la violence s’y déroulant (In Cold Blood), sans que le résultat de cette addition se révèle pertinent.


Pris indépendamment, des morceaux comme In Cold Blood - dans la directe veine de Every other freckles et Fritzpleasure – ou Deadcrush sont efficaces mais particulièrement oubliables. Les similitudes entre les morceaux et les albums de alt-j ne sont ni nouvelles, ni fortuites ; d’une intertextualité constamment recherchée, au recyclage de sample en passant par l’usage parfois outrancier et récurrent de gimmick, à la limite de la parodie - on se rappelle de Left hand free – le groupe ne fait pas mystère d’un certain sens de la répétition, et a même construit une partie de sa discographie autours de cela, ce que leurs détracteurs ne manquent pas de souligner. Mais une fois de plus avec RELAXER, la magie n’opère plus. La réitération de formules et de schémas usités ne parvient pas à recréer l’originalité ou la surprise de leurs premiers succès, laissant place aux mieux à de plaisants ersatz ou au pire à d’insipides copies. Ce qui est d’autant plus dommage, que des morceaux comme Last Year reposant sur un très beau texte – ici un dialogue entre les adieux sous forme de comptine d’un homme et l’épicède de sa compagne – sont servis par une mélodie fade, qui en privilégiant une forme de minimalisme inhibe la transmission de toutes émotions.


L’album parvient néanmoins à se sauver avec notamment son titre d’ouverture (3WW) qui, malgré une construction volontairement anti-climaxique avec une introduction particulièrement longue et lancinante au point d’en être irritante, se rattrape avec le changement de ton du troisième couplet auquel se marie parfaitement le bridge chanté par Ellie Rowsell. Avec l’injustement boudé Hit me like that snare et son récit d’orgie BDSM dans une chambre d’hôtel, alt-j nous offre sans doute un des meilleurs morceaux de cet album et un des plus intéressants de leur discographie. Comme avec leur syncrétisme habituel, le quatuor de Leeds accouche d’un morceau aux légers accents garage rock – des sonorités rappelant par moment Hanni El Khatib ou encore The Black Keys – tout en s’appliquant à parodier aussi bien des tics vocaux que des textes résolument conçus comme des provocations au bon goût, pour en faire de ridicules babillages adolescents.


Puis, soudainement, entre une reprise inoffensive d’un classique de The Animals (House of the Rising Sun) et un autre morceau tout aussi oubliable (Last Year), surgit Adeline. A la différence du morceau de conclusion (Pleader) avec ses chœurs lourdingues, sa réverbération de chorale de cathédrale et son crescendo malgré tout travaillé (vague rappel de Choice Kingdom), Adeline condense au mieux ce que alt-j a fait sur ces morceaux les plus puissants (Bloodflood Part. II notamment) ; un crescendo maitrisé, s’ouvrant sur une froide retenue au service de paroles simples mais auxquelles la voix de Joe Newman donne une beauté résignée sans pareil, aboutissant sur un final bruyamment grandiloquent mais diablement efficace.


Au final, c’est un goût étrange et relativement désagréable que laisse RELAXER aux papilles des habitués de alt-j. Ce dernier ne parvient pas à offrir une synthèse suffisamment cohérente de leur travail antérieur tout en se révélant bien limité quant à la recherche de nouvelles pistes d’innovation, ayant fait autrefois leur succès, à la fois populaire et critique.


Quand alt-j nous chante ces trois mots usés que s’échangent inlassablement les amants, au point où ni l’un ni l’autre n’y croit plus réellement, c’est en définitive peut-être prémonitoire de leur relation actuelle avec leur public.

Hyde
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le 24 juin 2017

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