Restless
7.3
Restless

Album de Xzibit (2000)

Le meilleur album de Gangsta Rap - Analyse -

Cet album est le meilleur album de gangsta rap. Voilà, c’est dit. Pa Pa Pa Pa dans vos faces les gens qui mettent 2001 ou The Massacre tout là-haut. J’vous fume. J’vous brise, j’vous prends, je vous casse en deux, je… m’arrête. Bon, là pour le coup, je ne vais pas me permettre de mettre « analyse » avec mon titre, car si mes autres critiques se veulent plutôt objectives au niveau du contenu, là, je mets les pieds dans le plat. C’est mon avis, pur et dur. Rassurez-vous, cette introduction n’a pas pour but de faire comme les You-tubers trop attachés à leur égo numérique à base de « mon avis n’engage que moi arrêtez de m’insulter », même si le propos, au fond, est juste de calmer cette communauté virtuelle manquant totalement de discernement.


N’ayant aucune influence dans ces deux sphères, je suis en droit de m’en foutre. Restless de Xzibit, c’est le meilleur album de gangsta-rap, celui qui caractérise le plus cette période du hip-hop qui, si elle commence auparavant et dont les codes sont toujours d’actualité, sentait bon les p*tes, les jantes chromées, les armes, l’argent balancé par la fenêtre, les insultes et l’égo-trip à outrance.
Plusieurs noms ressortent principalement de cette période du rap, à savoir Eminem, Dr Dre, Snoop Dogg, puis plus tard les inévitables 50 Cent et The Game. C’est le plus gros gratin de ce qui s’est fait le mieux dans le Gangsta Rap, ils sont connus de tous et c’est mérité.
Xzibit, c’est un peu le mec de la bande de caïds du lycée qui était en retrait, qu’on connaissait par habitude (et qui était tout de même dans les mauvais coups) mais qui était juste plus discret que les autres, plus charismatiques ou plus durs. Pourtant, Xzibit, à l’heure où l’image que transmettent les rappeurs est primordiale, c’était celui qui puait la classe, qui faisait partie des plus beaux représentants de la C.R.E.A.M. du rap de l’époque. Il a sa part entière dans l’histoire du rap, même si sa carrière à lui ont été moins en vue que certains autres de ses camarades. Le fait qu’il soit dans un premier plan et demi me le fait apprécier d’autant plus, tel l’outsider d’un match de sport qui réussit un exploit démesuré face aux légendes. Ne nous y trompons pas, Eminem, Dr Dre et Snoop Dogg, ils feront partis à jamais de LA musique en général, tout style confondu.
Xzibit possède pour sa défense une première chose : un charisme stratosphérique. Sa côte de popularité fût au maximum du fait, et même en France, évidemment de son passage dans l’émission cultisme « Pimp my Ride » sur MTV. Même si l’émission était ultra-scénarisée, cela ne lui a pas empêché, en plus de le faire connaitre (en dehors de ces productions musicales, bien sûr) dans toute l’Europe. Le gars a une côte de sympathie non négligeable et c’est souvent que je peux entendre, au détour d’une conversation, un petit « Pimp my Ride c’était trop bien ». Le mieux, pour mon sujet, réside tout de même dans le fait que cela le rapproche à la fois d’un aspect street qui le caractérise.
Xzibit, quand on regarde le bonhomme, sa carrure, sa tronche, c’est l’incarnation du gangsta à l’américaine. Les grosses pompes, les chaines en or, les T-shirt style basket street. Pas de gangsta sans son gang, et le label musical Death Row de Dre était son gang. Si 2001 réunissait toute la clique et donne un côté « équipe » (gang), pour moi la consécration de ce style ne peut trouver son terme qu’avec une seule figure : Xzibit


Tout cela parce qu’encore plus que ça, XZIBIT, c’est une voix. L’une de celle des plus reconnaissables de l’époque. Une voix grave qui percute tout ce qu’elle envoie dans les oreilles des personnes qui écoutent son flow, précis, concis. Une grosse voix bien grave, accompagné d’un flow tranchant qui s’accordent parfaitement avec le rythme lent mais souvent lourd des productions qui donnent corps à son album. Si les différents instru de 2001 sont mythiques (je vous rappelle que Dre nous sample Charles Aznavour, incroyable), je trouve que la force de Restless, c’est justement les différents beat qui parcourent l’album, et qui donnent absolument envie de se démonter la tête dès que les prod. commencent, comme si l’on était au volant d’un bolide qui rebondit à chaque rythmique. Surtout que la plupart des chansons commencent par des notes sans beat, c’est quand celui-ci apparait enfin que le mouvement de tête s’exécute. Parce oui, on a pas besoin d’écouter de la Trap pour avoir des instru lourdes, il suffit juste d’écouter certains sons de Restless, X, Front 2 back ou la quintessence de ce que je dis dans Alkaholik et Best of Things. Des sons en or. Dr Dre est derrière pas mal d’instru de l’album, on reconnait d’ailleurs pas mal la patte du maître derrière certain des véritables tubes de l’opus.
J’ai particulièrement besoin de me dire que je me prends des plombs dans le visage pendant l’écoute d’un son pour en ressentir le côté gangster et street. Côté lourd que je retrouve moins sur d’autres albums phares de la période.
Ce qu’il manque par exemple à un 2001, c’est l’incarnation du gangster dans une seule personne, comme je le disais. Dans ma thématique, le fait que Dr Dre soit constamment en featuring tue cette incarnation, surtout quand beaucoup d’entre eux (Snoop Dogg, Eminem, Nate Dogg et même Xzibit lui-même) lui volent la vedette à de nombreuses reprises. 2001 est l’album d’une génération, avec un maître d’ouvrage à la baguette, mais pas d’un rappeur.
Je ne vais pas vous mentir, celui qui me marque le plus dans ce gang d’artistes, c’est Xzibit. Les meilleures entrées sur les sons qui réunissent tout ce beau monde, c’est Xzibit, avec en tête de gondole Bitch Please II sur The Marshall Matters LP.
On retrouve tous les petits copains cités auparavant dans Restless, sans qu’aucun ne se croise. C’est par ce fait que Restless reste l’un des tous meilleurs albums caractérisant cette génération West Coast dorée, en étant paradoxalement un des moins écoutés.
Reste juste à écouter les différentes punchlines et les paroles des chansons. Rien de très très intelligent à en ressortir tout en étant toutefois dit avec une certaine dose de style. Si nous, en bon français, on ne peut gober que très peu ce qu’ils nous disent (et encore, parfois cela n’est pas compliqué), les anglophones comprennent très bien de quoi on parle : culte de l’argent et de la violence, sexualité et consommation de drogue (alcool + le reste) débridées, canons moraux absents, individualité exacerbée au point qu’on frise le culte de la personnalité, et j’en passe. Cela ne me dérange pas.


Ce qui me dérange plus, c’est l’espèce de procès d’intention qui poursuit le gangsta rap et qui suit toujours le rap à l’heure actuelle. Le rap est violent, il incite à la violence, ça parle de sexe, d’alcool, de se battre, de menace, de meurtre. A tout cela, je rappelle une phrase que toute personne sait (et sans même être gilet jaune) : le monde est contrôlé par l’argent. Le rapport ? Les banlieues, et surtout des parties de la population sont discriminés aux Etats-Unis, comme c’est le cas évidemment et surtout pour la communauté afro-américaine. Regarder l’histoire et surtout l’actualité, écouter les rappeurs (Kendrick Lamar en parle toujours, Joey Bada$$ aussi, et tant d’autres), vous savez déjà. Seul manière pour s’en sortir, essayer de brasser des liasses coute que coute, quitte à passer à l’illégalité. Mettez deux personnes dans une salle à égale distance, devant un lingot d’or d’une forte valeur, on verra comment ils réagiront. Pareil pour le contrôle de la drogue, donc des amas d’argent pour être le king du ghetto. La violence est là. Mais le problème est justement que la violence est LA, c’est-à-dire tous les jours, toutes les heures. Et on vit avec. Et on vit dedans. Tous les jours, toutes les heures. Pourquoi reproche-t-on aux rappeurs d’avoir des prétendus messages de violence ? Ils sont le reflet de leur quotidien, les banlieues américaines, où l’opportunité sublime la brutalité. Ou essayer de s’en sortir repose sur un contrat d’agression avec les autres gangs. C’est la normalité d’un milieu où il faut se battre pour s’en sortir. Bien ou pas, on s'en branle.


Pour sa belle défense, il faut rappeler qu’un des points qui marche indéniablement avec le gangsta rap, et qui nous enlève ce point noir, c’est l’énergie qui se dégage des musiques. Rythme, Flow, Beat, tout est là pour. Ecouter Restless, c’est la quintessence de ce sentiment. Difficile de se morfondre avec cet album dans ces oreilles. On a toujours l’impression d’être dans un petit cocon à la vision de certains clips ou à l’écoute de certains sons. Il se dégage une sorte d’euphorie quasiment enfantine. Comme des gosses qui reçoivent leurs jouets préférés à leurs anniversaires et sautent de joie à longueur de temps. Les sujets abordés dans les chansons mettent en exergue une vie fantasmée par des adulescents complètement fous de pouvoir profiter de leur gloire nouvelle. Et du biff qui va avec. Leur réussite, c’est leur victoire personnelle et le moyen pour eux de se détourner du quotidien, même si le reflet de celui-ci est toujours là. Ayons toujours en tête que ce succès vient d’une passion. Peut-on leur reprocher, à ceux qui viennent justement de quartier difficile, de se faire kiffer de cette manière ? On en vient souvent à oublier l’époque et ses protagonistes, à savoir des hommes entre 20 et 30 ans qui s’épanouissent dans leurs réussites et vivent désormais comme des rois. Le but est peut-être au final de se sortir de la banalisation de la violence de rue comme policière. Et peut-être s’en protéger. Alors vaut mieux se complaire de son succès plutôt que s’enfermer dans la désuétude du quotidien.


Il est pourtant pour moi interdit de critiquer les rappeurs du gangsta rap pour leur succès. Combien sont-ils à avoir réussi alors que nombre de personnes de la population afro-américaine (et de banlieue en France) vivent dans une précarité la plus abjecte, font l’objet d’un racisme local qui stagne de manière sociétale, et en sont réduits eux-mêmes à une violence de survie ?
Quand j’entends dire que les rappeurs incitent à la haine et à la violence, je ris très fort. Les rappeurs parlent de la réalité (quand on parle de rappeurs authentiques bien sûr). Ils ont des rêves, et ils sont parvenus à atteindre leurs rêves grâce à la musique, là ou c’était peut-être leur unique chance. Et attention, on parle d’artistes de pur talent, cela n’a rien d’une chance. Aux Etats-Unis, ils ont réussi à normaliser voire démocratiser l’apparition médiatique de la communauté afro-américaine à l’époque où les médias ont commencé à sérieusement être actif et au début d’internet. Oui oui, c’est la théorie que j’affirme. La Musique a toujours permis de faire ressortir les communautés, et des années 50 à maintenant, elle l’a fait. De là à dire que l’on peut la remercier, il n’y a qu’un pas que j’oserai franchir, par pure subjectivité. C’est l’esprit d’une critique. Je ne pourrai jamais les plaindre de savourer leur succès quand il est mérité ou de rapper qu’ils veulent du succès. Je ne peux que leur dire merci.


Pas étonnant que des artistes-rejetons de cette culture, comme Kanye West, entretiennent un rapport si fort avec leur ego compte tenu de leur réussite, au point de s’auto-déifié. Tout cela parce que les rappeurs sont devenus de véritables rockstar à partir de cette époque.
Nous sommes donc en face d’artistes qui inculquent des messages à l’opposé du propos initial avec lequel le rap actuel est né. Mais ça marche.
Cela parce que même moi, j’entends la première phrase de Fuck You de Dr Dre : « I just wanna fuck bad bitches », je la chante en levant l’index et le pouce en l’air comme si j’étais un thug alors que de un je suis un blanc bec binoclard d’1m70 (mais j’ai quand même un sacré charisme je vous rassure) et que de deux je n’irai jamais de ma vie payer pour coucher. Pourtant, quand je fais le caïd casque aux oreilles, je sais très bien ce que je fais. Mais ça me donne la confiance. Comme si le temps d’une chanson j’étais devenu quelqu’un d’autre, que je sortais de ma petite routine quotidienne de Simon pour me retrouver être l’égal de mes rappeurs à faire ce que je veux de ma vie.
Il m’est absolument impossible de m’identifier à ce genre d’artistes, car nous ne provenons pas du même milieu, pas de la même culture, nous ne partageons pas les mêmes problématiques sociales, mais pourtant, une chose sur laquelle nous nous retrouvons tous, c’est cette envie de profiter de toutes les choses que la vie peut offrir, peu importe à quoi cela ressemble. Et je sais que beaucoup sont concernés par cela. Et si le véritable message derrière le gangsta-rap était au final la célébration du bonheur par rapport au quotidien ? De savoir profiter de nos opportunités pour arriver à ce grand but qu’est le bonheur ? Et si le gangsta rap n’exprimerait pas au final qu’un grand message d’amour à la vie, par ceux qui le vivent ? Il n’y qu’un pas que j’oserai à nouveau franchir.

Simon_Besançon
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le 27 janv. 2019

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