Rover
7.1
Rover

Album de Rover (2012)

J'ai découvert Rover, un peu par hasard, en regardant la soirée des Victoires de la Musique 2013 pour la première fois de ma vie. Rover y chantait Aqualast en tant que nominé dans la catégorie "groupe ou artiste révélation du public de l'année". Une révélation dont je n'avais jamais entendu parler, mais bon je ne suis pas une référence en chanson française. Il faut dire que quand on voit que Tal était nominée dans la même catégorie que Rover, ça ne donne pas trop envie d'en savoir plus. Mais il faut de tout pour faire un monde.


Bref, avec le morceau Aqualast, j'ai été agréablement surpris de découvrir un artiste à l'univers singulier, et surtout d'entendre un chanteur français ayant compris comment composer du rock écoutable. Certes, le gars chante en anglais et du coup, ça passe plus facilement, mais le morceau Aqualast possède une atmosphère assez incroyable, lancinante, tendue, navigant sur le fil du rasoir, les couplets tranchants laissant la place à des envolées lyriques planantes. La dynamique du morceau est imparable, tout y est, du son de guitare impeccable avec ses arpèges aux mélodies accrocheuses jusqu'au chant impressionnant de virtuosité mais aussi de sensibilité. On va dire que je fais dans le cliché mais j'ai rarement entendu un artiste français maîtriser aussi bien ses influences rock.


Cela m'a donné envie d'en écouter davantage et de jeter une oreille sur l'album entier, sobrement nommé Rover. Et le résultat, après plusieurs écoutes et une petite période de maturation, continue à m'interroger et à me laisser sur une impression mitigée. Ma première réaction a été de trouver l'album un peu trop lisse et manquant de personnalité. En terme de son, Rover a tendance à s'éloigner de l'esprit pop/rock pour s'aventurer dans des contrées plus synthétiques, les mélodies et la voix étant toujours bien mises en avant. Dans l'ensemble, l'atmosphère manque un peu de cohérence et de corps. La version studio d'Aqualast souffre aussi de ce problème, je trouve, même si le morceau reste quand même de grande qualité. La production est trop aseptisée, ça manque vraiment de tranchant pour m'accrocher. Finalement, je continue à désespérer qu'un artiste français saisisse l'énergie qu'implique le terme rock.


Mais je me trompais sans doute sur le compte de Rover. A vrai dire, ce disque me déconcerte et est rempli de paradoxes car si j'ai encore du mal à l'apprécier complètement en tant qu'album, dès que j'en entends une chanson je ne peux m'empêcher de me dire que c'est quand même vachement bien et que Rover possède quelque chose qui vaut la peine d'être écouté. Déjà, ce chanteur a une voix fantastique, qui rappelle immédiatement celle de David Bowie, mais en encore plus dingue et technique, impressionnante de puissance brute mais aussi gracieuse à souhait.


La musique dans son ensemble est clairement influencée par David Bowie, elle en a la classe, la roublardise, la maîtrise des mélodies et des envolées grandiloquentes. Le gars est capable de composer des chansonnettes aussi simples et délicates que Lou, puis d'enchaîner avec le conquérant Silver et sa voix planante et épique. L'ambition est présente, et certains passages sont quand même tétanisants de force et de puissance. Rover a l'art de transcender ses chansons l'espace d'un instant, en grande partie grâce à ses prouesses vocales qui amènent sa musique à des hauteurs stratosphériques.


Je veux dire, Carry On a beau s'ouvrir de manière catastrophique (ces boucles electro rappellent le pire de Grandaddy), il est impossible de rester insensible quand la musique prend son envol et déchire tout dans l'absolu et la beauté onirique. Les chansons sont truffées de passages similaires, d'accélérations dévastatrices, d'ambiances tortueuses qui s'envolent, à l'image de l'excellent Remember, de Late Night Love ou du final Full of Grace (Rover a voulu mettre le paquet pour conclure l'album, cela se sent, il aurait juste pu nous épargner le morceau caché qui casse l'effet de Full Of Grace).


Bref, il y a incontestablement du talent dans tout cela, des sortes d'éclairs de grâce et de génie, mais l'album souffre peut-être de ses excès de virtuosité et d'épate (d'ailleurs Rover a visiblement tout de l'attitude de rockstar, on dirait qu'il se la pète un tout petit peu, mais ceci ne nous regarde pas). C'est malgré tout un bon compositeur et un excellent chanteur mais ses chansons manquent d'émotion et de chaleur. C'est sans doute pour cela que j'ai du mal à adhérer complètement à l'album, alors que je trouve la plupart des chansons réussies et intéressantes.


Le disque ressemble presque à une compilation de singles, sans liant, sans atmosphère bien définie. Rover fait partie de ces albums que j'ai du mal à cerner, ces albums sans véritable vision, dénués d'âme, qui tiennent uniquement grâce à la qualité de leurs chansons prises séparément. C'est toujours difficile d'expliquer ce sentiment car un album est précisément une collection de chansons. Mais quand on n'accroche pas à une atmosphère, à un univers musical de manière absolue, par défaut d'émotion et de ressenti, il est difficile d'y être immergé pendant plus de 40 minutes, alors que ça passe plus facilement l'espace d'une chanson.


De toute manière, The Rover ça restera pour toujours un des meilleurs morceaux de Led Zeppelin et puis c'est tout.

benton
6
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le 13 sept. 2016

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benton

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