Après la bonne réussite du premier opus, et surtout sa fin ouvertement « il y aura une suite », il n’est pas surprenant de voir le deuxième opus « Jeu D’Ombres » sortir sur les écrans avec cette fois pour grand rival le Pr. Moriarty. Hans Zimmer revient bien sûr avec grand plaisir pour nous délivrer à nouveau un travail remarquable, malgré les quelques anomalies apparues lors du passage du film à l’album.


On retrouve bien évidemment toute l’orchestration si atypique, chère à notre célèbre détective, en plus des thèmes d’origine : ces percussions dynamiques et détraquées, les nombreuses cordes pincées, la musette, puis les instruments orchestraux classiques comme les violons, les flûtes et certains cuivres graves (trombone, tuba, ...). Les points forts de cette Bo sont les même que ceux de la première, que ce soit la plasticité du thème de Sherlock, l’exploitation de domaines musicaux d’époque … Je ne vais donc pas les re-détailler.


A l’image du premier opus, la synchronisation est absolument impeccable, que ce soit pour les transitions-plans larges (la voiture, le train ou le bateau, chacune fait l’objet d’un très joli leitmotiv) ou l’alliage avec les effets sonores (nombreux durant les ralentis et les analyses de Sherlock). Elle ne ressortit pas toujours de manière évidente, sauf bien sûr lorsqu’elle joue une importance au niveau du scénario (l’opéra, par exemple). Elle parvient à s’accommoder à tous les registres (le burlesque, avec des partitions complètement barrées comme « Romanian Wind » (qui a fait l’objet d’un voyage en Slovaquie pour Hans Zimmer, cherchant des violonistes suffisamment talentueux et connaisseurs du style pour accompagner les danses gitanes), ou simplement des registres plus légers comme « It’s So Overt It’s Covert », ou la musique traditionnelle de l’époque fin XIXème lors de la poursuite du mongol lors de l’enterrement de vie de garçon).


Mais le plus marquant dans cette Bo, c’est de loin toutes les nouveautés et les améliorations qu’Hans Zimmer nous propose : pour commencer, le thème de Moriarty. Afin de mieux développer ce personnage capital ainsi que toute l’étendue de son pouvoir et de son influence, Zimmer ne se limite pas au motif pour créer. A vrai dire, les motifs à tendance largement chromatique ne constituent pas la grande attraction de ce thème : son but est de contraster avec l’œuvre musical préétablie du premier opus pour délivrer quelque chose de radicalement différent.
Ici, des cordes graves surviennent de manière irrégulière et désunie pour signaler un élément du programme de Moriarty (Moran qui apparaît, …), une ombre en quelque sorte, un élément indéfini et inexpliqué. En plus, un tic-tac particulièrement travaillé (c’est plus un tic-tic-tac-tic-tac-tic-tic-tac) accompagne des scènes entières, lorsque Moriarty passe à l’action directement ou indirectement. Soit une jolie métaphore du temps et de la mécanique (du déclenchement de la guerre, ici). De plus, des cuivres très graves font leur apparition : il est en effet habituel pour Zimmer de les employer pour donner un sentiment oppressant lorsqu’ils sont utilisés lentement, mais surtout parce qu’ils donnent un aspect très fataliste (« Zu Viele Füchse Für Euch Hänsel » en est le meilleur exemple). Hans Zimmer est un artisan du son, et il a cherché dans cet opus à travailler les sonorités qui touchent Moriarty : il donne de la profondeur aux cuivres, et tous les apports d’une ou deux notes qu’il fait (trop complexes pour les décrire, écoutez plutôt) sont étudiés soit pour leur donner de la profondeur, soit un côté artificiel (utilisation du synthé), ou bien détraqué, désunies. Les percussions se veulent violentes et marquées, mais à de nombreux moments lentes et lourdes.


« Tick Tock » et « Chess » nous expose bien tout cela, en particularité que la menace prend beaucoup plus d’ampleur, si bien huilée en apparence qu’elle paraît inévitable : ici, la musique évolue de manière plus régulière au sein d’un argument (une véritable rythmique se met en place), même si les mouvements présentent des grandes différences entre eux.


Toute la tension exposée durant le film laisse place à la résolution de l’ensemble, où la musique fait preuve d’une belle douceur permettant pour les personnages et les spectateurs d’absorber le choc ; la chute « mortelle » des deux rivaux dans la chute d’eau glacée est accompagnée du thème très marquant de la chute au synthé (dans « Moral Insanity »), ainsi que d’un magnifique solo de piano (« Memories of Sherlock »).


A noter le thème de Mycroft totalement inusité dans « The Mycroft Suite », pourtant bien travaillé, ainsi que les belles reprises d’œuvres existantes, dont la plus belle est incontestablement celle de « Don Giovanni » de Mozart dans « To The Opera ! » : la ré-exploitation du matériel combiné aux thèmes de Zimmer donne quelque chose de particulièrement jouissif, surtout lorsque le film s’attelle à y faire figurer le plus de points de synchro possibles (l’attentat est évidemment prévu pour être calibré avec la descente aux enfers de Don Giovanni dans la pièce). Egalement la réutilisation hommage de « Sierra Torride » d’Ennio Morricone dans « Two Mules for Sister Sara », la reprise de « La Truite » de Schubert dans « Die Forelle », ainsi qu’une célèbre valse retravaillée par Zimmer durant l’acte final (les retouches sont de plus en plus importantes à mesure que Watson et Holmes touchent au but).


En parlant de reprises, je tiens à signaler un phénomène rare et suffisamment exceptionnel pour je le mentionne : cet album comprend un remix … de bonne qualité. Oui, mesdames, messieurs, relisez bien cette phrase, vous n’avez pas rêvé ; un miracle s’est produit sous vos oreilles ébahies, car cette piste supplémentaire, bien qu’on se demande ce qu’elle fout là, à l’immense mérite de ne pas aliéner l’œuvre originale, puisqu’elle exploite de bonnes idées, et se révèle finalement assez riche et dense (restitution d’éléments comme le violon gitan ou le tic-tac à féliciter). Donc pas de problème de ce côté-là.


Le seul bémol de cette Bo, en fait, ben c’est la version qu’on veut bien nous donner : cet album, qui comporte multiples tares en tout genre. Déjà, pour commencer, quand on connait bien le film et la Bo, on se rend compte qu’il n’y a qu’une grosse moitié du travail fourni qui nous est accessible : 16 pistes, 52 min (sans le remix) … euh, le film fait 2h08, avec une musique quasi-omniprésente, ce qui fait au minimum 1h50 de musique en visant large … Même si c’est le problème de bon nombre de Bo, il est ici poussé à l’extrême (fin quand même, rien que les transitions font l’objet d’un joli travail, qui passe complètement inaperçu pour qui n’a que l’album comme référence !) … Mais il y a plusieurs trucs que je n’avais encore jamais vu : déjà, un changement de vitesse de la musique par rapport au film … Oui, prenez « It’s So Overt It’s Covert » à 00:18:13 dans le film, ou (« Zu Viele Füchse Für Euch Hänsel » à 01:30:45, et vous n’aurez aucun mal à voir la différence en comparant. Ça peut paraître peut important, mais la vitesse est quand même capital dans une musique en plus lorsqu’elle utilise justement un procédé d’accélération ! Mais surtout, dans « He’s All Me Me Me », qui a la bonne idée de nous délivrer une jolie exploitation des sonorités gitanes au violon (bien qu’elles auront le défaut de paraître inaudible au plus grand nombre), se passe un truc impensable : ils ont oublié de couper l’enregistrement à la fin de la musique … ce qui fait qu’on entend les instrumentistes parler pendant quelques secondes se dire que c’est super et qu’on peut garder la prise … je ... ‘fin, c’est juste inexplicable ^^


En tout cas, cette Bo est incontestablement plus riche et variée que la précédente, Moriarty oblige, en explorant beaucoup d’autres voies grâce aux opportunités que le film donne (la musique gitane, l’opéra de Mozart, le goût de Moriarty pour Schubert …). A part une compilation un peu problématique à déplorer, cette Bo reste une œuvre magnifique nous prouvant qu’Hans Zimmer fait toujours preuve d’autant de perfectionnisme et d’originalité dans sa manière d’aborder les films historiques. D’une qualité indéniable !

Soundtrax
8
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le 16 août 2014

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