Star Wars (OST)
8.3
Star Wars (OST)

Bande-originale de John Williams (1977)

Lorsque John Williams composa la musique du premier épisode de la trilogie Star Wars sorti en 1977, lui-même ne s'attendait pas à un tel succès du côté des cinéphiles et aussi, dans une toute autre mesure, à un triomphe musical puisque à l'époque, sa bande originale fut un grand succès commercial. Rares sont ceux qui ne savent pas fredonner un air de cette composition, que ce soit le thème principal, celui de la Force ou encore la fameuse marche impériale (seulement écrite pour le film d'Irvin Kershner). Pour l'amateur de jazz, le film ne dépassait pas le statut de film d'aventure alors que le projet de George Lucas était infiniment plus vaste. On connait tous l'histoire selon laquelle le créateur de la saga voulait intégrer des musiques classiques dans son film, à la manière de Kubrick pour 2001 : L'odyssée de l'espace, et que Steven Spielberg présenta le compositeur à Georges Lucas qui fut convaincu. En effet, la production du premier long-métrage fut compliquée et hasardeuse tandis que personne ne croyait à la réussite du film. Bien que George Lucas demeura pleinement investi, il lui est arrivé des moments de doute jusqu'à ce qu'il aille à la salle d'enregistrement de la musique. Quand John Williams fit résonner son orchestre dont il était lui-même le conducteur, le metteur en scène eut tout de suite repris confiance. Néanmoins, il donna tout de même des indications au compositeur pour que celui-ci utilise des références classiques dans sa musique : Richard Wagner tout d'abord pour l'utilisation du leitmotiv, puis Maurice Ravel, Igor Stravinsky, Gustav Holst ou encore Piotr Tchaïkovsky (dont il emprunte le registre romantique). C'est dire la difficulté dans laquelle John Williams fut entraîné, et autant annoncer tout de suite que ce dernier a composé une partition à la hauteur de ces prodigieux maîtres de la musique savante. Dès le début de la trilogie, celui qui a accompagné Spielberg pour tous ses films (sauf trois), écrit l'oeuvre symphonique la plus importante dans le domaine cinématographique (qui sera rivalisé plus tard par les travaux de Howard Shore sur les deux trilogies de Peter Jackson). Or John Williams ne pensa pas à de futures compositions pour la saga Star Wars et pourtant, la bande originale de ces films ne perd jamais en cohérence et en richesse musicale. De quoi revenir sur l'ensemble des compositions consacrées à la saga Star Wars, à commencer par Un Nouvel Espoir.



Dans une galaxie lointaine, très lointaine …



https://www.youtube.com/watch?v=ucvlJxDyKAA


L'ouverture de la saga était d'abord attribuée au personnage de Luke Skywalker. Le thème principal devait donc suivre les aventures du jeune jedi, de ses apprentissages à sa consécration. Il en fut autrement car le Main Title, comme son nom l'indique, fut désigné comme thème général de la saga. A chaque enregistrement de celui-ci, il sonne différemment et pour Un Nouvel Espoir, le thème est largement amplifié dans ses cuivres et ses percussions qui constituent bien sûr le squelette et l'âme de ce morceau si mythique. Pourtant, le thème demeure très court puisqu'il ne dure qu'une petite minute et quelques ; mais toute la richesse d'écriture de Williams est déjà présente dans cette première piste. Main Title est à proprement parlé une véritable explosion orchestrale (qualifiée de blast en anglais mais intraduisible), comme si nous assistions au big bang et divisée en quatre mouvements. La fanfare n'arrive pas tout de suite, et est en premier lieu introduite par le souffle des trombones puis une phrase consacrée aux trompettes. Ensuite, le thème surgit d'abord du côté des cuivres, qui le répètent deux fois et marquent son caractère héroïque. Le troisième mouvement du thème se glisse sur les cordes des violons, bientôt rejoints par les cors qui ont un son moins agressif que les trompettes, donc plus noble. Cette partie bien plus mélodique précède un retour à l'air principal, rythmé par l'ensemble de l'orchestre comme une marche militaire et ce, avant que l'Imperial March ne soit composé. Le thème se conclut crescendo avec un parfait accord entre les trombones et les timbales ainsi que des violons stridents. Après quoi, les dernières lettres jaunes s'en vont dans cet océan galactique et l'on n’aperçoit que le scintillement des étoiles. Il y a alors quelques mesures de piccolo pour accentuer ce calme légèrement étrange. Arrive ensuite le vaisseau impérial annoncé par des violons tremolo et on passe à la deuxième partie de l'ouverture (elle change à chaque nouveau film) nommée Rebel Blockade Runner. Une fois encore, percussions en ostinato rythmique et cuivres se couvrent à l'unisson : Williams introduit le thème des rebelles par les trombones, soutenues par des timbales dans un tempo plus rapide.


Imperial Attack suit le même registre musical que le précédent morceau. On retrouve alors le même motif des timbales que pour Rebel Blockade Runner mais le thème de la rébellion est repris par des cors par dessus les violoncelles qui répètent une même phrase, elle-même reprise par les violons. John Williams décale cependant son rythme et sa tonalité de sorte que la musique reste constamment en suspens. Outre ce thème maintes et maintes fois joué durant toute la piste, c'est également l'occasion pour le compositeur d'écrire une partition complètement libre de tout schéma thématique. Avec Imperial Attack, Williams crée du désordre dans sa musique, des déconstructions sonores extrêmement astucieuses puisque minutieusement écrites. Cependant, cette complexité musicale a plusieurs niveaux dont la base reste les cordes : ici, le morceau rappelle clairement l'utilisation des violons par Bernard Herrmann. Surtout, les percussions chez le compositeur américain, ne se limitent pas aux instruments propres à cette famille. En effet, il vient ponctuer sa musique d'à-coups de différents instruments tels que la flûte, le tuba, le trombone mais aussi le vibraphone. Ce que l'on entend à partir de la première minute de ce morceau est typique du style musical de Williams et exprime parfaitement sa richesse d'écriture instrumentale. A noter que l'enregistrement date d'il y a presque quarante ans, on peut en conséquence entendre le bruit boisé des instruments pendant les quelques moments de silence. Imperial Attack demeure particulièrement important parce qu'il incorpore deux nouveaux thèmes dans la saga : celui de la Force et celui de Leia (qui sera plus tard remplacé par celui de Han et Leia). Celui de la Force est, à mon sens, le meilleur de tous et Williams n'aura de cesse de le réinterpréter et de l'arranger de diverses façons. Ici, on note deux paliers de jeu de la part des cordes : il y a d'abord des violons joués tremolo et d'autres pizzicato tandis que les violoncelles ajoutent de la matière et que le thème est joué au cor. Ainsi, il revêt sa forme classique, celle qui sera la plus utilisée, la plus noble, la plus majestueuse et en même temps, la plus mystérieuse car presque éteinte. Pour conclure sur ce morceau, il faut dès lors remarquer que quasiment tous les instruments ont été introduits (y compris la harpe) dans le film en à peine quelques minutes. Le morceau se termine dans un magnifique mouvement romantique et élégiaque.



Le sacre du désert :



https://www.youtube.com/watch?v=liVSa76Scck


Si la saga débute bel et bien dans l'espace, nous sommes réellement propulsés au cœur de cette odyssée sur la planète Tatooïne avec la fuite des deux droïdes. Dès lors, une bonne partie de la bande originale s'adapte à ce décor désertique et plusieurs morceaux y sont consacrés, à commencer par The Dune Sea of Tatooïne/Jawa Sandcrawler. Cette piste est assurément un curieux hommage au Sacre du printemps de Stravinsky car il emprunte la même structure orchestrale que ce dernier. Malgré tout, on aurait tort de penser qu'il ne s'agit que d'un copier-coller de l'oeuvre. J'aurais plutôt tendance à dire qu'il s'agit d'une véritable réinterprétation de ce ballet, l'exploitant en profondeur. On dénombre deux couches dans ce morceau : le jeu d'une seconde mélodique à la flûte puis aux trompettes et enfin aux violons. Entre temps, un léger motif est répété par une clarinette, un basson ou un piccolo (réutilisé à la fin du morceau). La structure de Stravinsky se manifeste donc dans l'utilisation des instruments à vent et boisés. Le thème des Jawa est ensuite évoqué voire distinctement joué par la clarinette, quand les cordes sont encore jouées pizzicato. Williams inclut même une reprise du thème au tuba, donnant un caractère léger à sa musique mais quelque peu étrange et singulier. Néanmoins, le thème est par la suite éclipsé par les trombones en crescendo rapide. The Moisture Farm n'est pas très différent de la précédente piste, peut être que le tempo demeure plus rapide et accentué par la régularité des cuivres. Pour autant, on discerne à la fin de ce morceau une reprise du Main Title car comme il faut le rappeler, il était auparavant assimilé à Luke. Bien moins martiale que dans l'ouverture du film, la fanfare mélodieusement jouée, semble nous indiquer l'esprit d'aventure du jeune Skywalker.


Ce même Main Title est de nouveau interprété avec Landspeeder Search/Attack of The Sand People. La musique du premier épisode de la saga apparaît comme légère, bien plus que dans les épisodes qui vont suivre, et on le constate aisément dans l'introduction de Landspeeder Search. Les dix premières secondes sont aériennes et suivent toujours le même schéma vu précédemment à savoir des cordes jouées pizzicato et un motif repris par différents cuivres mais avec des décalages rythmiques. De nouveau, le Main Title s'exprime de façon enjouée et loin des préoccupations dramatiques à venir. A l'apparition des hommes de sable, Williams effectue un merveilleux travail sur les percussions, usant même du piano. Se prolongeant dans une optique complètement contemporaine, le morceau semble haché et désordonné. D'autre part, on se rend compte que John Williams n'adopte pas seulement les méthodes de la musique classique occidentale mais que son jeu des percussions s'assimile à celui de la musique orientale. La fin du morceau annonce un retour au thème de la Force comme il fut entendu dans Imperial Attack dans sa forme la plus poétique et imperceptible.


Quelques mots tout de même sur les deux morceaux jazzy de cet album, à savoir Cantina Band et Cantina Band #2. Je vous l'accorde, on s'éloigne nettement du registre de Stravinsky mais l'influence du jazz sur John Williams demeure considérable puisque lui-même avait intégré une bande dans sa jeunesse. Il faut également savoir que le monsieur sait jouer du saxophone en plus du tuba, du piano et du trombone, ce qui permet mieux de comprendre son obsession pour les notes cuivrées. La toute première piste a été écrite pour trompette solo, saxophone, clarinette, piano Rhodes (qui ajoute un effet groove à la musique), steel-drum (son très particulier de percussions) et synthétiseur notamment. Loin de l'archétype classique, le compositeur réussit néanmoins à incorporer deux mouvements dans ce thème aux influences d'un swing des années 1930, et ne laisse que peu de place à l'improvisation sauf lorsque ces deux mouvements se terminent et que le tout est fortement rythmé par le steel-drum. Même si le tempo reste binaire, le morceau est incroyablement dansant et le temps laissé pour l'improvisation assurément réjouissant. Cantina Band #2 est quant à lui plus formel dans l'écriture, dans un tempo plus rapide et avec un jeu de clarinette plus lisible. Cette clarinette épouse admirablement le saxophone tandis que le steel-drum allège cette partition. Par conséquent, ces deux morceaux échappent complètement aux autres pistes du même album, or ils s'intègrent à l'univers de Georges Lucas au milieu de la débauche, où la musique paraît débarrassée de cette-ci avec une classe folle.



Le réveil de la Force :



https://www.youtube.com/watch?v=wolFdVti3nY


Un Nouvel Espoir n'est pas seulement composé de légèreté, à la fois dans sa musique mais aussi dans les thématiques qu'il aborde au sein du film. Ce qui semble n'être qu'un simple film d'aventure space opera, se trouve être en réalité un voyage spirituel bien plus qu'une simple odyssée héroïque. La Force n'a rien d'un concept anodin et accumule en lui énormément de principes philosophiques, empruntant autant à Socrate qu'à la philosophie bouddhiste, ce que Williams avait parfaitement saisi en 1977. A chaque utilisation dans chacun des films, le thème de la Force revêt des accents différents, allant de l'épique au tragique selon les instruments qui le symbolisent. Le thème, à proprement parler, est réellement exposé dans The Hologram/Binary Sunset et surtout dans la seconde partie du morceau car The Hologram se consacre exclusivement au thème de Leia sur lequel je reviendrai. A mesure que le film avance, le thème principal s'estompe et le personnage de Luke embrase celui de la Force, sans que lui-même ne sache qu'il est doté d'un grand pouvoir. C'est pourquoi le thème de la Force reste très discret ou plutôt très humble. Il est accompagné par quelques notes à la harpe et à la flûte traversière, mais surtout une dimension tragique s'en échappe quand les violons s'imprègnent de la noblesse de ce thème. La Force, qui était alors éteinte du côté des jedis, semble renaître.


C'est tout du moins ce que raconte Tales of a Jedi Knight/Learn About The Force, où l'aspect dramatique du thème se fait ressentir. Pour marquer le mystère qui englobe ce thème, Williams minimise au mieux ses accompagnements, de simples ornements à la harpe par exemple et des seconds violons très effacés, ou encore quelques notes au vibraphone. De plus, pour accentuer sa noblesse, le compositeur fait jouer le thème au hautbois puis au violon en vibrato, deux instruments majestueux mais très doux. En somme, toutes les variations du thème ont déjà été incluses dans le film avant que n'intervienne Burning Homestead. Ce dernier est vraiment très intéressant à étudier mélodiquement : il commence par un solo de trompette, puis les violons l'accompagnent à deux hauteurs différentes, indiquant la gravité de l’événement (l'oncle et la tante de Luke Skywalker ont été lâchement tués puis brûlés). L'intérêt de ce morceau s'amplifie lorsque les violoncelles entament un solo ensemble, que le rythme s'accélère et que les violons reprennent finalement les quelques mesures jouées par les violoncelles. Ce n'est qu'à partir de ce moment que le thème de la Force est exploité différemment : tandis que les violons continuent leur ostinato, le thème rugit au travers d'une trompette. Ensuite, les rôles s'inversent, le violon remplaçant la trompette. D'un point de vue cinématographique, ce n'est pas parce que le thème de la Force est joué par des cuivres qu'il en ressort plus épique. Au contraire, si les cuivres sont utilisés, c'est bien pour souligner le second aspect de la Force, plus sombre, plus tortueux : un chemin emprunté auparavant par Anakin Skywalker et qui parcourt l'esprit du jeune Luke au moment de ce drame. Les deux morceaux cités, à savoir Tales of a Jedi Knight/Learn About The Force et Burning Homestead, se concluent de la même manière en éclatant le thème de l'Empire par les cuivres. Tout ça pour dire que le thème de l'Empire au moment d'Un Nouvel Espoir n'avait pas le même aspect qu'Imperial March (également associé à Dark Vador bien entendu). Bien plus court, ne durant que quelques secondes à peine, il s'approche néanmoins du motif particulier de la marche impériale sans qu'il ne réussisse pleinement à s'imposer. Pour en terminer avec cette partie consacrée au thème de la Force, il faudra remarquer que celui-ci est également repris dans Mos Eisley Spaceport qui se situe dans la lignée de Stravinsky et du Sacre du Printemps par son utilisation des instruments à vent.



Le chant du romantisme face à la tentation du Mal :



https://www.youtube.com/watch?v=Exu4QC2sqbY


Princess Leia's Theme est un thème magnifique, emprunt à la mélancolie et à la grandeur de la musique romantique. Il sonne explicitement comme une mélodie à part de toute la bande originale et se place au panthéon des meilleurs thèmes de la saga, au côté d'Across The Stars ou de Yoda's Theme s'il fallait en choisir du même registre. Certes, moins tragique qu'Across The Stars, il n'en reste pas moins que l'hymne à la princesse demeure aussi poétique que son successeur. Tout d'abord, il démarre avec un seul motif joué successivement par une flûte puis un cor anglais. Puis, tout doucement, alors que les violons se font presque silencieux, le splendide thème est joué au cor dans son intégralité avant d'être repris par la flûte traversière, instrument romantique par excellence. Ce n'est qu'après que les violons transforment ce splendide thème en une plainte lyrique, une véritable élégie romanesque. Ces derniers sont à la limite de leur capacité du point de vue de la hauteur, qui ne cesse de grimper. Thème remarquablement épuré, il se place aux côtés des plus belles mélodies de Piotr Tchaïkovsky et de ses ballets comme le Lac des cygnes ou Casse-Noisette. Il rappelle nettement l'écriture du compositeur russe avec l'utilisation de la harpe pour les liaisons mais aussi une forte présence des instruments à vent boisés ainsi que les reprises par des cordes frottées d'une même mélodie à l'agonie. Pourtant, il ne sera pas réutilisé après Un Nouvel Espoir, en tous les cas, pas à travers cette forme : en effet, celui-ci va muter et deviendra le thème d'amour de cette première trilogie, à savoir le thème de Han et Leia.


Car Han n'a pas de thème en réalité. Même lorsque l'on entend The Millenium Falcon/Imperial Cruiser Pursuit, le thème du faucon millénium n'est pas détectable. Effectivement, John Williams préfère utiliser le thème principal de la saga quand nos héros quittent enfin la planète déserte. Afin de définir cette fuite à la hâte, le compositeur désordonne la structure de son morceau d'origine. Par la suite, ce thème prend des allures quasi-malveillantes et on entend peut être l'ébauche de l'Imperial March dans la discipline des violoncelles tandis que les autres instruments sont complètement désorientés de la structure musicale. Contre leur volonté, ces derniers sont happés par le Mal au moment où les protagonistes sont entraînés par l'Etoile noire. Il n'est dès lors plus question du romantisme de Tchaïkovsky ou de la musique moderne de Stravinsky. Désormais, les influences de John Williams se trouvent du côté des Planètes de Gustav Holst (même si finalement, on dira que Hans Zimmer a nettement plus emprunté à Mars pour Gladiator que John Williams ne l'a fait pour la saga Star Wars). L'ordre maléfique est rétabli avec le morceau Destruction of Alderaan. Bien avant qu'un réel thème pour l'Empire ne soit abouti, la musique qui le représente reste en revanche particulièrement régulière et guerrière. Le son des cuivres est bien plus menaçant dans ce morceau, le crescendo est d'ailleurs fortement marqué jusqu'au fortissimo. Si Han Solo ne dispose pas d'une mélodie, l'Etoile noire mais aussi les Stormtroopers possèdent quant à eux une piste qui leur est propre puisqu'il s'agit de The Death Star/The Stormtroopers. Le morceau opère un curieux mélange entre les prémices de l'Imperial March (dans son accompagnement) et du thème des rebelles affilié au vaisseau de Han Solo et Chewbacca désormais. Le thème du faucon millénium est étiré dans sa dernière mesure et le thème de la Force qui surgit après semble plus maléfique. Par ailleurs, le même procédé sur les percussions utilisé dans Landspeeder Search/Attack of The Sand People se manifeste à la fin du morceau.


Au demeurant, on perçoit mieux le travail effectué sur les percussions avec le morceau suivant, Wookiee Prisoner/Detention Block Ambush. La conjonction de la caisse claire, des timbales et des quelques notes au trombone sont monnaie courante dans les bandes originales de Star Wars. Le Mal dévore tellement tout qu'il aspire la mélodie enjouée du thème principal dans cette piste. On retrouve cependant la vigueur du Main Title vers le milieu du morceau, comme si on rétablissait un équilibre. Il ne s'agit que de ça dans Wookie Prisoner/Detention Block Ambush dont on notera la sublime montée des trompettes et la virtuosité des différents tambours. Dans Un Nouvel Espoir, les enjeux dramatiques ne sont pas encore précisément identifiés même si nous les connaissons, c'est pourquoi la musique de John Williams a plus les allures d'une musique d'aventure, se rapprochant de ses travaux pour une autre saga, Indiana Jones. A la limite, le maître n'est pas si éloigné que ça de Maurice Jarre pour Lawrence d'Arabie, notamment dans ses descriptions orientales : c'est le cas du morceau Shootout In The Cell Bay/Dianoga. L'ombre du Mal demeure plus accentuée dans The Trash Compactor. De nouveau, le compositeur use des mécanismes orientaux dans sa musique et multiplie les ostinati. Il crée par de simples principes, un malaise digne des musiques de Bernard Herrmann et de ce qu'il avait précédemment fait pour les Dents de la Mer. John Williams marque son tempo par les percussions bien que celui-ci diminue à la fin, mais surtout, il pousse ses instruments dans les hauteurs, donnant vie à l'angoisse.



L'honneur des héros :



https://www.youtube.com/watch?v=ySbQ0SRAn8Q


Le Mal s'écarte par la suite et nos héros reprennent le dessus après cet épisode dans le compacteur. Tout ce qui fut employé pour caractériser le maléfique sert maintenant à glorifier les thèmes du Bien : le thème principal, celui de la Force ou encore celui de la princesse Leia. De plus, il ne fait pas que les magnifier, il les assemble également de sorte qu'ensemble, ils puissent détruire le Mal qui essaie de les ronger. Le Main Title est par conséquent joué pleins poumons dans The Tractor Beam/Chasm Crossfire : cela faisait un moment qu'on le l'avait pas entendu de la sorte, quasiment tel qu'il est écrit pour le générique d'ouverture avec seulement quelques arrangements pour s'accorder avec la scène. En plus, une dimension euphorique se libère de ce thème, avec l'utilisation d'un célesta par exemple. La superbe liaison avec le thème de Leia vient conclure le tout avant qu'une autre marche militaire sur registre oriental finisse le morceau, mais cette marche est destinée à l'intrépidité de Han Solo et de Chewbacca.


Un Nouvel Espoir, ce fut premièrement la rencontre du jeune Luke Skywalker et de son maître jedi, Obi Wan Kenobi. Mais au fur et à mesure que le film avance, le jeune apprenti semble s'émanciper des leçons apportées par l'ancien compagnon d'Anakin Skywalker (il n'y a aucun sous-entendu). Le lien est finalement brisé au tout début de Ben Kenobi's Death/Tie Fighter Attack. Il faut savoir que le thème de la Force qui était auparavant assimilé aux Jedis et à Obi Wan par conséquent, est finalement relégué à la famille Skywalker et c'est le jeune Luke qui aura la charge de porter ce lourd fardeau. Voilà pourquoi le thème est limite eclipsé au début de ce morceau alors qu'il s'agit de la mort physique du maître. Pire que cela, il est englobé par le thème de Leia ce qui a pour but de nous faire comprendre que le nouveau soutien de Luke se trouve du côté de ses nouveaux compagnons, et surtout auprès de sa sœur (bien qu'il ne le sache pas encore). Le thème de la Force se fait nettement plus timide qu'à l'accoutumée, n'ayant quasiment pas le temps ni l'envie de s'exprimer car balayé par les autres thèmes : celui de Leia puis celui du faucon millénium. Ce dernier domine Tie Fighter Attack par une certaine lourdeur orchestrale, tant Williams s'adonne à le répéter jusqu'à l'épuisement.


Le courage des trois héros se retrouve personnifié par la musique avec les deux derniers morceaux de cet album. Il s'agit premièrement de The Battle of Yavin (Launch From The Fourth Moon/X-Wings Draw Fire/Use The Force). Le titre est effectivement très long mais il en était ainsi dans les années 1970, on ne cachait même pas la mort des personnages ni les révélations dramatiques, à l'inverse d'aujourd'hui où c'est fortement évité. The Battle of Yavin, pour l'abréger, s'identifie comme un authentique ballet pour les X-Wings, un pur modèle de rigueur rythmique, qui à la différence des autres morceaux « d'action » se distingue par sa justesse militaire (utilisation de la caisse claire). Comme ce sera le cas pour le Réveil de la Force près de quarante ans plus tard, la fanfare de Star Wars accompagne volontiers l'envol et le combat des vaisseaux de la Rébellion. Ainsi, le Main Title résonne dans le corps des cuivres, ultérieurement encouragés par le reste de l'orchestre. Le thème de la Force vient réconforter le cœur de Luke Skywalker et l'entraîne dans sa réussite, même si en réalité, c'est uniquement le thème principal qui hurle dans ce morceau. Tout le contraire du dernier morceau d'Un Nouvel Espoir, c'est-à-dire The Throne Room/End Title. La première partie de la symphonie cinématographique s'achève sur la reprise plus que triomphante du thème de la Force. Celui-ci retentit aux travers des cuivres, marqués par des percussions rigoureuses et des cordes précises : le thème se métamorphose en une marche martiale comme future antithèse de la marche impériale. L'honneur des trois héros de la première trilogie finit par être célébré dans ce dernier morceau qui au cours du générique, revient sur l'ensemble des leitmotivs marquants de ce premier épisode. End Title semble donc curieux car il ne fait que reprendre le thème principal à plusieurs moments, ainsi que le thème de Leia nettement plus tragique.



En attendant des jours plus sombres ...



Posant les fondations d'une œuvre musicale importante dans le monde du cinéma, la première partition de John Williams sur Star Wars se révèle singulière. On y éprouve une certaine nostalgie à écouter les thèmes qui ont forgé l'âme de la plus grande épopée intergalactique, et le son si particulier des enregistrements des années 1970. Le cheminement de cette bande originale s'apparente au dépoussiérage de nos jouets une fois adulte, à la fois épris d'un heureux souvenir et du temps parcouru depuis. John Williams écrit une partition certes plus découpée que pour les autres épisodes de la saga, mais de nombreux thèmes aboutis font déjà partie intégrante de l'ossature musicale de la trilogie et de la prélogie. Les registres ainsi que les mélodies finiront par s'assombrir au milieu de la bataille entre le côté obscur et la lumière jaillissante.

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le 20 févr. 2016

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Nonore

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