SUNBATHER : le spleen en plein soleil.

Ouf ! Il m'aura fallu à peu près deux années pour digérer l'album que je considère maintenant comme l'une des plus belles pièces musicales de ces dernières décennies.
SUNBATHER, le deuxième album studio des Californiens de DEAFHEAVEN est sorti au milieu de l'année 2013, fracassant absolument tout sur son passage. Adulé par beaucoup pour sa musique (recommandé par Pitchfork, rien que ça) et détesté par d'autres pour son visuel et sa décadence ; toute personne l'ayant écouté en profondeur n'a pu se retrouver indifférente face à son intensité.

A l'image d'un premier album plutôt correct ( Roads To Judah ), le groupe évolue plus ou moins dans un registre en vogue depuis ces dernières années, le Post Black-metal. Genre difficile à caractériser tant il puise ses influences dans différents endroits, mais qui a tendance à peu se renouveler paradoxalement.
SUNBATHER réinvente ce style et vient même créer sa propre identité musicale à coup de Shoegaze, de Post-Rock et de Screamo. Si l'album emprunte beaucoup au Black Metal, il n'en ai rien à proprement parlé ( ni musicalement, ni visuellement ). Certes les blast beats omniprésents et la voix criarde y font référence mais rien ici ne dépeint un paysage froid et lugubre. Au contraire. C'est chaud et lumineux, à l'image de sa jaquette rose bonbon.

Il se compose donc de 4 morceaux majeurs, assez longs et suivant une progression à chaque fois très travaillée ( DREAM HOUSE, SUNBATHER, VERTIGO, THE PECAN TREE ). On trouve également 3 pistes uniquement instrumentales axées sur des ambiances plus calmes, aux sonorités Post-Rock et Drone, qui serviront à équilibrer cet album en offrant des moments de répits ( IRRESISTIBLE, PLEASE REMEMBER, WINDOWS ) entre deux séismes sonores.

Alors oui, la première écoute est assez difficile et il faudra persévérer à l'écouter pour y voir sa vraie valeur. Le premier morceau nous plonge directement dans la violence qui caractérise cet album. De manière général, les guitares sont aériennes et offrent à la fois des riffs acérés et des passages enivrants, teintées d'effets propre au Shoegaze. On plane littéralement autour de ce mur du son, malgré une batterie souvent déchaînée qui nous chahute. S'en suit une longue complainte criée du fond des tripes. Une performance vocale qui, si elle peut rebuter les néophytes du genre, prend parfaitement sa place dans le sens ou l'accent est mis sur l'intensité, la passion et la rage.
La construction des morceaux est intéressante en dépit de leur longueurs, tout découle parfaitement bien et offre ainsi des moments ultra-épiques entourés de passages plus apaisés, le tout dans une mélancolie ambiante des plus profondes. Et tout ça, sans trop tomber dans l'excès malgré quelques structures redondantes voir presque inutiles.

S'il est impossible de comprendre les paroles sans les lire, on ressent assez facilement l'émotion et tout le désespoir dégagé. Difficile de rester de marbre tant cet album vous happe entièrement. C'est beau, c'est triste, on nage en pleine dépression mais on y prend goût en s'y laissant transporter. Ecouter SUNBATHER, c'est se souvenir. C'est repenser à ces moments joyeux et se rendre compte que maintenant tout est différent. C'est une sorte de transe introspective qui blesse autant qu'elle soigne. Au final, on en ressort hypnotisé, un peu bousculé et surtout nostalgique . Mais c'est aussi rafraîchissant et particulièrement efficace pour se recentrer sur soi-même. Un album très intense en somme, qui ne parlera pas à tout le monde, mais qui saura embellir la violence des sentiments qui s'en dégage. Une performance assez rare de nos jours qui se doit d'être soulignée, et même encadrée haut, très haut. 10/