Depuis si longtemps Spielberg désirait réaliser un long-métrage sur Tintin ! C’est désormais chose faite, et avec Peter Jackson, ils signent pour une trilogie, qui on l’espère sera digne de notre héros belgo-français (Moulinsart, c’est en France, merde !). Et avec Le Secret De La Licorne, c’est bien parti : si Indiana Jones est le petit frère de Tintin selon Spielberg, il n’en est assurément pas de même pour leurs Bo respectives : ici, Williams ose une redéfinition de l’aventure en musique. Et c’est ce renouveau qui apporte une véritable fraîcheur à l’ensemble.


Déjà, l’effort d’innovation est grandiose, puisque le grand défi que John Williams s’était lancé était le suivant : donner à Tintin une identité musicale digne de sa renommée. Le challenge était de rester dans le registre aventurier sans lorgner vers les précédents chefs d’œuvres du genre (dont la plupart viennent de lui ^^). Et c’est parfaitement réussi rien qu’au niveau de l’orchestration, en limitant considérablement l’apport des cuivres au minimum, au profit des bois et des cordes qui effectuent le gros du travail. Alors bien sûr, les cuivres sont toujours bel et bien présents et souligne avec brio les élans épiques (les motifs sont bien soulignés dans « Pursuit of the Faulcon ») et les passages fatalistes (le thème de Sakharine et ses sbires, avec ses longues notes graves en tierces descendantes (procédé assez courant qu’on aura entendu dans Harry Potter, Indiana Jones)). Mais cette famille ne sera vraiment pas le moteur de l’ensemble, contrairement à Indiana Jones : Tintin est censé évoluer un peu dans un registre d’«épique involontaire » (Tintin n’est pas épique à la base dans ses aventures en tant que journaliste, alors qu’Indiana Jones est aventurier par nature), c’est pourquoi l’on accentue plus ici sur le côté entraînant que réellement épique (la différence est faible mais sensible).


On retrouve cette différence dès le prologue de Spielberg, qui désirait nous faire entrer directement dans l’univers de la bande dessinée permet à Williams de développer une musique très jazzy (années 30 oblige), ce qu’il aime beaucoup faire, puisque cela a été sa spécialité au tout début de sa carrière (d’où de nombreuses marques de cet engouement pour le jazz que l’on retrouve dans Star Wars avec la fameuse « Cantina Band », dans Harry Potter 3 avec « The Knight Bus »). Les premières notes sont au clavecin, et fait intervenir le tout premier thème. A propos d’hommage aux bandes dessinées dont le prologue est rempli à ras bord, le passage des cloches forment un magnifique point de synchro avec la chute de Tintin dans le vide. Autre exemple, l’excellent « Snowy’s Theme » trouve sa force dans la somptueuse rythmique de ses cordes, très entraînante, qui nous donnera sans cesse l’image de Milou en train de galoper à toute vitesse. Le piano est un apport majeur dans ce thème, très fluide et soutenu au début, puis plus saccadé vers la fin en solo ou en pulsation pour accompagner les cordes.


Au niveau de la valorisation de la musique dans le film, le tandem historique Spielberg-Williams fonctionne toujours à merveille, le premier ayant depuis toujours considéré la musique comme l’un des axes de développement du film lui-même, donc rien à dire. Inutile de préciser que les leitmotivs, et l’exploitation en général des motifs sont sublimes, comme à l’habitude chez John Williams (dans « Escape from the Karaboudjan » par exemple). On retrouve un style qui se veut saccadé, mais qui garde une certaine fluidité dans l’ensemble (fameux système de questions-réponses, et d’exploitation ponctuelle des instruments). Comme à l’habitude chez Williams, l’orchestre se montre très versatile, puisque chaque instrument sera sollicité ponctuellement par petites touches, enrichissant toujours l’ensemble (on pensera surtout aux cordes dans « The Adventure Continues » et aux bois avec un magnifique solo dans « Pursuit of the Faulcon », du pur Williams).


L’ensemble reste varié puisqu’il parvient bien à alterner entre les divers registres que propose Tintin, à l’aide d’une grande quantité de thèmes. Déjà l’exotisme avec le thème du trésor (on s’émerveille à son écoute devant tant de richesse) et de la Licorne : malgré une construction plutôt classique, il s’agit d’une magnifique trouvaille qui apporte son lot de mystère dès les premières minutes du film avec ses somptueux leitmotifs (dans la bibliothèque, mais aussi dans "The Secret of the Scrolls" sur la place du Tertre), et son lot d’épique quand il est restitué avec une orchestration majestueuse (toute la grandeur de La Licorne est exposée dans "Sir Francis and The Unicorn").
Le burlesque est très présent dans le film, surtout avec Dupond et Dupont (leur thème très pépère, dans la même famille que Jabba Le Hutt, ou Jar Jar Binks), ainsi que la belle exploitation de l’accordéon dans "Introducing The Thompson and Snowy’s Chase"). A noter la très jolie utilisation de la valse de Juliette "Je veux vivre" de Gounod, avec une note absolument impossible à jouer faisant se briser la vitre de la maquette, constituant un joli hommage au côté très catastrophe de la Castafiore (la seule femme dans Tintin, et elle prend cher ^^). Très frivole, le thème de Gounot s'accorde bien au faucon s'envolant dans les airs, et surtout au bordel le plus total s'emparant la salle, accentuant plus encore le côté burlesque et bande dessinée de la chose (c'est un procédé courant dans les films que d'accompagner à contre-courant ce genre de scènes avec une valse).


Mais l’épique revient très souvent à la charge, puisque ça bombarde quasiment tout le temps ^^ le thème de Tintin est parfait pour ce qui est de sa cohérence avec le personnage : intrépide, imprévu et explosif (d'abord introduit au clavecin dans "The Adventures of Tintin", puis aux cuivres qui nous balancent les notes aigus avec de grands intervalles). De plus, dur de ne pas lorgner vers Pirates des Caraïbes pour accompagner des combats marins dantesques (et what-the-fuckesques, c’est quoi ce bateau qui fait de la balançoire ^^ ?) ! On retrouve les cordes saccadées et dynamiques (XIXeme siècle oblige), accompagnés à de nombreux moments par les bois dans "Sir Francis and The Unicorn" et "Red Rackam’s Curse And The Treasure". D’ailleurs, l’excellente musique de combat (sublime motif) du dernier morceau est restituée dans une version musicale dans "The Adventure Continues » (sans contrainte de temps, par exemple un silence était imposé en plein milieu pour se synchroniser avec la poudre qui s’éteint puis se rallume) : une musique d’action sans cuivres ! Opposez-là à "Desert Chase" d’Indiana Jones 1, et vous verrez la différence =).


Une Bo remarquable, clairement digne de figurer parmi les plus grandes de John Williams grâce à son parti pris, en redéfinissant complètement l’aventure pour mieux coller à l’esprit du journaliste belge. Espérons que cela continue de plus belle avec le Temple Du Soleil à venir pour 2016 ! Un grand plaisir.

Soundtrax
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le 27 juin 2014

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