Cluster, transe, folk, religion, profondeur, minimalisme, modulaire, Maroc, acid house et Terry Riley, ces mots vous parlent-ils ? Si oui, il se pourrait bien que James Holden et son nouveau band vous intéresse. Le producteur anglais, aidé d'un orchestre de musiciens passionnés fait de cuivres, de bois et d'une batterie, couple ses séquenceurs et ses synthétiseurs à des instruments live pour une improvisation aussi naturelle que dantesque, où l'imprévu et la danse trouveront place aux côté de l'élévation spirituelle.


Un truc paraissant évident dès le premier morceau est qu'on a là affaire à un album des plus unique. Incantation for Inanimate Object nous révèle un choeur chamanique déposant un chant grave sur un drone vibrant, pendant que des idiophones tintinnabulants, à peine perceptibles sur le début du morceau, viennent progressivement renforcer l'atmosphère féerique de ce début d'album, pour au final grossir en un son d'avant-plan sur le second morceau. Ce second morceau nous introduit à de nouvelles sonorités, entre krautrock et spiritual jazz, grâce à une flûte qui ne cherche pas à faire des harmonies mais plutôt à guider nos sens vers un état de transe. Les percussions traditionnelles font aussi leur entrée sur Spinning Dance, formant avec les choeurs un tourbillon de mélodies étonnant mais bienfaisant. Jusque là, des inspirations évidentes nous viennent à l'esprit : musique carnatique, gnawa, rock progressif et krautrock, psychedelic folk, et j'en passe. Continuons notre route avec Pass Through The Fire qui met à l'honneur un synthétiseur que Brian Eno n'aurait point rechigner à utiliser sur ses premiers albums, tandis que Each Moment Like The First repose sur une mélodie qui semblerait héritée des OST de jeux-vidéos des années quatre-vingt, cette époque ou jungle, chiptune, progressive electronics et synthpop fusionnaient pour donner des hymnes indémodables qu'on aime à chantonner encore aujourd'hui. The Beginning and End of the World nous offre une progression intense et immersive faite de modular synths et instruments à vents, le style de morceau qui aurait bien sa place au sein d'un film transcrivant une odyssées spatiale ou un voyage au coeur des profondeurs abyssales de nos océans. L'émotion est telle qu'on verserait presque une larme à l'écoute du saxophone qui faiblit et se meurt lors de la conclusion du morceau. Mais Thunder Moon Gathering revient en force en faisant exploser les instruments acoustiques et électroniques dans une danse démoniaque. C'est sur cet extrait qu'on perçoit le plus clairement l'influence de Pharoah Sanders et son jazz spirituel, oriental et jubilatoire. Le morceau-titre change pratiquement de registre en déployant un looping modulaire digne des belles heures de Clarke, de quoi planter le paysage pour une improvisation sauvage de saxophone délivrée par Etienne Jaumet. The Neverending arrive sur scène, et l'on sent déjà la tension redescendre, l'on sent déjà poindre la fin de l'album. La composition est, en dépit de son instrumentation électronique, cent-pour-cent jazz, de part sa rythmique et ses progressions harmoniques. Go Gladly Into The Earth marque la fin de cette épopée transcendantale avec une atmosphère égale au précédent morceau, histoire de terminer le voyage sur une note apaisante.


Pharoah Sanders, Clarke, Brian Eno, Don Cherry, Boards of Canada, Maalem Mahmoud Guinia, on retrouve tout ce beau monde sur The Animal Spirits, un album d'une grandeur égale au chef d'oeuvre électronique de 2013 que nous avait pondu James Holden, The Innerhitors. The Animal Spirits rompt carrément avec la techno minimaliste des débuts du producteur anglais en sortant ce disque qui couple avec une dextérité parfaite le génie du folk-psyché, la liberté du spiritual jazz, les rythmiques transcendantes des musiques orientales et les bases dansantes de la musique électronique.

Gargantues
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le 19 nov. 2017

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