The Chronic
7.9
The Chronic

Album de Dr. Dre (1992)

Voici ma contribution, ma goutte d'eau dans l’océan de critiques déjà écrites sur cet album

Il faudrait écrire deux critiques sur cet album. Une première sur le disque lui-même et une autre sur l'impact monumental qu'il a eu dans le monde du hip-hop.
Dr Dre, ex producteur de NWA, avait décidé de quitter le label de son ancien comparse Eazy-E, Ruthless Records, et de fonder avec Suge Knight son propre label, Death Row Records. Au même moment son demi-frère, Warren G, lui parla d'un jeune rappeur de Long Beach appelé Snoop "Doggy" Dogg et fit écouter une démo de ce dernier à Dre. Dre signa immédiatement Snoop sur son label, et décida de s'entourer de lui et de sa bande pour la création de son premier album solo. En effet, Snoop présenta à Dre son crew afin que ceux-ci soient également signés sur Death Row. C'est pour cela qu'on retrouve sur l'album les cousins de Snoop Dat Nigga Daz, Nate Dogg et RBX ou son ami Kurupt. Lady of Rage rejoignit également la bande.
Car avec cet album, c'est bien tout son label que Dre voulait présenter. Conscient de ses faiblesses techniques au micro, il savait que l'omniprésence de Snoop ( on le retrouve sur quasiment tous les morceaux) suffirait à les faire oublier. Il s'enferma avec son équipe dans un studio d'Hollywood pendant plusieurs mois. Rien que d'enregistrer ce qui allait devenir une pièce fondatrice du hip-hop dans ce quartier clinquant de Los Angeles, pour des jeunes majoritairement issus des ghettos de Long Beach ou de South Central LA et qui sortaient pour la première fois de ces quartiers difficiles, fut une expérience incroyable.En conséquence,l'alchimie et la camaraderie entre les Death Row Inmates s'entend sur chaque morceau.
L'album tourne autour de thèmes comme la violence, le sexe, la drogue, les gangs, dans la pure tradition du gangsta rap californien, popularisé par Dre avec ce disque et par Snoop Dogg un an plus tard avec "Doggystyle". Les paroles de Dre sont d'ailleurs à mettre au crédit de D.O.C, son ami qui l'avait suivi de Ruthless Records. D.O.C était une étoile montante de la scène de LA, mais suite à un accident de voiture il perdit sa voix, et dut se contenter d'écrire les paroles de Dre, une occupation à laquelle il se livre toujours. Avec ce titre, Dre voulait écrire les chroniques des ghettos de Los Angeles, raconter ce que lui et son posse vivaient ou observaient. On peut y voir également une référence à la Chronic, type d'herbe très en vogue à Los Angeles à l'époque, véritable muse des rappeurs.
La force principale de cet album réside dans ses beats, d'une richesse et d'une complexité affolantes tant elles paraissent évidentes à produire quand on s'appelle Dr Dre. Avec le succès de The Chronic, Dre popularisa le G-Funk, le style le plus en vogue à l'époque à Los Angeles. Construit autour de basses ronflantes, de rythmiques lentes et de synthés entêtants, le G-Funk se nourrit de samples de funk d'artistes tels que Parliament, George Clinton ou Funkadelic. Des sources qui s'imposaient naturellement aux rappeurs de cet époque. En effet, ils avaient tous grandi en écoutant ces artistes, tant ils étaient populaires au sein de la communauté noire américaine dans les années 70-80. La force de Dre et de Snoop fut de faire accepter au grand public des thèmes aussi violents ou sexistes en les faisant passer sur des mélodies enivrantes et entraînantes.
Si cet album marqua autant le rap en général et la scène californienne en particulier et réussit à se démarquer de 99,99% des autres albums de G-Funk, c'est en raison du travail perfectionniste de Dr Dre. L'homme qui passe plusieurs journées à travailler sur un "snare" (caisse claire) a produit pour cet album un son soyeux, léché, mixé à la perfection, tout en nuance et en puissance sonore. L'album commence par un diss devenu classique contre Eazy-E, "Fuck Wit' Dre Day", où Snoop inventera son célèbre "Bow wow wow yippi yo yippi yay". 7 ans plus tard, sur son deuxième solo, "2001", Dre livrerait un hommage à Eazy, décédé du Sida entre temps.
Les intemporels singles "Let Me Ride" et "Nuthing but a G Thang" laissèrent éclater la complémentarité du duo Dre/Snoop alors que "The Day The Niggaz Took Over", plus angoissant, constitue une référence aux émeutes de Los Angeles de 92 qui eurent lieu durant la conception de l'album, suite à la mort de Rodney King. "Lil Ghetto Boy" et son magnifique sample de soul de Donny Hathaway apportent à l'album une touche sociale, toujours aussi violente mais plus éloignée des clichés de la thug life, alors que Snoop campe un gangster en pleine introspection. Sur "Lyrical Gangbang" et "Stranded Death Row", l’émulation entre les MCs souhaitée et orchestrée par Dre est à son paroxysme, tant les couplets de folie de Kurupt, RBX ou Rage volent dans tous les sens, montrant que la dureté au microphone et la rime assassines ne sont pas l'apanage des rappeurs de New York, contrairement à une idée reçue.
Au final, ce dique devint une référence dans le monde du hip-hop américain. Tous les albums de G-Funk sortis par la suite essayèrent de se situer par rapport à lui. Si certains peuvent penser que Doggystyle, sorti l'année d'après et également entièrement produit par Dre, lui est supérieur, une chose est sûre: Sans Dre et "The Chronic", la plupart des rappeurs angelinos n'auraient pas eu de carrière.
Léo_Mouren
10
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Créée

le 15 déc. 2013

Critique lue 1.9K fois

21 j'aime

Léo Mouren

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