Mastodonte de la musique de film actuelle, décrié comme adulé, la carrière du compositeur allemand Hans Zimmer n’est pas aussi simple que tous ses réfractaires s’emploient à le crier sur tous les toits.
Selon leurs dires, Zimmer serait un artiste bruyant, à l’écriture musicale grossière, dont le style aurait peine à se renouveler, ainsi que rapprochant le fait qu’il s’entoure souvent de ses confrères musiciens (tels Lorne Balfe, Ramin Djawadi, Tom Holkenborg et j’en passe et des meilleurs) lors de l’écriture de ses oeuvres à de la paresse pure et simple (alors que sur ce point, il faut préciser que le cas de « Ghost Writers » dans le monde de la composition à l’image n’est pas du tout anodin, bien au contraire, et que Zimmer est justement l’un des seuls à nommer ses collaborateurs, contrairement à des compositeurs comme Brian Tyler, n’accordant aucun crédit à ses pairs, mais je diverge).


Mais le style du maître teuton n’est pas linéaire, bien au contraire. S’il l’on se penche un tant soit peu sur sa carrière, fort est de constater beaucoup de diversités, si ce n’est parfois, de grandes prises de risques. La bande originale du film « Da Vinci Code » réalisé par Ron Howard, en est un des meilleurs exemples.


Commençons par le commencement : au commencement, il n’y avait rien, puis vinrent des accords synthétique, accompagnés par d’étranges et envoutants choeurs samplés. L’effet est mystique, inhabituel. Puis, un violoncelle brise cette ambiance atmosphérique, glissant les notes de ce qui deviendra le thème principal, ponctué par des ostinatos de violon, venant présenter ce qui sera la clef de voute de la partition. Ainsi débute l’album (et le film) avec le morceau « Dies Mercurii I Martius ». Les fondations sont posées, Zimmer peut construire sa cathédrale.


Notons tout d’abord que la structure narrative de la partition n’utilise pas le leitmotiv, technique dérivée de l’opéra consistant à associer un thème à un personnage (ou lieu, ou groupe), remise au goût du jour par John Williams et Howard Shore, et souvent utilisée par Zimmer. Il y a différents thèmes malgré tout dans « Da Vinci Code », mais ils ne sont associés à aucun éléments précis : en effet, ce qui resort de l’écoute de ces musique est l’ambition du compositeur d’imaginer un canevas riche, complexe afin de créer avant tout une atmosphère. Ainsi, l’on pourrait trouver la musique plutôt discrète lors du visionnage du film de Ron Howard, ce qui est la volonté de l’artiste, désireux de faire corps avec le propos du film (notons d’ailleurs que cet aspect du compositeur est aussi l’un de ses gimmicks, poussant le vice jusqu’à participer au design sonore de certains films sur lesquels il a travaillé, comme la trilogie « Dark Knight » ou « Inception » de Christopher Nolan), plutôt que de créer un autre niveau de lecture à l’aide de thèmes et d’une écriture orchestrale pompière. Ambition que beaucoup qualifierait de simple illustration des image, alors qu’ici, la technique est bien plus rigoureuse et pointue qu’il n’y paraît : milles détails fourmillent dans la bande originale de « Da Vinci Code ».


Ayant d’ordinaire un style très porté sur les synthétiseurs, Hans rassemble ici un impressionnant orchestre, accompagné d’une grande section de choeurs, afin en premier lieu de souligner l’aspect religieux ainsi que l’implication de l’art dans le film, et enfin pour donner ainsi un timbre, dirons nous, plus classique qu’habituellement à sa partition. Cet orchestre n’est pas utilisé de manière flamboyante, mais est amené en retenue : en effet, l’on remarquera que tous les pupitres de l’orchestres ne jouent quasiment jamais en même temps, seulement certaines sections viendront ponctuer la partition, lorsque d’autres se chargeront d’autres moments. Ainsi, la finesse et l’intimisme semblent être les mots d’ordres de la partition du « Da Vinci Code ». Cet emploi de l’orchestre appuie ici l’aspect mystique et éthéré de l’intrigue du film, entourée de sombres mystères : la musique est discrète, avance à pas de loup, se faufile, hésite même parfois. La partition semble ainsi se perdre dans de longues pistes élégiaques et atmosphériques (telles que « Daniel’s 9th Cipher » ou « Rose of Arimathea »), se formant et se déformant à l’allée et venu d’un choeur entier de voix barytons (un classique de la composition zimmerienne) ou d’une soliste au timbre magnifique. A elle seule, la musique forme ainsi tout le mystère de l’histoire et de la religion en un ensemble troublant de cohérence et participe pleinement à l’implication du spectateur dans l’histoire.


La partition à aussi son côté sombre, effrayant même parfois. C’est lorsque des cordes grinçantes se glisse dans ce canevas, ponctuées par de violents coups de violoncelles, ou lorsque des choeurs ténébreux se lèvent, que les ténèbres s’insinuent peu à peu dans le paysage élégiaque de la partition. Parfois, ces éléments font leurs apparition sans crier gare, renforçant l’aspect imprévisible d’une composition toujours en mouvement, ce qui décuple l’aspect effrayant de la partition. Ces violentes saillis sont parfaitement illustrées dans le morceau « Beneath Alrischa », morceau de bravoure dans le domaine de l’angoisse tant ses cordes sont violentes et grinçantes.


Mais c’est lorsque l’intrigue s’achève, lorsque le mystère est résolu, que survient le morceau le plus mémorable de la partition, l’un des morceaux les plus cultes composés par le maestro : « CheValier de Sangreal ». Pour la première fois de la partition, tout l’orchestre est utilisé en même temps, tous les pupitres jouent à l’unisson un thème qui se dessine petit à petit depuis le début de la partition : le thème principal, ce vers quoi tous les morceaux tendaient, un thème dont ils n’étaient que l’esquisse inachevée. En effet, lorsque tous les maillons sont révélé, lorsque tous les mystères sont dissipés, le brouillard disparaît alors, révélant la cathédrale complète. Et quelle cathédrale. Le thème est impressionnant, envoûtant, entraînant, gorgé de cuivres et cors altiers, emmené par des ostinatos de cordes vigoureuses et appuyé par de nobles et majestueuses notes de violoncelles. Le morceau monte en un crescendo que rien ne semble arrêtant, culminant à l’arrivée des choeurs en une magnifiques et impressionnante ôde à l’art et à l’histoire en général. Un thème emphatique dont seul Zimmer semble avoir le secret. A noter que ce thème apparaît deux fois dans le film sous cette forme : lors de la résolution de l’énigme du cryptes, ainsi que lors de la révélation finale concernant ce qui est caché sous la rose, ce qui corrobore cette idée de résolution d’énigme appuyé par ce thème précis.


Avec la bande originale de « Da Vinci Code », Zimmer à composé l’une de ses compositions les plus complexes, l’une de ses plus intimiste. Faisant preuve d’une finesse d’écriture rare ainsi que d’un sens du détail dans le choix d’orchestration de ses différents pupitres appuyé, imprévisible, la partition et d’une grande complexité et semble réellement habitée, ce qui apporte un vrai plus au film de Ron Howard. Mais plus encore, ce score prouve aux réfracteurs de Hans Zimmer qu’ils ont tort. Encore une fois.

DomCobb27
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le 18 oct. 2016

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