The Doors
8.3
The Doors

Album de The Doors (1967)

Je me suis toujours demandé ça. Comment se fait-il que ce morceau soit si fort ? Il y a un truc dedans qui n’a rien à faire là, mais qui est là, et bien là, et c’est bon ce truc. Un gars qui hurle: Break on through, to the other side! Break on through…Le rock le plus sauvage, avec un feeling latin rarement entendu dans un morceau purement rock. C’était un plan de bossa nova (?) Groupe baroque, avec de nombreuses racines, et de gandes idées, voilà The Doors, qui ose le morceau d’intro rock brésilien, swinguant comme un pain de sucre qui fond  au soleil. C’était donc une vraie bossa, remanié à la sauce Doors. Wow ! Tour de force, court et intense. Syncrétisme rock. Collé à une orgue qui sort de la lune. Break On Through (to the other side). Une samba, on ralentit le rythme, et ça a donné une bossa nova. Une bossa, on accélère, et ça donne : Break on through…du hard ! Ça pulse, ça bouge. Génial. Rien à dire. Ça démarre, génial. Avec un morceau imprévu, imprévisible, lumineux, et court. 

Soul Kitchen, est le rythm’n blues qui se rappelle au rock. Ça vient de là, le rock. Et puis soudain, on lâche les chiens ! Sur le refrain. Enorme. Jim hurle comme un chien abandonné, et toute sa rage est propulsée dans le domaine du groove. Ça balance groove. Puis, c’est le slow-rock. The Crystal Ship. Slow. Moment de calme après la tempête. Calme. Qui nous fait voguer sur la vague, avec un lyrisme appuyé. Ya pas que du rock là-dedans. Twentieth Century Fox. Morceau qui n’est pas une réclame pour la célèbre maison de prod hollywoodienne, mais plutôt une vision décalée du spectaculaire rêve américain, pas mal défraichi, devenu pur spectacle, miroir aux alouettes. Superficiel, séduisant, sexy. She’s a Twentieth Century Fox. Avec un plan de clavier typique de Manzareck. On a une fine équipe, qui donne sans ramollo, et l’auditeur reste sous tension.


 Alabama Song. De LA, à l’Alabama. Via Berlin. Ici, l’Europe est convoquée, et pas n’importe qu’elle Europe. Celle de la décadence, la fin d’un monde. Reprise célébrissime. Que dire  de plus ? Reprise pour qu’on comprenne que The Doors n’est pas le dernier groupe d’amuseurs public rock, pour ados boutonneux. C’est pas le petit groupe pépère pour faire bouger les jeunes. Paradoxalement, le lead vocal du band deviendra l’idole de toute une génération. Kurt Weil, Brecht. Morrison, le poète incandescent brille de mille feux. Il se considère avant tout comme un poète, Jim. Et il a été le premier surpris, quand Manzareck lui a dit qu’il allait chanter pour le groupe. Le résultat est là. Jamais un storyteller ne m’avait fait un effet aussi bœuf dans le rock. Il avait senti la perle rare, Ray. 
Light My Fire. Tube. Culte. Emblématique. Inspiré. 7mn08 entre orchestre de bal, et rock psyché sous psychotropes, qui demande un solo d’orgue interminable, qu’on peut étirer jusqu’à la fin des temps. Dejà, qu’un groupe de rock se présente avec un organiste, c’est déjà drôle. Quand il commence à jouer, on ne rigole plus. Et la guitare qui répond par un riff boueux. Blue, rock plaintif. C’est un bluesman leur guitariste?

Donc on a un « shaman » qui évoque les grand s esprits. Tout le temps en apesanteur, Jim. Un organiste, qui représente l’héritage européen. JS Bach, Ray. Le nègre (de service), qui fait sa guitare blues, Robby, et un batteur polyvalent qui ne pâlirait pas dans un big band de jazz. Maîtrise des rythmes syncopés, et puissance de feu, John. Quatre personnalités tellement différentes, qu’on se dit que…comment ça a fait pour marcher ça ?


Voilà le groupe rock ultime. Une expérience, impossible à renouveler. Un équilibre pareil, ça tient à rien. Folie et miracle. Et ça tient à cette fragile audace du non-retour. Finit l’innocence des sixties. On passe à l’âge adulte. Back Door Man. Blues, de la tête et des épaules. Et le bluesman crie, et aboie. I’m a back door man. Court, intense. Soit c’est court, soit c’est beaucoup plus long. Mais à chaque fois, c’est de la lave. Beau. I Looked At You. C’est un twist( ?) Ils se foutent de ma gueule ? Même pas. Ils prennent tout ce qu’ils jouent au sérieux. Ç'aurait pût être une polka peut-être ? En tout cas, le twist a une forte odeur de sexe. Malsain. Groupe de rock, oui, mais pour adultes.


End Of The Night. Même simple, même calmée, même douce, (ça peut arriver), l’énergie en-dessous remue tout, avec un sérieux travail rythmique à cœur de chauffe. Les compos ne lassent jamais. Avec des sonorités sortis du chapeau, de nulle part. Chaque morceau est composé dans l’esprit de l’impro, donc du live. Et ça se ressent. Et la batterie de Densmore est vraiment bien mise en avant sur cet album. Un régal. Alors comment parler d’un groupe rock sans bassiste, alors que la basse est au centre des morceaux ? En fait, les gens parlent avec le temps. Cette histoire de : «Pas de bassiste », c’est un peu une légende. En studio, des bassistes de métier assuraient les parties de basse. En live, Manzareck les refaisaient à l’orgue. Tout simplement parce que ça fonctionnait mieux comme ça, c’est eux qui le disent. Et les morceaux sont si bien écrits, qu’on se dit qu’ils avaient peut-être raison. Morceaux virils, façon action/réaction. Ça marche. On se dit que c’est trop court. Á chaque fois. Enfin. Trop court c’est vite dit. Voici venu le chant des walkyries. The end.
This is the End. My friend.


Morceau lui-aussi emblématique. (Il y en a pas mal sur cet album). Une époque, un standard, un de plus, qui a servit à magnifier un film apocalyptique. Morceau de bravoure. Peu d’accords. Et improviser dessus. Osmose parfaite entre chant/clavier/guitare. Le poète reprend le pouvoir. L’orgue plane. L’orage gronde. This is the end. Complexe d’Oedipe, contre mort symbolique d’un monde, d’un amour, d’une chanson. D’une époque, révolue, consciente de sa chute.
Le rock devenu grand…se meurt. Une longue transe de près de 12 minutes.
Révélation sous acide, et fin des haricots.
Après ça, il peut mourir en paix. Le rock.
Album écouté le 10/10. Donc 10. Logique.

Angie_Eklespri
10
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le 16 janv. 2017

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Angie_Eklespri

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