Phantasmagoria : the visions of Marilyn Manson

« The high end of low ». Bon, déjà, première difficulté rien qu’avec le titre de l’album : je ne suis pas franchement sûr de ce qu’il signifie. Une traduction possible donnerait « Le haut de gamme de la dépression », mais c’est un peu WTF. En plus, j’ai pas trop l’impression que Manson soit si déprimé que ça sur ce disque, surtout comparé au précédent, « Eat me, drink me ». Tout ça pour dire que direct, on nage dans le flou, mais va falloir vous habituer, tout le reste aura des relents d’incertitude.
« The high end of low » est en effet l’un des opus de Manson qui divise le plus ses admirateurs. Honnêtement, l’artwork, assez fade par rapport à ce qu’il proposait auparavant, ne nous en apprendra pas davantage : ça se résume à des photos de lui avec un chapeau bizarre (remember « Smells like children »), qui le font ressembler à un mélange de croquemort, de chapelier fou et de tueur psychopathe, et à des photos sombres des murs de sa maison, où il a pris l’habitude d’écrire ses textes. On dirait qu’il tente vaguement de s’inventer un personnage, chose dont il était également coutumier, mais ce n’est guère convaincant. Quelques indices nous font penser que ce serait un personnage de film d’horreur de série B, ce qui serait plutôt cohérent, puisqu’à cette période, Manson sort plus ou moins avec une actrice, Evan Rachel Wood, et surtout, il est englué dans le tournage de « Phantasmagoria : The visions of Lewis Carroll », son premier long-métrage expérimental. Un projet qu’il traîne depuis des années mais qui n’a toujours pas vu le jour. Bref, il est un peu dispersé (voire paumé, voire effroyablement seul), à mon avis il abuse des drogues et de l’absinthe, et ça se ressentira sur cet album. Quand je vous disais que ça allait être vague… .
Le message n’est en effet pas très clair, et c’est certainement ce qui a excédé son public, surtout après un « Eat me, drink me » où Manson prenait le premier gros contre-pied de sa carrière, perdant au passage une bonne partie de ses fans. Avec le retour de Twiggy Ramirez, ceux-ci s’attendaient au come-back de l’Antechrist, mais ont rapidement déchanté en constatant que « The high end of low » arborait de nouveau un style pop-rock. Mais au-delà de la déception, ce disque mérite-t-il de se faire descendre en flèche ? Est-il aussi terne et ennuyeux qu’on nous l’a martelé ?
Eh bien, la réponse est non… Mais dites-moi pas que c’est pas vrai ! Bah si. Alors, c’est sûr, globalement, malgré quelques très bonnes chansons, il n’a rien d’exceptionnel ni de très recherché. N’essayez pas d’y trouver des sens cachés ou un concept de fou, vous vous escrimerez en vain. C’est certainement son œuvre la plus accessible, une succession de morceaux sans réel fil rouge, ou plus exactement, un album bilan, un concentré de ce que l’artiste a pu proposer depuis ses débuts. Et comme tous les albums de ce type (exemple : « Kiss me kiss me kiss me » des Cure), ses principaux défauts sont un manque d’homogénéité et une durée excessive qui aura tendance à lasser et à produire du déchet. Heureusement, toute chaîne hi-fi digne de ce nom possède un bouton « program » ou « skip », qui vous permettra donc de zapper « Wow » (un trip sous acide superficiel et bouffon, complètement glucose), « I want to kill you like they do in the movies » (censée être un grand moment du disque, mais qui est finalement un truc arty-dark foiré et chiant qui s’étend sur neuf minutes), « Wight spider » (juste moyenne, pas assez travaillée), « I have to look up just to see hell » (encore moins bien) et « 15 » (lente et ténébreuse en toc). Ca fait un tiers de l’ensemble, j’avoue que ça commence à chiffrer.
Oui mais voilà, « The high end of low », c’est comme les montagnes russes : en terme de qualité, on peut descendre bien bas, et l’instant d’après, atteindre des sommets. Premier point positif : de l’intro jusqu’au cinquième morceau, pas grand-chose à reprocher. Manson joue au cannibale amoureux sur « Devour », qui commence assez gentiment avec ses arpèges clairs et monte bien en puissance ; enfin, pas autant que la bourrine « Pretty as a ($) », qui angoisse autant qu’elle arrache la peau, rappelant au passage les écorchures de « Antichrist superstar » ou « Holy wood ». « Leave a scar », c’est du pop-rock totalement décomplexé, avec des riffs de guitare hyper efficaces et des paroles évoquant les blessures de l’âme ; autrement dit, on se croirait sur « Eat me, drink me ». « Four rusted horses » a des accents country, à ceci près que ces accents ont encore une fois les mêmes reflets malsains que ceux de « Holy wood » ; elle pourrait servir de B.O. aux « Boulevard de la mort » et « Kill Bill » de Tarantino, jusque dans son texte non dénué d’humour (« Everyone will come, everyone will come / To my funeral and make sure that I stay dead… »). Enfin, l’enchaînement se termine avec « Arma-goddamn-motherfuckin-geddon » (hein ?), premier single un peu trop léché, mais sympa… Une sorte de synth-funk bizarroïde et entraînant malgré ses contretemps et sa panoplie d’effets étranges, à ressortir le 21 décembre pour commémorer la fin du monde quand les maisons commenceront à cramer, et que vous voudrez danser au milieu des flammes.
Tout ça, c’était déjà pas mal, mais le meilleur reste à venir. Je dois vous faire une confidence : dès que Manson chante une balade chialante avec sa voix torturée, il y a de fortes chances que je craque comme une foutue midinette. Ca m’avait fait tout drôle sur l’opus précédent avec « They said that hell’s not hot » et « Just a car crash away » ; là, c’est « Running to the edge of the world » et « Into the fire » qui m’ont mis une grosse claque. La recette ne change pas (mis à part l’irruption du piano) : paroles tragiques, instrumentation bouleversante et gros solos de guitares larmoyants, qui prouvent au passage que Manson n’est pas qu’un bœuf irrévérencieux qui ne pense qu’à tirer sur tout ce qui bouge. D’ailleurs, le groupe est très peu vindicatif sur cet album ; les contestataires auront seulement droit à « We’re from America » pour se consoler, un titre tout à fait acceptable mais à la limite de l’auto-parodie de la période « Holy wood » / « The golden age of grotesque », qui pointe du doigt l’attitude arrogante et donneuse de leçons de nos amis américains. Ce qui montre au moins qu’il était préférable de se renouveler.
L’inventaire se termine avec « Blank and white » et « Unkillable monster ». « Blank and white » met trop de temps à décoller, mais son final puissant finit par emporter l’adhésion. Quant à « Unkillable monster », que je dois être un des rares à adorer, elle est plus que recommandable : Manson signe une véritable perle rock, d’un romantisme noir sidérant, à l’équilibre émotionnel parfait (« How the fuck are we supposed to know / If we’re in love, or if we’re in pain ? »).
Conclusion : même si, sur « The high end of low », c’est autant le boxon que dans la vie de son auteur, je n’ai pour ma part aucun problème à y trouver mon compte. On est très loin de la catastrophe ou de la trahison. Comme quoi, il y a des séries B qui possèdent un certain charme.
Psychedeclic
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le 26 août 2012

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le 26 août 2012

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