Premier album de Clutchy Hopkins, enregistré selon les rumeurs par un vieillard inconnu qui, ayant au cours de son existence roulé sa bosse à travers le monde pour "s’imprégner de sonorités multiples" et enrichir sa musique, a finalement décidé de se retirer dans une grotte du désert de Mojave (Californie) pour se consacrer à la musique... C'est en fait la seule information amusante entretenue par le Label Ubiquity Records, qui produit cet album (et les suivants de Clutchy), donnant naissance à un buzz entretenu intelligemment. J'aime l'idée de vouloir y croire, même si je sais qu'on me prend un peu pour un jambon, mais l'image du vieillard dans sa grotte me plait bien, sorte de mythe de la caverne à la sauce d'aujourd'hui. Clutchy est un Socrate moderne... Et puis dans la surmédiatisation du moi, ça fait plaisir de voir un artiste qui joue du contraire, et nous dit qu'il veut seulement qu'on l'écoute.


Car un artiste sans visage fait parler, sans beaucoup de moyens : on ne sait effectivement à ce jour rien ou presque sur Clutchy, et une communauté de fans a cherché en vain et cherche encore qui se cache derrière le masque de ce vieillard-cool et hirsute en chemise à fleurs, ou s'il existe bel et bien.
Comment définir le son "Clutchy"? C'est une sorte de genre à part, à l'orée des chemins. On peut dire que c'est un album d'abstract hip-hop, totalement instrumental, dont les pistes, souvent répétitives et entraînantes, mêlent un grand nombre d'influences. Un côté downtempo, très jazzy voire funky, mais aussi un large choix de sonorités qui font de larges emprunts à ce qu'on qualifie généralement de "musique du monde" : sonorités indiennes, africaines, folkloriques... La multiplicité des instruments utilisés est étonnante : flûte, orgue, piano, guitare, djembé, et cela produit un effet inattendu mêlant des codes connus (un son hip-hop, un côté groovy) auxquels Clutchy vient greffer avec virtuosité de nombreux sons singulièrement usées, exotiques, "lointaines".


Tout cela crée donc une étrange alchimie, quelque chose d'un peu intemporel, une musique vraiment étrange. Il est clair que c'est un aussi un album exigeant et particulier qui ne sera sûrement pas au goût de tout le monde. Mais les fans de hip-hop et de jazz, de Madlib à Shawn Lee, devraient apprécier. Je conseille quand même aux autres de tenter l'expérience...

Zaul
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le 24 janv. 2012

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