C'est jamais évident d'écrire sur un disque que l'on a attendu longtemps surtout en tant que fan mais j'essaierai de rester le plus objectif possible maintenant que je pense avoir suffisamment écouté MMLP2 pour en parler. Cet album là est à mon avis compliqué à jauger car il s'étire dans plusieurs directions et j'ai d'ailleurs longuement hésité sur la note finale. Puisque de nombreuses critiques ont déjà été faites et qu'à peu près tout le monde connaît le parcours du rappeur je ne m'étendrai pas à faire une rétro de la discographie ni du personnage mais rentrerai directement dans le vif.


Vouloir faire suite à un classic-album n'est pas chose facile et vouloir exaucer tout le peuple, encore moins. Car c'est clairement l'impression qui domine quand on check la tracklist et en écoutant les quatre premiers singles dévoilés. Mais qu'en est-il vraiment de l'album dans sa globalité? En fait, la question est de savoir si Eminem parvient à trouver le compromis entre faire honneur au premier MMLP tout en se mettant à la page et en réussissant à contenter les anciens ET les nouveaux fidèles. Un challenge bien compliqué.


Certains morceaux sont dignes de figurer dans un tel disque et sont de redoutables tueries que l'on avait plus entendu depuis la grande époque du rappeur, faisant parfaitement le lien entre le premier opus et cette suite. C'est le cas de "Bad Guy", la séquelle géniale du morceau "Stan" écrite avec la perspective de Matthew Mitchell, le petit frère devenu grand qui cherche maintenant à venger sa mort. Le skit "Parking Lot" est le prolongement direct de celui se trouvant dans "Criminal" et le suicide de Slim après le braquage et avant de se faire coffrer peut vouloir symboliser un tas de choses, chacun se fera son interprétation. "Rhyme or Reason" quant à lui est un petit bijou d'écriture "multi-thème" lâché sur une instru signée Eminem (qui est de retour côté prod) et Rick Rubin aka le "Yoda du rap" dans lequel Marshall puis Slim s'expriment chacun de leur point du vue propre. "So Much Better", sans doute le morceau le plus hilarant du skeud ressemble beaucoup à "Kill You" pour le côté comique mais aussi à "25 to Life" dans le thème puisque la fille dont il est question dans ce titre représente la célébrité et l'industrie du rap, à noter que ce track est bourré de références folles (Dre, Drake, Lupe Fiasco y passent) … une vraie réussite. "Brainless" est la slim song par excellence et l'un des tout meilleurs sons de l'album, tout comme le monstrueux "Evil Twin" qui conclut le bordel en apothéose sur une instru demonish du duo de producteurs Sid Roams ("The Reunion" sur Hell: The Sequel). Enfin, le bonus track "Don't Front" en featuring avec Buckshot est très old school et rappelle beaucoup l'époque "Infinite", on regrettera juste son absence sur l'édition deluxe pour cause de retard dans le cleanage du sample, surtout que la carte de la nostalgie est clairement jouée ici et qu'un tel titre aurait vraiment mérité d'y être… Bref, l'album contient son lot de dingueries.


Cependant, d'autres morceaux n'ont malheureusement pas vraiment leur place dans cette suite à cause d'un casting parfois douteux et de productions qui ne sied guère aux circonstances. Comme si Eminem était le cul entre deux chaises d'un côté forcé d'assurer la continuité de la storyline, en étant un minimum "underground" et d'un autre forcé de rester musicalement mainstream dans un soucis de rentabilité. Ce qui est mainstream n'est pas fatalement mauvais je précise, j'adore bon nombre d'artistes mainstream et j'ai aimé Recovery, par exemple. Mais le fait est qu'on se retrouve avec un album assez inégal qui part un peu dans tous les sens et dans lequel il manque une réelle homogénéité artistique. Je parle surtout des prods car techniquement et lyricalement c'est toujours aussi grandiose et ça reste harmonieux il faut le dire, malgré des thèmes qui restent inchangés au fil des albums et qui peuvent devenir redondants à force. "Survival" ( "Won't Back Down" 2.0) ou encore "Asshole" en featuring avec Skylar Grey sont franchement superflus... "Rap God", cette espèce de boucherie technique folle et assumée, peine malgré toutes ses qualités à trouver sa véritable place au sein de l'album (il aurait pû être sur Hell: The Sequel ce morceau). "Stronger That I Was" presque entièrement chanté à la "Hailie's Song" a toutes les chances de ne pas plaire à tout le monde et "The Monster" avec Rihanna (que je conchie, plus que jamais) sur une prod passe partout montre clairement l'intention d'avoir un tube qui explosera les charts comme le précédent, même si le thème est ici beaucoup plus "shady-esque" puisqu'il est d'abord question - encore une fois - du rapport avec la célébrité et les drogues en fait, avec tout ce qui peut être additif et/ou néfaste (seul l'angle du thème change cette fois, représenté par ce "monstre sous le lit"). Nate Dogg n'étant plus pour nous fournir les meilleurs hooks de l'univers et Eminem se focalisant sur les couplets, on doit donc se contenter de Liz Rodrigues, Sarah Jaffe, Skylar Grey, Rihanna et Nate Ruess pour les refrains, ce qui est surprenant pour un tel disque finalement… "So Far" et "Love Game" feat. Kendrick, tous deux "produits" par Rick Rubin sont tout aussi déroutants : le premier est directement tiré du titre "Life's Been Good" de Joe Walsh le guitariste du groupe de rock Eagles, on a donc à faire à de la country-rock. J'ai commencé à apprécier le morceau seulement après m'être penché sur les lyrics, tout comme "Love Game" d'ailleurs que je trouve assez repoussant au premier abord. Il convient donc de s'attarder plus sur le fond que sur la forme pour vraiment sonder la chose et c'est un peu ça le soucis finalement, Eminem nous avait habitué à un "enrobage" différent de celui-ci. "Headlights" est un pardon envers sa mère et est peut être le morceau le plus poignant de l'album, même si encore une fois le choix du chanteur peut être déroutant. Le deuxième disque de l'édition deluxe forme un petit EP sympa un peu en dessous des morceaux du premier disque à mon avis mais qui reste dans le même ton, avec des collab improbables sur des instrus déroutantes. Je retiens surtout "Groundhog Day" et "Beautiful Pain".


Malgré tout, Eminem ça reste Eminem c'est à dire qu'il est au dessus de tout le monde, la façon dont c'est écrit, rappé et joué, c'est toujours parfait. Alors certes on peut regretter le choix des feats ou de certaines prods ou encore l'orientation prise par le rappeur mais remettre en question la qualité intrinsèque du skeud serait de la mauvaise foi tant ça reste travaillé et soigné à l'extrême. Et puis après huit albums, réussir à retenir toujours autant l'attention est un coup de maître en soi.


Respect, Marshall.

Smay
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le 19 nov. 2013

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Smay

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