The Maze Runner (OST)
6.1
The Maze Runner (OST)

Bande-originale de John Paesano (2014)

Oh non, putain, ce film … Bon, je vous avoue, j’étais parti pour finir l’analyse du Seigneur des Anneaux 3, mais j’avais peur d’oublier des choses, de ne pas pouvoir retranscrire toute l’immensité des détails ainsi que la richesse du film et de la BO en matière de construction, de registres, de thèmes et de synchronisation film-musique. Bon ... du coup, j’ai pris le Labyrinthe, et je me suis dis qu'avec ça, je serais tranquille.


Pour résumer brièvement le film, disons qu’on ne peut envisager de le regarder sans dommage cérébral qu’en faisant autre chose de plus intéressant en même temps, ou alors avec de la drogue en intraveineuse ; sinon, pour peu que vous le regardiez dans des conditions normales, vous serez constamment agressés par les incohérences toutes plus tarées les unes que les autres qui constituent l’essence même du film.


Tout ça pour dire que John Paesano n’était aidé ni par les images ni par le scénario pour composer quelque chose d'excellent ... et la Bo est une bonne surprise, car au moins, il a fait de son mieux !


L’orchestration est hybride, ce qui est pertinent, étant donné qu’il s’agit d’un monde futuriste dans lequel les blockeurs adopte un mode de vie assez primitif : leur camp semble « naturel », mais le labyrinthe qui l’entoure ainsi que les phénomènes qui s’y déroulent sont artificiels, comme les griffeurs (ou les méca-merdes, tout dépend si vous avez lu l’excellent Odieux Connard qui en parle ^^). Au moins, le mélange entre sonorités orchestrales et électroniques est bien réalisé et convaincant, ce qui n’est pas le cas de toutes les productions actuelles. Donc, d’un point de vue purement sonore, c’est très satisfaisant.


En effet, le timbre caractéristique des instruments est bien préservé et reconnaissable : l’utilisation des bois est bienvenue, et les cuivres, même si on lorgne parfois vers les vuvuzelas de Zimmer dont l’influence est évidente (et qui sont pertinents dans un cadre comme Inception), savent rester suffisamment neutres pour ne pas y faire écho de manière trop évidente. Au niveau des cordes (qui sont d’ailleurs toujours mono-rythmiques pour une raison qui m’échappe), elles agissent en léger soutien lors d’une musique d’ambiance, ou en ostinato dynamique à la Jason Bourne/Alexandre Desplat pour une musique d’action («Into The Maze » représente exactement ça). A noter aussi une guitare fort sympathique (mais un peu hors sujet) dans « What Is This Place ? », absolument inaudible dans le film. Bon.


Les fondus sonores à la Ra’s Al Ghul, ainsi que les sonorités torturées et irrégulières à l’intérieur du labyrinthe procurent une ambiance assez mystérieuse et énigmatique (« Section 7 »). Elles sont relativement bien intégrées sans pour autant être extraordinaires (note aigüe maintenue au violon, quasi-ultrasons grinçants à la vue des griffeurs, des espèces de ... bruits de cape de Batman qu’on entend au début de «Griever », ...). A relever cette flûte lointaine et grave, traînante de type africain/oriental, qui procure une jolie profondeur et un sentiment d’isolement, ce qui est une prise d’initiative intéressante ... par opposition au reste.


En effet, les percussions ne seront en revanche jamais surprenantes, et rentrent pleinement dans le moule des blockbusters modernes : les ostinatos sont simplistes, et leurs sonorités sont très conventionnelles (vous les avez déjà entendus 15 000 fois, ces boum-boum), illustrant au mieux l’un des problèmes de la Bo.


Les procédés utilisés sont nombreux, bien placés, mais assez courants, en fin de compte : gamme chromatique pour donner ce côté flippant au labyrinthe, longues notes épiques aux trombones/cors, crescendo dramatique (bannissement de Ben avec sonorités métalliques, là aussi jolies mais connues), trilles (alternance très rapide entre deux notes très proches, qui procure un effet d’instabilité et d’insécurité lorsque les cordes l’exécutent), ... Les effets orchestraux réussis mais assez classiques s’enchaînent selon l’ordre établi par le film, ce qui ne donne pas une ligne de conduite très cohérente à la musique, puisqu’elle s’adapte à son sujet. C’est normal, mais donne par conséquent une sensation d’inachevé à des morceaux qui ne sont construits visiblement que sur du court terme, alors qu’on sent un certain potentiel : on ne ressent pas vraiment une âme, un caractère propre à l’ensemble comme les meilleures Bo arrivent à le faire (ça pourrait être la Bo d'Hunger Games, de Divergente, ...), mais au mieux une simple convenance.


Il n’y a qu’à voir le gros cliffhanger putassier valorisé par « Finale » qui fait en tout point penser à celle d’une bande annonce (et qui n’est pas la seule) : percussions à l’ostinato régulier, violons dynamiques à l’ostinato régulier, cuivres et voix mono-rythmiques, ... et très important, l'interruption brusque type "Vous êtes sympas, revenez pour le 2, alleeeez !"


Ah oui, par contre, j’ai le regret de vous annoncer que John Paesono est atteint de la pianite aigüe, et qu’on y a droit à intervalles réguliers à chaque fois qu’un évènement majeur survient dans la vie de Thomas (quand il se souvient de son prénom, quand il réfléchit, etc ...). C’est triste, un de plus.


Seul « Maze Rearrange » (et dans l’absolu « Final Fight ») instaure un dynamisme assez plaisant et une fluidité dans l’enchaînement des arguments, ce qui en fait la meilleure musique d’action de cette Bo : quand vous écoutez une musique d’action de John Williams (prenez « Desert Chase », tiens), vous avez toujours l’impression que les cuivres (ou les cordes, mais ce sont généralement les cuivres) racontent une histoire, et que même si les arguments s’enchaînent très vite et qu’un nouvel élément s’ajoute, chaque phrase n’est que la conséquence logique de la précédente (instauration d’une tension par la répétition d’une note, ou par une mise en suspens, ou par un motif inachevé, ...). Ici, on retrouve bien cette sensation, et on sent enfin que les trompettes ont quelque chose à dire, et que l’orchestre interagit avec elles et soutient ses paroles. C’est déjà moins vrai pour « Into The Maze » ou « Ben’s Not Right », qui tiennent vraiment du point de synchro. La dernière comprend une séquence de percussions assez convenue lorsque les deux se mettent à cavaler dans les bois : prenez une séquence de percussions de John Williams (oui, encore ^^) dans « Zam the Assassin and the Chase Through Coruscant », et voyez ce qu’il fait, juste rythmiquement. Oui, c’est déjà pas pareil.


Son équivalent en musique d’ambiance est « Waiting In The Rain », avec une très jolie utilisation des bois accompagnée aux cordes (enlever le piano merdique et c’est tout bon), ainsi que de ces cordes frottées pétillantes à mi-chemin entre le clavecin et la guitare (ça doit bien avoir un nom, mais je connais pas, même si c’est plutôt courant).


Au niveau thématique, pas grand-chose à dire ... perso, j’en ai repéré deux : celui de WCKD, qui est une espèce de montée de 6 notes reprises en boucle (un ostinato, quoi) qu’on peut entendre dans « WCKD Lab », ou « What Is This Place », et celui du Labyrinthe en général, qu’on peut entendre à la fois dans le thème principal « The Maze Runner » et dans « Final Fight ». C’est clair que mélodiquement, il n’y a rien de bien mémorable, alors que, curieusement, le film s’y serait bien prêté : thème de Thomas, de Gally, de Minho, ... enfin, si leur charisme d’endive leur aurait permis d’en supporter un, hein, bien sûr.


D'ailleurs au niveau du film en lui-même, la musique n'est absolument pas valorisée au point qu'elle mérite : seuls les élans "épiques" et clichés sont bien marqués (entrée de Thomas dans le labyrinthe, courses poursuites, cliffhanger, ...), mais délaisse complètement les musiques d'ambiance (elles sont très franchement à peine audible, et je les ai vérifiées une par une), ce qui aurait pu aider le film au moins sur un point. En l'utilisant (là aussi de manière archi conventionnelle), il était difficile de se douter que la Bo valait plus que ça à la seule vision du film !


Au final, c’est loin d’être mauvais, et c’est même pas mal du tout, puisque tous les ingrédients sont réunis pour donner une Bo digne de ce nom. On joue néanmoins en terrain connu, tant les procédés utilisés sont courants et ont déjà été exploités de nombreuses fois par les plus grands, dont les influences sont évidentes (John Williams, Hans Zimmer, John Powell, ...). L’interprétation globale du film reste plutôt conventionnelle et linéaire, néanmoins elle ne se limite pas à ça, et là est la bonne surprise : de nombreuses qualités sont belles et bien présentes et permet donc l’espoir concernant John Paesano et le Labyrinthe 2 : il s’est clairement impliqué et appliqué en livrant une œuvre assez riche instrumentalement, montrant une structure solide par moments (bien que classiques, les ostinatos aux cordes fonctionnent bien et varient fréquemment), avec une enveloppe à dominante orchestrale qui parvient à se démarquer des Bo récentes type Resident Evil (oulà, oulà, non, rien que d’y penser, je commence à avoir la gerbe). Plus approfondie au niveau des thèmes et mieux construite dans ses musiques d’actions, la Bo du 2 pourrait nous offrir cette fois non plus quelque chose de sympathique, mais d’excellent. Rendez-vous donc en septembre ! Si le film est aussi irregardable que celui-là, on pourra toujours l’écouter ^^

Soundtrax
6
Écrit par

Créée

le 14 mars 2015

Critique lue 415 fois

7 j'aime

Soundtrax

Écrit par

Critique lue 415 fois

7

Du même critique