Ministry, chapitre 4 : "The mind is a terrible thing to taste"

L'album précédent fût une vraie révélation pour Ministry sur le plan musical : le groupe venait de donner naissance à un nouveau genre en combinant la froideur des machines avec le tranchant des guitares... C'est néanmoins sur cet album fameux : "The mind is a terrible thing to taste" que le groupe s'impose comme un groupe à suivre et que la formule musicale du groupe s'affine et se précise un peu plus! Dès les premières secondes du disque l'impeccable "Thieves" donne le ton : rageur, tapageur, et savamment orchestré, le morceau alterne samples issus de films de guerre, riffs distordus et pêchus se répétant inlassablement, et accélérations frénétiques où la guitare semble s'éclipser derrière les machines. Le morceau est dur, particulièrement violent...la voix de Al Jourgensen est désormais un hurlement rageur et constant qui assène des paroles cyniques et politiquement engagées sur le thème de la guerre et de ceux qui en profitent tout en étant responsables de cette dernière. Plus que jamais Ministry se montre donc engagé et radicalise son son : si l'album n'est pas ce que le groupe a fait de plus violent (de bout en bout) il enfonce davantage le clou sur la voie du metal...les guitares sont tranchantes et les machines semblent avoir totalement fusionnées avec celles-ci à tel point qu'identifier les deux séparément semble difficile tant l'alchimie est réussie ici (sur "Thieves" essentiellement).


Autre claque du disque et grand classique Ministérien : "Burning inside" interviendra en second pour terrasser l'auditeur de façon définitive...ce morceau au chant particulièrement rageur et strident et au riff de guitare ultra percutant et hypnotique est une tuerie! Jamais Ministry n'était encore allé aussi loin dans la violence...ce morceau donne chaud de par sa mise en tension permanente entre le riff de guitare tranchant comme l'acier et un Al Jourgensen prêt à exploser sur les refrains scandant de façon frénétique "BURNING INSIDE...BURNING INSIDE!!!". La trilogie des premiers missiles du disque se clôt avec l'excellent "Never believe" grand moment de heavy metal frénétique et hypnotique mâtiné de punk...via un chant totalement perché et une gouaille que les Sex Pistols auraient sans doute approuvé! C'est toujours le même riff...toujours le même rythme...et pourtant qu'est-ce que c'est efficace et addictif...il s'en dégage une ambiance chaotique et sidérante! Là encore la répétition du titre du morceau à la façon d'un hymne vers la fin a quelque chose de troublant...comme si le groupe revendiquait avec fierté une forme de nihilisme...ça fait froid dans le dos en tout cas!


Bien que l'album soit essentiellement "metallique" et soit plus violent encore que le précédent il ne met pas de côté l'indus de façon définitive ni les origines du groupes : "Cannibal song" qui prend le relais ensuite donne plus dans une forme de cold wave glauque et malsaine. Le chant est totalement décalé et l'ambiance semble totalement verser dans la folie furieuse la plus sombre possible...l'accompagnement a beau être minimaliste et reposer essentiellement sur des notes de basse répétitives et lourdes il n'en demeure pas moins très prenant! "Breathe" et "So what" donneront à nouveau dans la rage metallique : le premier en mettant l'accent sur un riff de guitare ultra accrocheur et une forme de précision chirurgicale créant un groove totalement hypnotique, le second mettant l'accent sur les alternances couplets atmosphériques/refrains rageurs. "So what" est un petit peu long à mon goût mais il faut reconnaître que c'est encore à une forme de metal intelligent que l'on a à faire là avec un temps pour hurler et un temps pour faire monter la tension jusqu'à l'explosion...pas au même niveau que "Thieves" ou "Burning inside" à ce niveau-là mais du grand art tout de même!


Les tendances industrielles du groupe s'exprimeront à nouveau sur plusieurs morceaux concluant l'album : "Test" où le groupe a l'audace de combiner les machines et l'indus avec.....du rap! Oui Ministry a non seulement créé le metal industriel mais a aussi créé le "rap-metal" (inédit jusqu'à présent) le temps d'un morceau! Bon après...aussi culotté et louable que soit l'expérimentation en question on ne peut pas dire que ça soit un sommet du disque...l'ensemble demeure même assez lourd pour ainsi dire mais pas inintéressant! Les deux morceaux achevant l'ensemble sont de la pure musique industrielle et atmosphérique : "Faith collapsing" avec ses boucles de synthé, ses machines, et ses samples nous fait traverser une forêt amazonienne un peu obscure tandis que "Dream song" magnifique moment de grâce nous plonge dans une atmosphère insalubre avec ses vocalises féminines habitées et ses échos de machines lointaines... Tel un cauchemar glauque "Dream song" achève le disque d'une bien belle manière...l'auditeur devant ensuite se réveiller et revenir à la triste réalité dont ce disque a su l'extirper le temps de 50 bonnes minutes environ!


Ministry venait de réaliser là un album essentiel...un joyaux dans sa (riche) discographie qui malgré les années ne semble nullement altéré par le temps. "The mind is a terrible thing to taste" est donc un terrible album à écouter absolument pour ceux appréciant le metal et/ou l'indus...quelques petites longueurs passagères et la comparaison inévitable avec son mythique successeur lui empêchent d'atteindre la perfection qu'il frôle tout de même dangereusement!

Venomesque
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le 14 avr. 2018

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