The Slow Rush est un ratage plein d'intérêt
Ce que je vais essayer d'expliquer ici est très simple, mais peut être un peu malaisé à imager, à métaphoriser, à rendre simple. Face à cet album, au moins deux sentiments très différents floutent ma vision et m'empêchent de lui trouver une cohérence.
Je dirais que celui-ci est fait de trois pôles: les réussites immédiates, comme des exquises sucreries à l'oreille (On track). Là, il y a une sorte de mélancolie heureuse taillée dans une pierre solide, je parle de la forme; la production est chaude et détaillée et colle parfaitement à l'imaginaire du morceau. Un paysage mental, un lyrisme un peu pop, pas ultra expérimentant mais immédiatement séduisant.
Je retrouve ici par ailleurs une certaine continuité avec d'autres tubes de l'australien, dont "Let it happen", "Eventually", etc.
Le deuxième pôle serait celui de l'ennui radical, dont un des single, "Lost in yesterday" me semble, tant il est répétitif et peu accrocheur mélodiquement, symptomatique. C'est tout le drame de ce début d'album, avec "One more year", "Instant Destiny" et les idées saugrenues qui accompagnent certains morceaux, comme ce sampling hasardeux à la fin de "Tomorrow's Dust", qui reprend un des titres de l'album avec une sorte d'intermède dialogué incompréhensible et abscons.
Je me suis dit que je n'aimais pas ces chansons par goût, mais je crois aussi que l'idée selon laquelle le goût serait une affaire individuelle est une aberration esthétique et un échec du raisonnement. En fait, ces tracks sont finement produites, pleines d'enseignement pour qui veut apprendre à masteriser, mais elles pêchent par leur excès de simplicité mélodique, leur manque de fougue dans la narration musicale. Au sein de "Tomorrow's Dust" il y avait tout pour que je kiffe, il y avait cette recherche instrumentale, ces effets à gogo, ces rappels à un passé musical riche et que j'adore personnellement (le "psyché", le "progressif"). Mais il manquait à toute cette certes belle et vaste construction une âme, un sentiment provoqué tel que: "ouais, j'ai pas écouté ça encore", ou au moins, "j'ai jamais écouté ce sentiment de cette façon". Oui, il est tard, et je me permets quelques petits délires, comme les sentiments deviennent désormais écoutables.
Le troisième pôle de cet album va être vite dépeint. Il y a pour moi trois chansons qui sortent vraiment du lot. "On track", malgré son côté peu profond finalement, mais je dirais qu'elle appartient aussi au premier qu'à celui-ci. "Posthumous Forgiveness", et "One more Hour".
Pourquoi: d'abord à cause de leur construction . Elle est progressiste, un petit peu comme celle des albums de rock du début des années 70. Elle s'égare, elle va à saut et à gambade. Donc elle donne possiblement mille capacité de compréhension et d'expérimentations à un auditeur rendu complice du rockeur. C'est l'idée basique de l'interaction entre fan et artiste.
Ceci posé je crois aussi que l'album connaît deux véritables moments de grâce. C'est à dire des moments de lyrisme intenses, des moments absolument immanquables pour toute oreille curieuse. Il s'agit des fins de morceau de "Posthumous Foriveness" et de la fin du morceau final, "One more hour".
Ici, je pense qu'on touche à un truc pour une fois, innovant. Je ne l'ai jamais entendu ailleurs je suppose. Pourtant, ces instants éveillent en moi une nostalgie impérieuse. Où ai-je déjà entendu cette voix angélique, ce tempo suspendu, comme si la musique se muait en nuage que le musicien nous inviterait à traverser? J'ai perçu ici de la grâce. Je considère ces instants comme ceux que Parker aurait pu étirer, parce qu'au sein de "The Slow Rush", ils sont des trous noirs au centre d'une galaxie certes brillante et constellée, mais malheureusement trop peu habitée.
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