The Weirding
7.8
The Weirding

Album de Astra (2009)

A l’inverse d’un Christophe Maé au meilleur de sa forme (Comment ?! Il n’a pas eu le NRJ Music Awards ?!), le tout frais Astra n’est pas un groupe dont la musique s’apprivoise en une demi-heure d’écoute. L’alchimie à très forte sensibilité prog et psyché n’a plus attiré les foules depuis le milieu des années 70 ; cependant, en 2001 s'est créé en californie un quintet au nom des plus évocateurs de la musique adulée par les 5 membres (Astra… Quoi de plus cosmique?). En 2006, un remaniement de personnel entraîne le départ de leur premier batteur Iain Sclater pour le plus grand bonheur de David Hurley, qui prend sa place tout en ajoutant sa science de la flûte au groupe, déjà composé de deux guitaristes/chanteurs/claviéristes, d'un spécialiste du moog et d'un bassiste. Leur premier effort, nommé The Weirding, est produit par le label Rise Above Records, aussi en charge de nombreux groupes doom ou stoner : Witchcraft, Electric Wizard, Grand Magus, Orange Goblin…
Un rapide coup d'œil à la pochette, très inspirée des créations de Roger Dean avec Yes, peut provoquer des a prioris préjudiciables à l'oeuvre : d’aucuns se diront qu’ils ont ici affaire à un énième groupe de prog nostalgique sans valeur et sans saveur tandis que d’autres tenteront (à raison) de voir plus loin et se lanceront dans son écoute.

Bien malheureusement, le premier titre est le plus faible et le moins consistant de l’album : il s'agit d'une sorte d’ouverture sans mélodie ni thème frappant l’auditeur. Il est vivement conseillé de sauter cette piste inutile pour atterrir enfin sur la planète Astra, à mi-chemin entre Pink Floyd, Yes et Genesis (période Gabriel). Il y a tout sur cette suite éponyme : dissonances qu’un Robert Fripp des années 70 ne saurait rejeter, soli guitaristiques orgasmiques, chant à l’identité prononcée, néanmoins très emprunté au Pink Floyd de l’ère Syd Barrett, sans oublier le modernisme du chanteur, très perceptible, nonobstant l’envie primordiale des musiciens de présenter une oeuvre à hommages. La grande force de ce groupe est sa capacité à créer des thèmes hypnotiques provoquant chez le cobaye l’envie de fermer les volets, d’allumer une bougie et de s’allonger en s’abandonnant au voyage cosmique qui lui est proposé. L’autre sommet du disque est sans conteste l’épique “Ouroboros”, et ses immenses 17 minutes au cours desquelles guitare et claviers jouent avec les émotions par des variations de rapidité, d’intensité, de mélodie... Atmosphérique, spatial, il provoque l’imagination à la manière d’ “Echoes ” du Floyd. “Avec 40 ans de retard et l’histoire en moins” rétorqueront les plus récalcitrants, mais qu’importe… Quel bonheur de retrouver tant de maîtrise progressive de nos jours !

L’agencement général et l’organisation des morceaux sont parfaits si l’on excepte la chanson introductive : chaque titre est à sa place, dans une continuité logique d’alternance entre puissance et douceur. Par exemple le final “Beyond To Slight The Maze”, qu’il est difficile d’imaginer à un autre emplacement tant en raison de son côté tragique que pour sa dimension d’ultime hommage au monde du prog : l’arpège final de l’orgue, seul, tourne en boucle en étant rattrapé peu à peu par batterie, mellotron, pour une montée en puissance jouissive qui rappelle évidemment Yes et son “Wurm”, conclusion de la chanson “Starship Trooper”.

L’aspect hommage des créations n’est pas gênant puisque totalement magnifié par une production analogique que l’on croirait sortie du début des années 70. Très inspiré, The Weirding en devient inspirant. A travers son premier album, Astra entraîne l’auditeur dans un paradis sombre que Steve Howe, Robert Fripp et Steve Hackett adoreraient arpenter. Seront satisfaits le néophyte du prog, qui y trouvera une synthèse très accrocheuse du genre (sans l’aspect pompeux), mais aussi l’érudit rock, pour les nombreuses références qu’il prendra plaisir à retrouver à travers un groupe très prometteur.
BenoitBayl
8
Écrit par

Créée

le 9 déc. 2013

Critique lue 121 fois

2 j'aime

Benoit Baylé

Écrit par

Critique lue 121 fois

2

Du même critique

First Utterance
BenoitBayl
9

Critique de First Utterance par Benoit Baylé

Souvent de pair, les amateurs de rock progressif et de mythologie connaissent bien Comus. A ne pas confondre avec son père, Dionysos, divinité des intoxications liquides et autres joies éphémères, ou...

le 9 déc. 2013

23 j'aime

Alice in Chains
BenoitBayl
9

Critique de Alice in Chains par Benoit Baylé

La révélation mélancolique Il y a maintenant 5 ans, alors que ma vie se partageait entre une stérile végétation quotidienne et une passion tout aussi inutile pour le basket-ball, je découvris la...

le 9 déc. 2013

22 j'aime

2

Kobaïa
BenoitBayl
8

Critique de Kobaïa par Benoit Baylé

A l'heure où la sphère journalistique spécialisée pleure la disparition pourtant prévisible de Noir Désir, espère la reformation du messie saugrenu Téléphone et déifie les nubiles BB Brunes, les...

le 5 déc. 2013

15 j'aime

1