Chasing the factory girls underneath the boardwalk where they promise to unsnap their jeans

Je m'en souviendrai toute ma vie.
J'étais jeune, pas encore formé aussi bien sur le plan musculaire que musical (des voix calomnieuses vous diront que vraiment pas grand chose n'a bougé, d'un côté comme de l'autre), c'était l'été, il faisait chaud, très chaud, je sortais de ma première année à la fac', j'avais bien rigolé mais les beaux jours m'avaient naïvement ramené chez mes parents. Et bordel, je me faisais chier.

Alors j'essayais de profiter de ce chômage technique forcé pour avancer dans la vie, un peu ; la fin d'après-midi venue, quand ma chambre orientée plein ouest commençait à afficher un encore timide mais déjà étouffant équivalent de 30-35°, je m'armais de ma clef usb et j'allais pomper sec dans ma chambre. Oui, j'allais pomper. Toutes sortes de choses.

Et la coïncidence veut qu'à cette époque, je venais de découvrir allmusic.com. Mais si, ce site américain qui se veut comme la Bible vivante de la musique (ok, vous aviez trouvé dès le blaz' du truc annoncé) ; pire, comme tous les nouveaux convertis, j'étais de la pire engeance, je plaçais l'onglet sur un autel tout au sommet de mes marque-pages et ne ratais aucune apparition de leur feature quotidienne : Album of the day (ou un truc comme ça ; de là à dire que Canal a pompé son Match of ze day, vous voyez la distance...).
Album of the day c'est quoi ? C'est un nouvel album mis en spotlight sur la page d'accueil tous les jours, un album que AM surkiffe généralement et juge quintessentiel d'un artiste. Et moi je les téléchargeais ; invariablement ; ce qui explique que le shuffle de mon iTunes est encore aujourd'hui un sacré Bagdad.

Et donc, la sueur au front, les biceps presque saillants, je pompais comme un vulgaire Shadok, je pompais tous les jours musicalement. J'ai peut-être découvert des trucs vraiment sympas ; ou pas. Honnêtement j'ai oublié et je m'en fous parce qu'un jour, ça devait être début août, j'ai surtout découvert Bruce Springsteen.
Pas très physionomiste, la pochette du Wild en page d'accueil, j'ai d'abord cru que c'était Colin Farrell pas rasé qui trônait dessus ; imaginez ma grosse hésitation à cliquer.
Mais j'étais endoctriné ; rien, rien ne pouvait me détourner de ma mission.
Bruce Springsteen ; tiens mais c'est le mec qui a fait Streets of Philadelphia ; elle est belle cette chanson.
The Wild, The... Oh et puis merde. Un titre à la con quoi. J'étais intrigué.
Blabla strains of jazz, among other styles, on its ambitious follow-up ; bleh bleh flawless piece of music ; The truth is, The Wild, the Innocent & the E Street Shuffle is one of the greatest albums in the history of rock & roll ? Vrai ?Merde si ils le disent ça peut pas être faux. Pas complètement en tout cas.

Alors clic clac, je transfère, je re-transfère, je contemple Colin Farrell de plus près sur mon écran, la ressemblance est toujours frappante, je lance 4th of July (commencer par la track 1 ? Bah pourquoi faire :) ) et je me prépare mentalement à au moins 25 secondes d'un effort intense.

C'est là que ma vie change et ma critique devient intéressante ; enfin ; un tout petit peu moins reloue plutôt.
Parce que, au jour du disons 5 aout 2011, c'est la plus belle chose que j'ai jamais entendu. Et que tout ce qui suit est du même acabit, et que je verse peut-être même une petite larmiche sur Incident on the 57th street.
Et que je joue ce cd en boucle jour après jour, rien à balancer que ce vieux rip mp3 crache plus que Fabien Barthez sur un arbitre marocain, rien à taper que j'aie un peu de mal à passer le stade des 20 pompes ça doit être un peu inquiétant non mais quand même.
Bref, je me finis tout l'été sur Colin Farrell (c'est toujours lui), la rentrée arrive, a change is coming, je sombre dans une bonne partie de la disco springstinienne, Colin devient Bruce, Bruce devient The Boss, redevient Bruce, passe par une petite phase Brucy et est finalement baptisé mon Grand Dieu. Mais c'est une autre histoire.

On n'en est ici qu'à un chapitre, le 2e en temps universel, le 1er dans ma tête.
J'ai d'abord longtemps vu débuter l'album par 4th of July, littéralement, puis figurativement, puis plus du tout.
Mais quoi de plus logique que de naître fan de Bruce un 4 juillet ? Le rêve américain c'est toute sa vie, c'est la mienne un peu aussi mais plus en fantasme qu'autre chose ; cette histoire de jetée elle m'a toujours soufflée, avant même que Scorsese et Steve Buscemi mettent des images anachroniques dessus. C'est peut-être un de ses tous meilleurs textes.

And you know that tilt-a-whirl down on the south beach drag
I got on it last night and my shirt got caught
And they kept me spinnin'
I didn't think I'd ever get off

C'est ça ; c'est moi dans ta musique mon grand. And I don't want ever get off.
Incident, c'est un piano fantastique, des relents de West Side Story sublimés ; Rosalita c'est l'explosion finale, la lumière blanche qui fait tout exploser dans ta tête ; l'E Street Shuffle, laisse toi porter et comprendras, de toute façon Little Angel says, "Oh, oh, everybody form a line" alors fais ce qu'on te dit bordel ; Kitty's Back, génial, fou, Wild Billy's Circus et ton tuba flatulent, ton chapiteau tente à l'épique, ton prochain arrêt au Nebraska ; et cette sérénade...
http://www.youtube.com/watch?v=8EooiBaW1BA

Elle joue actuellement d'ailleurs ; watch out for your junk mate ; ça ne veut rien dire, c'est pas dans le contexte, et pourtant c'est la vérité. C'est ma Vérité. The Wild c'est la Génése ; c'est le paradigme de tout ce que je ressens depuis que j'ai des poils au menton.
Colin, I love you so much I'm going to take you behind the middle school and get you pregnant.

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le 22 janv. 2014

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Lucas Stagnette

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