"I'm the biggest hypocrite of 2015"


C’est dans la surprise la plus totale que Kendrick Lamar, vient de sortir une semaine en avance, son nouveau cru « To Pimp A Butterfly » (inspiré de To Kill A Mockingbird). Trois longues années, l’attente fut on ne peut plus longue. Après la sortie de Good Kid M.A.A.D City en 2012, Kendrick s’était vite retrouvé sous les projecteurs du succès, par ailleurs totalement justifié par le tour de force que fut cet album. Cependant la véritable question est, « Peut-il concurrencer son aîné » ?
« i » & « The Blacker The Berry » furent les deux premiers singles, l’un était radio-friendly, mais pas mauvais pour autant et l’autre était… assez unique, une chanson pro-black ? De la pure hypocrisie ? Une critique de la communauté afro-américaine ? Ou les trois en même temps ? En tout cas, on était en droit de se demander si l’album serait du même acabit, puis la fuite de « King Kunta »…
Et bien, le voilà, le K dot, avec sa pochette où est présentée son "crew" ; des hommes et des bébés avec des bouteilles et de l’argent, un juge mort et la Maison Blanche en arrière plan. To Pimp à Butterfly est l’anthologie de la musique noire, véritable B.O d'un film de Blaxpotation. Kendrick pendant tout au long de ces années d’enregistrement s’est énormément inspiré de la musique des années 70. Au point, où l’on dirait que cet album est tombé dans un portail spatio-temporel et que Kendrick là trouvé là par hasard. Du Funk, de la Soul, du Spoken-Word, de l’activisme, une pointe de Gangsta-Rap et du Free Jazz ! Et tout un tas de bonnes choses. Cela fait un bien fou d’entendre à nouveau un rappeur sur du jazz, depuis A Tribe Called Quest, De La Soul. On pourrait le comparer à un ersatz « What’s Going On », bien qu'il soit du même gabarit. En tout cas, la production est pleinement maîtrisée, du niveau de GKMC. À aucun moment, je n’ai cru reconnaître (il ne faut pas se voilé la face, il y en a comme dans tout album de rap qui se respecte) l'ensemble donne l'impression qu'il fut enregistré avec un groupe, cela semble si vivant, l'inverse même du rap à boîte à rythme achetée à la supérette du coin. Que ce soit du live funky « i » (qui pour le coup n’a absolument rien à voir avec le single radio-friendly), « King Kunta », « Wesley’s Theory », on est vraiment à la limite du Funkadelic, solo de guitare inclus avec George Clinton qui se tape l’incruste sur l’intro. De même pour Dr.Dre et Snoop Dogg. On dirait du Miles Davis années 70, dans le genre On the Corner…
C’est bien beau tout ça , mais comment sont les « lyrics » me diriez-vous. Pour tout dire, Kendrick joue le rôle le fils caché de Tupac (bien que, à titre personnel, je ne sois pas un fan de Tupac), lui rendant hommage dans le final « Mortal Man » où les huit dernières minutes de la chanson est une longue interview fictive entre Tupac et lui, en utilisant des extraits d’interview. Mais par momentGil Scott-Heron (ça, ça me touche un peu plus), notamment avec son poème spoken-word. Tout le long de l’album, on peut entendre Kendrick réciter un poème strophe par strope, mais jamais en entier grandissant de plus en plus jusqu’à la fin de l’album. On peut résumer les thèmes de l’album à ceci : « La communauté noire et la Religion ». Kendrick invite tous les afros-américains d’Amérique à faire la paix et s’unir. Il parle de son profond respect pour la communauté afro-américaine dans « Complexion » tout comme il la critique dans « The Blacker The Berry ». Un véritable Martin Luther Kendrick ! De plus Il se frotte à la justice, à Compton et autres quartiers malfamés mais aussi à la politique ! Le deuxième sujet est la religion, synonyme de paix parmi ses frères, peut-être de façon plus universel que ne l’ai le respect des droits des afro-américains. Plusieurs fois, il est fait mention d’une Lucy (ne cherchez pas chez John Lennon mais plutôt chez Luci-fer) qui le pousse à vivre une vie égocentrique, matérialiste, dénuée de sens, signant des contrats à la façon de Faust ou de Robert Johnson ; Dans « How Much A Dollar Cost », Kendrick raconte l’ignorance qu’il porte face aux démunis, qu’il considère comme des junkies et des ratés, avant de se rendre compte de son ignorance suite à l’apparition de Jésus sous la forme d’un clochard. Il s’agît d’une des chansons poignantes de l’album tant elle fait écho à la vie quotidienne, l’ignorance que nous portons volontairement sur les plus démunis « and I’ll tell you just how much a dollar cost the price of having a spot in Heaven, embrace your loss ». Il semble aussi qu’il ai noué des liens avec l’Afrique et sa culture notamment en Éthiopie. Les Zulus, un sous-thème que l’on retrouve dans "Complexion", "The Blacker The Berry" et "i". L’ambiance de ses chansons est très particulière, « i » entraînante s’oppose à « u » mélancolique. Deux chansons sont sous-titrées Interlude, mais elles ne sont pas du remplissage.
Si dans GKMC, Kendrick présentait la vie typique d’un enfant de Compton. Ici, Kendrick se présente en tant qu'activiste tantôt Malcolm X, tantôt pasteur voire même enfant de l’Afrique. Il s’agît de son deuxième album concept (si celui d’avant en était un), qui pour le coup m’a tout suite intéressé, par contre cela n'ai que mon humble opinion et ne touche que mon intérêt pour la musique noire des années 70, Miles Davis, Motown, Funk… Cela fait vraiment plaisir de voir un artiste sortir un album du même niveau que ceux de ces années là.
Cet album va divisé les fans du Kendrick West Coast Gangsta Rapper de ses premiers albums et les fans de sa nouvelle direction, expérimentant tel un Dr.Funkenstein engagé, au moment où la plupart des rappeurs se tournent vers de la musique plus accessible et commerciale.
Je pense qu’un 9/10 est une note appropriée. La musique est excellente, de même pour les paroles où un travail d'écriture a été réellement effectué, le concept fut dévellopé au delà de mes espérances. Merci Kendrick pour avoir fait une suite qui tienne la route, pour rendre ainsi hommage aux seventies, et de son message qui, avec les récents faits-divers américains, démontre que la contestation existent toujours après autant d'années.

Ajout (du 18/03/2015): Après de nombreuses réécoutes. Je trouve que l'album mérite en effet un 10, ce n'est pas parce qu'il s'agît du meilleur album de tous les temps ou peut-être celui de cette décennie, mais Kendrick s'est tellement surpassé alors même que ses deux derniers albums était tout bonnement incroyables, surtout Good Kid, M.A.A.D City qui est devenu un classique instantané. To Pimp A Butterfly possède ,certes des chansons qui ne sont pas très mémorable, mais dans son ensemble cet album présente un foisonnment d'idées, développées sous tant d'angles différent qu'on ne peut pas passer à côté de ce Kendrick.


  Et que l’esprit du Funk soit avec vous, Amen !

Mortal Man:
“The caterpillar is a prisoner to the streets that conceived it
Its only job is to eat or consume everything around it, in order to protect itself from this mad city
While consuming its environment the caterpillar begins to notice ways to survive
One thing it noticed is how much the world shuns him, but praises the butterfly
The butterfly represents the talent, the thoughtfulness, and the beauty within the caterpillar
But having a harsh outlook on life the caterpillar sees the butterfly as weak and figures out a way to pimp it to his own benefits
Already surrounded by this mad city the caterpillar goes to work on the cocoon which institutionalizes him
He can no longer see past his own thoughts
He’s trapped
When trapped inside these walls certain ideas start to take roots, such as going home, and bringing back new concepts to this mad city
The result?
Wings begin to emerge, breaking the cycle of feeling stagnant
Finally free, the butterfly sheds light on situations that the caterpillar never considered, ending the eternal struggle
Although the butterfly and caterpillar are completely different, they are one and the same."

Bihir
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le 16 mars 2015

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