En 2005, Arctic Monkeys remplissait l'Olympia de Paris, avant même d'avoir sorti leur premier album. Merci à leur communauté MySpace. Sur Youtube, vous pouvez trouver un de leur live à Liverpool, dans un minuscule club, ou le public, jeune, est déjà déchainé et scande leurs hymnes diffusés par Internet.
"Whatever People Say I Am, That's What I'm Not", premier opus de la saga Arctic Monkeys, sort en 2006, et défonce a peu près tout les records. Alex Turner et ses gars proposent un rock garage, électrique, rapide mais pas violent, très fortement influencé par la vague des années 2000 Libertines, Strokes, Black Keys ... Le son furieux du groupe, porté par les riffs énervés de Turner et Cook, les lignes de basses groovy de Nicholson (vite remplacé par O'Malley), et les roulements de batteries frénétiques de Helders, héritier moderne de Keith Moon, devient immédiatement reconnaissable. La diction rapide de Turner, couplée à son incompréhensible accent, devient leur marque de fabrique.


En 2007, après avoir à peine balancé leur deuxième volet, "Favourite Worst Nightmare" -la même sauce avec un peu plus de chorus sur les guitares-, les Monkeys sont en tête d'affiche de Glastonbury, terre sainte des groupes anglais. En comparaison, Kasabian, l'autre groupe en pleine hype du moment outre-manche, qui sortait son premier album en 2004, y a joué 4 fois avant d'y être tête d'affiche, c'est dire.
Arctic Monkeys sont les nouveaux kings du game.


"Hambug" et " Suck It And See", viennent renforcer leur rayonnement sur l'Europe. Les succès s'enchainent. Des sons plus rétros sur Hambug, plus stoner sur Suck It And See, mais la marque musicale du groupe reste bien présente.
Personnellement, j'ai vu le groupe sur scène pour leur gig à Rock en Seine 2011, en tournée pour Suck It And See. On y a découvert un groupe qui, à peine 5 ans après leur premier album, n'a plus rien à prouver, et délivre un show à la fois digne d'un stade et underground en même temps, terriblement Rock'N'Roll; c'est clairement la meilleure époque du groupe pour moi (y compris au niveau de leur look). -Le concert est dispo sur Youtube, pour les intéressés-


Pourtant, il semble que les Monkeys veuillent aller plus loin. Il leur manque un point pour contrôler l'entièreté de la planète rock; un point qui a échappé à un certain nombre de groupes britishs: les Etats Unis; qui résistent encore et toujours à l'envahisseur. Le public US est difficile, il en faut pour le conquérir.
Alors, en 2013, Alex Turner, Jamie Cook, Nick O'Malley et Matt Helders se rassemblent, adoucissent un peu leur son, ralentissent le tempo, sortent les costumes et pondent "AM".
Sans doute leur seul album à atteindre le succès du premier, AM est le coup de grâce.
Cet opus termine de sacraliser le groupe, d'en faire la coqueluche du rock intergalactique.
Encore des records; "Do I Wanna Know" entre dans le top 10 des morceaux rocks les plus vus de Youtube.
Même si l'album garde les traits de leur son d'origine, seul "RU Mine", sorti un an avant l'album, rappelle l'énergie des débuts. AM est bon, mais est un changement radical avec leurs travaux précédents. Le son est mixé jusqu'a la moelle, et perd tout son côté garage. On pourrait dire que leur son a gagné en maturité, qu'il est la version moderne des Monkeys, qui ont désormais totalement abandonnés leur t-shirts sales et leurs Squiers à bas prix pour des cuirs chers et des guitares onéreuses. Les ados ont disparus, place aux rockstars internationales. Alex est désormais un sex symbol rock'n'roll.


Après ce AM, que manque t'il donc aux Monkeys ?
Pas grand chose à vrai dire. Surement pas la notoriété.
Alex retrouve son projet parallèle, The Last Shadow Puppets, en compagnie de Miles Kane.
Le duo avait accouché en 2008 d'un premier volet, "The Age of Understatement", qui proposait une pop épique, mais parfois aussi plus calme que le son des Monkeys, où Turner explore d'autres sonorités, plus baroques.
En 2016 arrive alors "Everything You've Come to Expect", où le duo va plus loin dans son laboratoire musical. Comme dans le premier opus, on sent les influences d'idoles britanniques comme Bowie, mais aussi de musiques de films. Turner et Kanes se font plaisir: violons, cuivres, et une reprise des "Cactus" de Jacques Dutronc, normal.


Vous allez me dire "Ok c'est cool, tout ça", mais quand est ce qu'on parle de l'album ?
Eh bien, Mesdames et Messieurs, connaître tout ce background est nécéssaire pour comprendre "Tranquility Base Hotel + Casino".


On a entendu dire qu'Alex avait fait quelques expérimentations, pour son grand retour avec son gang de Sheffield, 5 ans après AM. On a entendu parlé de piano.
Alors, dans un groupe ou la six cordes est reine, on ne sait pas trop à quoi s'attendre. De la pop façon Stones ou The Fray ? Du mélancolique style Coldplay à ses débuts ?
On ne sait pas trop quoi en penser, on a jamais vu Alex derrière un clavier.


Et voilà, mai 2018, le disque sort. Première écoute et ...


Déception ne serait pas un mot approprié. On nous avait vendu de la nouveauté, et bah putain, c'est nouveau.
L'album propose une sorte de pop-jazz-soul-blues space-baroque acidulée, quelque part entre Bowie, Jamiroquaï, et Joplin.
Un son qui ne rappelle en rien les Arctic Monkeys. Si on entendait pas le timbre si particulier de Turner, on y croirait pas. On se dit même qu'Alex doit encore être dans le même trip que dans le clip des "Cactus" ...
On y entend beaucoup, beaucoup de clavier, dans des mélodies parfois atonales, surmontées d'harmonies vocales. Musicalement, ça rappelle la fin des sixties. On pourrait même croire à un album concept des Beatles.
Je me dis que Helders, habitué à exploser sa batterie, ses baguettes et ses mains avec, a du s'ennuyer pendant l'enregistrement.


Concrètement, l'album n'est pas mauvais, mais on ne le comprend pas.
En soit, AM était déjà un virage musical assez conséquent pour les Monkeys, et réussit. Alors Alex a t'il pensé qu'il pouvait tout se permettre ?
A vrai dire, l'album donne à penser à un erreur, comme si Alex avait enregistré avec les Monkeys un album des Last Shadow Puppets, et qu'ils s'étaient trompés de nom sur la pochette.
On est pas si loin de la vérité. Cet album devait être un projet solo d'Alex. d'où le son si différent, si décalé.
Mais pourquoi l'avoir enregistré avec son groupe ? Alex en a t'il marre du son de son groupe ? En a t'il marre de jouer de "I Bet You Look Good On The Dancefloor", "Brianstorm", "Crying Lighning" et tous les autres classiques électriques du groupe ?
On peut comprendre l'envie de vouloir faire évoluer le son, mais je dois avouer que là c'est légèrement trop radical pour moi.
D'autant plus qu'en guise de premier single on nous donne "Four Out of Five", le morceaux de l'album avec le plus de guitare, le seul dont le refrain rentre un peu en tête, comme si on voulait nous faire avaler la pilule en douceur.
Concrètement, cet album serait il une tentative d'Alex de prouver quelque chose ? La rockstar aurait elle subitement rencontré un complexe d'infériorité vis à vis des autres groupes britanniques, qui aiment tant exploré différents horizons au fil de leurs albums ?
Seul lui le sait.
Moi j'ai hâte de voir une setlist incorporant ces nouveaux morceaux, ça m'intrigue.

Créée

le 17 mai 2018

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