Travelogue
6.7
Travelogue

Album de The Human League (1980)

En 1980, Virgin Records sont assez embêtés. Certes, « Reproduction » est un bon album mais il n'a pas fait les chiffres escomptés. Du coup, avant de sortir le deuxième album déjà enregistré, la maison de disque décide de tester le marché en sortant plusieurs versions de l'EP « Holiday 80 », tout d'abord avec le titre « Marianne » comme single principal. Bide. Il faut dire que le morceau est bien en-deçà des plus pops que l'on avait pu entendre sur « Reproduction ». Changement de tactique. Le studio décide alors de mettre en avant « Rock'n Roll », une reprise réussie d'un hit des années 70's signé Gary Glitter. On ne peut pas parler de succès mais au moins, le groupe aura un de ses premiers moments télé à « Top of the Pops » pour jouer le titre. Une nouvelle version plus violente de « Being Boiled » (voire chroniques précédentes) complétera certaines éditions de l'EP, seule part de la galette que l'on retrouvera un mois plus tard sur « Travelogue ».


Avec « Reproduction », ce deuxième album fait la paire, dignes représentants de leur période d'expérimentation, ils continuent d'y inventer la musique moderne. Difficile de ne pas entendre les sonorités utilisées par le mouvement Dubstep/Brostep sur l'acharné «The Black Hit of Space » ouvrant l'album, d'une violence rare pour l'électronique de l'époque, préfigurant également des techniques retrouvables sur le « Homework » de Daft Punk. Les synthés se comportent ici comme des guitares électriques, donnant les accords, notamment sur l'excellent « Life Kills » où même la bass semble jouée à la gratte. Les claviers se font globalement plus agressifs, ce qui peut donner l'impression d'un joyeux bordel sur l'ensemble. On croirait également entendre une montée de John Carpenter à partir de 1:50 sur « Dreams of Living ».


«  Travelogue » a pas mal de petits défauts, principalement dus à la richesse de ses expérimentations ; ils peuvent bien se planter de temps en temps. C'est cette perfectibilité que l'on retrouve sur le « Love Letters » de Metronomy mais on leur pardonnera un peu moins (il est sorti en 2014 quand même). Parfois, des défauts de mixage font que plusieurs pistes graves et profondes se chevauchent et entraînent des difficultés de lecture (« W.X.J.L. Tonight » par exemple qui donne carrément l'impression de bruits de fond) . Un autre passage à 2:55 de « Crow and Baby » me semble assez surprenant comme descente d'accord, mais admettons que ça aille dans le sens de ce bordel organisé durant les trente dernières secondes du morceau. Cela reste un bel hymne synthpop plutôt osé dans ses arrangements compliqués, bien plus convaincant que le deuxième single choisi ; « Only After Dark », reprise d'un morceau de Mick Ronson, bien trop simpliste et classique dans sa vision de la New Wave.


Et d'ailleurs, single qui fit encore un bide à sa sortie. L'album lui resta neuf semaines dans les charts anglais, 16ème comme meilleure place, sûrement encore une fois trop ambitieux pour l'époque de sa sortie. D'autant plus étonnant que l'on retrouve Richard Mainwaring en co-producteur, qui plus tard travaillera sur des chefs-d’œuvre tel que « Architecture and Morality » d'OMD, tout aussi ambitieux mais avec d'excellents singles qui firent toute la différence. Nous retrouvons aussi sur « Travelogue » en vrac ; le très « vieux générique de dessin animé SF » néanmoins efficace « Gordon's Gin », l'instrumental « Toyota City », répétitif et oubliable qui ne semble là que pour le remplissage et  « The Touchables », du même niveau que « Only After Dark » dans son principe new-wave.


Avec le temps, « Travelogue » et son aîné « Reproduction » s’apprécient autant qu'ils ont pu être ignoré à l'époque. Ces tentatives, ces recherches constantes du son et de la pop, via l'électronique, devraient pousser tout mélomanes qui se respectent à les écouter, ils feront facilement des liens avec la musique moderne. La formule parfaite n'a peut-être pas été trouvée mais c'est justement pour cela qu'il est bon, il créait des bases, dont on peut se servir des décennies plus tard. Et le rêve pop de Phil Oakley arrivera de toute manière sur le prochain album, celui de la consécration.


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Strangeman57
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le 17 déc. 2015

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