Vieux Frères, Partie 2
5.4
Vieux Frères, Partie 2

Album de Fauve (2015)

Désabusée, la masse des "intellectuels" d'Internet, justiciers du bon goût, clame au scandale devant une nouveauté qui leur échappe. Etre cynique, moralement supérieur à la foule, forcément ce n'est pas compatible avec ces élucubrations dégoulinantes de sincérité. Un peu de retenue voyons ! Le Romantisme c'est fini. Et on ramène ses jugements hâtifs, faciles, son effarement, on balance ses "1/10" sans avoir même pris la peine d'écouter une seule seconde de l'album, tout ça pour mieux se distinguer. On souligne le caractère soit-disant commercial du groupe pour signifier une absence de qualité (pendant qu'on met 10/10 à l'excellent Sgt Pepper's des Beatles, en toute contradiction). On déblatère des inepties.

Et si on jugeait cet album pour ce qu'il est réellement ? Derrière toutes ces bagatelles, la musique est là, elle, ne l'oublions pas ! "De la musique avant toute chose".

Fauve c'est un voyage. C'est une langue déliée qui reste belle et nous envoie des images. Il ne s'agit pas ici de connaître le niveau de maîtrise des règles de versification ; on se promène dans un langage spontané, vivant, imparfait, avec ses moments lyriques et ses passages relevant d'une oralité simple. La musique de Fauve n'est pas figée dans un carcan délimité, millimétré. Non, elle est parfois bancale, et se dévoile un peu différemment à chaque écoute.
Fauve, vous l'aurez compris, ne se soumet pas à une quelconque théorie de quoi que ce soit. Adieu l'intellectualisme, adieu les gens morts. Fauve se ressent. Ca parle de la vie, des gens, des petites choses du quotidien, des impressions, des sentiments, avec une grosse touche d'espoir. Les vérités se cachent derrière une vitalité folle. Fauve utilise des choses simples, parfois contextuelles, pour illustrer quelque chose d'universel. C'est complètement romantique, et c'est peut-être cela le problème dans une époque qui n'en demande plus autant à la musique... On veut de la technique, on veut du virtuose, de la maîtrise, ou bien du léger, du facile, qui s'écoute sans prise de tête. Qu'advient-il donc des groupes qui, comme Fauve, ne sont ni dans un extrême ni dans l'autre ? Heureusement, le succès est au rendez-vous, heureusement, les gens sont peut-être moins cyniques qu'il n'y paraît. L'espoir trouve son public dans un monde aussi désenchanté, étriqué, fataliste, formaliste et artificiel.

Que dire de cet album en particulier, alors, par rapport au premier ?
Pour ma part, je le trouve moins catchy, parfois un peu plus long, mais tout aussi efficace en ce qui concerne les morceaux phares. Le merveilleux "Bermudes" à la prose rapide et énervée surprend avec son sample de piano, l'incroyable "Les Hautes Lumières", onirique et entêtant, finit l'album en beauté. Du reste il y a encore "Juillet 1998" et ses souvenirs à la pelle, Paraffine avec ses choeurs et sa guitare électrique, Tallulah et sa mélodie joyeuse et insulaire...
La fraîcheur des débuts est cependant retombée. Fauve ne surprend plus, il s'est installé avec familiarité dans l'oreille de son auditoire. Pas de renouvellement, on reprend une recette qui fonctionne merveilleusement bien avec tout autant d'honnêteté. Et c'est tant mieux !!!!

A la vie, à l'espoir... "Liberté, j'écris ton nom". Je ne finirai pas vieux et con, et tout et tout...
King-Jo
8
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le 19 févr. 2015

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King-Jo

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