Aurais-je osé? Car oui dans la masse d'albums sortis et dont le blason terni ne tarde à être redoré, je n'ai que l'embarras du choix de viser des brebis galeuses, et il eût fallu que nous tombions sur "ça"? Cette daube infâme, néo métal pour délinquant à peine pubère aux cheveux longs et idées courtes, arborant ces sweats capuche noir à l'impression douteuse achetés par maman à un jour de marché. Ces mêmes jeunes gens qui arborent bracelets à pique aux poignets et buffalo aux pieds, oui, en vérité je parle d'un temps que les moins de vingt ans ne connaissent pas et où ces 9 masqués de Slipknot, provocateurs des petites cours de récréation sévissant à base de "People Egal Shit" mais n'avaient-ils dans le fond, pas raison? La question reste entière. Cependant les enfants, bas les masques (lel), aujourd'hui, je ne rigole plus, je tente l'impossible: repolisher d'un revers de manche ce disque à tes yeux, à toi lecteur. Dans cette quête ambitieuse et périlleuse (Dieu seul sait combien de lecteurs j'ai déjà perdu ne serait-ce qu'à la vue du titre infâme de cet essai -les autres se sont résignés sur la longueur de celui-ci), il vous faudra replonger dans les limbes de votre passé empli de honte et d'acné et admettre qu'un autre monde était possible. Car oui, j'ose, devant vous, solennellement, annonçer que cet album était loin d'être si mauvais.


Peut être que certains d'entre vous ne connaissent pas Slipknot (tout eut été possible dans le meilleur des mondes diront les plus médisants). Avec un nom aussi étrange, ça ne peut qu'être un mauvais coup sans doute. Eh bien, en vérité, oui ça l'est. Slipknot a fait parti de ces groupes de néo métal "anticonformistes" et "à la mode" chez les jeunes rebelles fût un temps. Il scandait grossièrement "SPIT IT OUT FUCK SHIT FUCK" sans trop savoir pourquoi mais menait son petit bout de chemin emporté par des foules de boutonneux peu frais à cheveux mi-long voulant changer le monde tout en organisant une zombie walk un samedi après-midi pour boire des 33 exports et sniffer de la colle. Sans trop savoir non plus comment bien faire des chansons, ils ont créé une sorte de brouahaha difficilement écoutable pour des oreilles averties (d'où leur public d'âge moyen relativement adolescent) et ce, discéminé sur 3 albums sortis entre 1996 à 2001. The Subliminal Verses, l'album d'aujourd'hui, après 3 ans de gestation dans le ventre des 9 -vengeurs?- masqués, arrive, c'est fini, on coupe les ponts avec le passé: on y croit à mort. Bien sûr, le virage n'est pas accepté et respecté par leurs fans de la première heure (qui finiront par grandir eux aussi) et aussitôt le groupe sort un live (9.0: Live en 2005) pour dire qu'ils sont en fait encore dans la hype du néo métal et qu'aller les voir en concert ça peut encore valoir le coup, le temps d'une gigue sur un vieux hit.


Un virage? Cause toujours, tu m'intéresses. The Subliminal Verses voit naître un groupe plus matûre et des constructions beaucoup plus travaillées et mélodiques (c'est ce qui déplaira en fait) et donc quelque chose de tout de suite plus appréhendable à l'oreille. Mais ce virage formidable, en fait, il ne faut pas y croire dur comme fer et s'attendre à la claque du siècle, cet album n'en devient pas exceptionnel pour autant mais reste un formidable bond en avant pour les copies qu'il rendait tel l'élève en difficulté que l'on gratifie d'un Assez Bien pour encourager ses efforts.


Produit cette fois par Rick Rubin (prince de la prod' de ces ans pour ses collaborations avec des groupes comme System Of A Down, Slayer ou les Red Hot Chili Peppers), le disque garde donc quelques traces du néo métal obscur pas très élaboré, fond de commerce des moines masqués (ohé ohé, la blague c'est qu'ils viennent de Des Moines dans l'Iowa les bonhommes) avec quelques pistes comme The Blister Exists, Three Nil ou Before I Forget mais y incorpore quelques chansons plus catchy comme The Nameless (dont le live rendra une très bonne version), Duality (qui alterne très bien les passages mélodiques et plus rageurs) et Vermillion (Part 1) mélancolique et la plus aboutie des pistes de l'album mais également la seconde partie plus loin, très calme qui a pu figurer dans les iPod de gens innocents à l'époque pour sa surprenante douceur. Mais la force de cet album n'est pas là. Celui ci se démarque en effet grâce et surtout grâce à ses 3 ou 4 pistes vendues au rabais, complétement oubliées et que j'affectionne pourtant particulièrement. Dans l'ordre, le Prelude 3.0, ouverture de l'album en question, posée sur un ton assez fin du monde je trouve. Tantôt passionné et à la fois agonisant de douleur, cette piste fait totalement le boulot d'introduction. La seconde de cette courte série, Circle, est une très belle balade (aux paroles terriblement bidons je vous l'accorde) mais qui poursuit un long crescendo qui se termine rapidement en bon délire psychédélique. Restent les deux dernières pistes de l'album qui sont celles dont il me fallait vous parler en fait. Rescapées d'un jour de mauvaise pêche peut être, ces deux dernières pistes font un peu office d'OSNI (Objet Sonore Non Identifié je le rappelle) sur cette louchette de titres. Virus Of Life, crescendo parfait pour Keep Away. Voilà quelque chose de très appréciable! Il nous aura fallu presque une heure avant d'assister à 3 minutes de bonté, de quelque chose de simple, bien produit et véritablement agréable. Et peut être que ça en valait le coup après tout, car cet album n'est pas si mauvais que ça, loin de là d'ailleurs, on y trouve son comptant en morceaux qu'on se surprendra à réécouter un jour ou l'autre, non sans éprouver ce petit plaisir coupable qui en fait le charme.
Et c'est un peu dans cette démarche que je vous invite à juste poser une oreille sur les quelques bonnes pistes de cette galette un peu dépérie comme cette vieille mode d'emo goth. Arrêtez de porter des buffalo. Merci.

Albion
7
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le 9 août 2015

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Albion

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