Ecouter, voir, apprendre

J'avais peur.
Peur de ce que pouvait donner ce nouvel album de Justice attendu pendant 5 ans, depuis Audio, Video, Disco.
Surtout peur en fait de voir si les deux gaillards allaient réussir à se renouveler aussi formidablement qu'entre Cross et son successeur.

La réponse, qu'on soit très clair, est oui.
C'est même un OUI bien en majuscule.

Woman est un voyage unique en son genre qui fonctionne dès le morceau d'ouverture, Safe and Sound. C'est d'ailleurs à peu de choses près le seul morceau vraiment dansant de l'album, apparemment à la grande déception de beaucoup qui voulait le Cross 2.0 qu'ils n'avaient pas eu avec A,V,D. Désolé pour vous les gars, mais le groupe s'appelle pas Cross, mais bel et bien Justice.
Lors de ma première écoute les morceaux Pleasure et Fire m'ont paru fades et génériques, mais au fil des écoutes ils font de plus en plus sens, autant dans le contexte de l'album qu'en dehors.
Le groove magique d'Alakazam! en fait un morceau très particulier, d'autant plus venant de Justice, ya quelque chose de mystique qui en ressort et c'est loin d'être désagréable.
Des frissons me parcourent dès le début de Stop et pendant Chorus, le premier intimiste et le deuxième plein d'emphase (très proche de l'atmosphère de Cross d'ailleurs donc j'ai du mal à suivre certaines plaintes).
Heavy Metal est la collab qui n'existera jamais entre Bach et Boys Noize, Randy sonne comme un mélange savant de Civilization et DVNO, et Love S.O.S. est un emprunt très interessant à l'univers de Pink Floyd (les synthés-alarmes, etc.).
Pour finir, dernier mais pas des moindres, le morceau Close Call. Il m'aura fait pleurer à la première écoute et continue de me fasciner, à mi-chemin entre Gesaffelstein et François de Roubaix, il nous emmène au terminus de cette odyssée fantastique à la lisière de nombreuses galaxies.

En bref, ce Woman, constitué des morceaux les plus longs que le duo ait jamais produit, a vraiment + un sens en tant qu'album à part entière qu'en tant que suite de morceaux. L'atmosphère créé par l'ordre des pistes notamment est difficilement négligeable, mais pour autant l'auditeur, si conquis, n'hésitera pas je pense à retourner vers ses préférées séparément.
Réduire cet album à "Audio, Video, Disco mais avec le disco à la place du rock prog" c'est clairement réduire au dixième le spectre d'influence des deux frenchies, qui ont puisé chez Michel Berger autant que chez Kraftwerk pour, comme ils le disent dans diverses interviews, rendre hommage aux femmes. Par ailleurs, rechercher l'énergie brute et la dansabilité de Cross ici est vain, vous allez juste être déçu et ne pas suivre le groupe dans sa progression, ce qui est fort dommage (pour vous).

Je suis très curieux de voir comment ils vont associer ça avec les deux précédents opus en live, mais je ne doute pas que ça sera à la hauteur du génie qu'ils proposent ici.

ET JUSTICE POUR TOUS!