J'ai longtemps résisté mais j'ai fait la paix avec le kitsch: le kitsch nationaliste, le kitsch belle-époque, les deux en même temps si possible. Va pour ce foutoir de gimmicks hispanisants, il y avait dans cette musique une innocence impossible à reproduire à présent. La belle-époque a été la dernière époque où nationalisme ne signifiait pas répugnante nostalgie cocardière.
Les espagnols sont des spécialistes de l'exercice. Je suppose que c'est le privilège de ceux qui ont vécu dans la banlieue dortoir de l'Europe... Turina, comme Falla, Granandos, sont des compositeurs qui ont eu la chance de pouvoir subir directement l'influence française, des Fauré, Debussy, Ravel. Ils y ont mélangé leur fierté étrangement placée et créé une mixture au charme désuet sans égal. Ils n'ont pas le sérieux intransigeant d'un Bartok (qui a réussi un nationalisme garanti 100% sans kitsch) ou d'un Alban Berg (qui a concocté ce que j'appellerai le nationalisme expressionniste). Ce sont des latins, des galants, des courtisans... c'est léger comme une bulle de savon et ça se vautre sans complexe dans ses modes arabisants, ses danses putassières, ses mélodies incisives.
J'ai lutté mais tant pis... Turina et tous ses copains ont gagné: s'il y a une place en ce monde pour la franchise vulgaire, ils en sont les maitres!