Un des plus beaux albums qu'il m'ait été donné d'écouter, et aussi probablement le plus triste. Pas un instant de répit, pas un tressaillement qui perturberait le long égrainage d'une nostalgie possédée et révoltée, languissante et pénétrante.
L'album s'ouvre sur quelques notes de piano murmurées mais fortes, espacées par un silence pesant où l'on se sent oppressé, sentiment amplifié par un bruit périodique non-identifiable qui rythme l'arrière-plan, comme un souvenir qui s'estompe, nous angoisse et nous tourmente. C'est l'absence.

Le morceau progresse avec l'intrusion d'autres instruments sans pour autant que l'esprit n'en fût changé. La même atmosphère lourde et pourtant si légère envoûte littéralement l'espace, dévore chaque recoin de notre attention.
On se sent possédé par ces notes, attiré par le mystère de cette musique si triste, si lente, mais si belle. Une large part est d'ailleurs faite à la musicalité, bien plus que dans les autres albums du groupe, ou même de Godspeed You! Black Emperor. Du début à la fin, l'inventivité musicale bat son plein. les atmosphères ne sont pas seulement des atmosphères, elles sont remplies de notes, ébahies par des mélodies splendides, quoique diablement sinistres.

Là où se situe le génie - et évite la platitude d'une tristesse qui se prend elle-même pour objet sans explorer les nuances des sentiments ou bien la nature des tourments qui accablent son auteur - c'est l'étendue des dimensions contenues dans cette musique. Loin d'être le lent exposé de la mélancolie, cet album en explore toute la richesse. Elle la traque, la dévoile, la révèle, identifie ce qui fait sa particularité, puis l'expose par la seule force de la musique.

Cette profondeur est rare. Efrim Menuck est immense.
Je mets définitivement "He Has Left Us Alone but Shafts of Light Sometimes Grace the Corner of Our Rooms…" au dessus de "Horses in The Sky", lequel, quoique plus fourni, pétillants d'idées et contenant certaines perles, n'en possède ni la cohérence, ni la richesse, à mon sens. Cette cohésion entre les morceaux, cette unité et le fait qu'il n'y ait rien à ajouter ou à ôter en font littéralement un chef d'oeuvre.
SlowRiot
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le 8 sept. 2013

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SlowRiot

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