In The Aeroplane Over The Sea, de Neutral Milk Hotel. Un album culte sur les internets, qui sera parmi les vinyles les plus vendus au monde. Je dis ce terme galvaudé, « culte », au sens premier du terme. Les gens qui vénèrent cet album sont presque réunis dans une sorte de secte aux private jokes impliquant Anne Frank, Jésus Christ et des incrustations de patates sur cartes postales. On touche à un cas social, oui. Mais c’est surtout pour vous expliciter l’influence de cet album sur les consciences qui y ont été exposées.

Neutral Milk Hotel est un groupe Louisianais formé au début des années 1990 autour du compositeur/chanteur/guitariste Jeff Mangum. Leur style est un mélange entre rock lo-fi, indie folk et expérimentations sonores (Sentez les hipsters en joie à l’annonce de ces genres). Ils sont un des appendices du collectif/label Elephant 6, duquel sortiront entre autres, des groupes comme of Montreal. Après quelques EP et un premier album, On Avery Island, ils sortirent In the Aeroplane over the Sea le 10 février 1998. Et là, c’est le drame.

Mais le succès de cet album est venu plus tard, à posteriori, et même à ce jour, beaucoup de personnes via l’autoroute de l’information, pètent un câble à la première écoute de l’album. Tout comme moi. Vous me direz, je pète souvent des câbles pour rien, mais je comprends la psychose admirative qui suit cet album comme une odeur de soufre dans une station de thalasso. Cet album a deux qualités : il est accessible et complètement jeté, bizarre et cryptique. Pour paraphraser Tyler, The Creator, c’est un paradoxe qui marche. Qui tourne, plutôt.

C’est un album clairement focalisé sur la Guitare/Voix de Mangum, et au niveau de la composition, c’est finalement assez simple. Je pense que après un ou deux ans de guitare, vous pourrez jouer l’intégralité de l’album avec votre guinche et emballer des meufs bourrées en soirée. On est pas dans un album ultra complexe, progressif avec des rythmiques cheloues. Non, des morceaux presques urgents aux accords simples (Oh Comely a quatre motifs pour 8 minutes, le morceau In the Aeroplane Over the Sea a une progression mélodique très classique).

Mais.

Cet album a une instrumentation absolument hystérique, avec des cuivres partout, du fuzz subit qui dévaste tout, de la scie musicale, bref, un beau rambal hystérique (l’explosion de King of Carrot Flowers part 2-3 ou le crescendo de Ghosts sont de purs moments de bonheur). Et textuellement, Jeff Mangum reste très … cryptique et étrange. (Dans Communist Daughter, « Semen stains the Mountain Tops », King of Carrot Flowers Part 2-3, encore « I love you Jesus Christ, Jesus Christ I love oh yes, I do ») Et les thématiques varient entre des carottes, des garçons à deux têtes, quelque chose en Hollande en 1945, le Journal d’Anne Frank, et bien d’autres choses. Et déceler le sens (s’il y en a un) dans les paroles de Mangum, n’est pas chose aisée.

La production générale rend d’ailleurs justice à cette bizarrerie. Ca sature, c’est enregistré presque à l’arrache (Two Headed Boy évoque le lo-fi avec son son de guitare étouffé et presque cartonneux, l’instrumental sans nom est compressé au possible avec une … cornemuse ? Je sais pas.) Et finalement, à partir de simples chansons aux paroles étranges, c’est une fiesta sonore qui s’opère, partant dans tous les sens comme si Neutral Milk Hotel était une fanfare électrique doublé d’un groupe de polka. D’ailleurs, un internaute sur Youtube les a décrits comme un groupe de folka. Et finalement, si tout ça a une enveloppe très bizarre, elle est fondamentalement avenante et joyeuse (ce qui tranche finalement avec certains thèmes plutôt morbides).

In The Aeroplane over the Sea a le charme des diamants bruts. C’est un album tripant, accessible et cryptique grâce à une instrumentation folle et une qualité d’écriture et de composition sans pareil, mélangeant l’étrangeté à la simplicité, sans pour autant tomber dans la surenchère ou la facilité. C’est bourrin, mais subtil. Et c’est la performance de l’album qui fait sa magie alchimique merveilleuse, à la perfection. Et si l’on voit partout sur le net des références à cet album comme un même, c’est bien parce que les gens, autour du monde, ont été touchés par cet album. C’est quand même bien le signe d’un album notable, non?
SuperWood_Boy
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le 12 août 2013

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