Un des trucs et astuces du parfait petit chroniqueur consiste à dégainer de sa sacoche à exercice de style, rangée entre le clin d’œil culinaire et l'analogie sexuelle : la métaphore de la sculpture sonore. Utilisée pour décrire celui qui travaille le timbre de ses instruments, qui dispose et élague consciencieusement ses couches soniques. Mais qu'en est-il des sculpteurs avérés comme Jeroen Diepenmaat ? Dans son atelier, le plasticien hollandais s'adonne à un art très particulier – qui donnera des sueurs froides aux collectionneurs de vinyles – celui de la sculpture sur microsillons.


Pour faire simple, Jeroen prend des vinyles divers et variés, les découpe et en fait un collage qui deviendra une nouvelle composition. Les morceaux du hollandais (ici deux pistes de 11 minutes tout pile) sont basés sur une répétition de motifs d'à peine plus de 3 secondes, qui parlera sans doute aux amateurs des travaux sur bande audio de William Basinski. Mais il ne s'agit pas ici d'écouter le motif se dégrader jusqu'à la désintégration comme le fait ce dernier, Jeroen n'en a ni l'ambition ni la patience ; lui crée un développement dans ces paysages patchwork joués au ralenti, les ambiances varient petit à petit jusqu'à changer de direction en cours de route tout en conservant l'atmosphère initiale qui parcourt l'ensemble. Comme sur la « face B » de cette K7, la plus belle des deux sans aucun doute, qui présente une scène hantée où un violon chancelant joue une mélodie funèbre tandis qu'on peut entendre des oiseaux piailler en slow-motion avec un clocher qui sonne sans interruption. Jusqu'à ce que soudainement la piste du violon ne s'interrompe pour jouer un autre mouvement, qu'un type prononce des mots incompréhensibles dans une voix d'outre-tombe menant vers une nouvelle composée de paisibles accords de guitares qui nous accompagneront jusqu'à une fin toute en crépitements, comme si la bande prenait feu. Tout du long, les oiseaux ne nous auront pas quittés ; Jeroen parvient en jouant différents enregistrements sur plusieurs lecteurs en même temps, à peindre un tableau forcément répétitif (c'est aussi le but) mais jamais statique, dont chaque couleur est manipulée indépendamment des autres.


Difficile de deviner la part de ce qui dans les knip/plak EPs est dû à la chance et au hasard. Sans doute faut il un sacré flair pour parvenir à créer ainsi des paysages impossibles mais pourtant si évocateurs. Qu'importe le moyen pourvu que le résultat parvienne jusqu'à nos tympans pantois. Ce troisième EP de la série des knip/plak est le plus « catchy » de tous, celui dont la structure sonore est la plus riche, où les peintures sont les plus étoffées et détaillées. Jeroen publie ses travaux depuis 2016 et cet objet est déjà sa 4ème réalisation ; son style s'affine à vue d’œil, on imagine ses coups de cutters devenir de plus en plus agiles et intuitifs. On peut s'attendre à entendre à nouveau, très prochainement, les nouvelles expériences envoûtantes du plasticien hollandais. Un disque rayé n'a jamais sonné aussi bien. Un disque rayé n'a jamais sonné aussi bien. Un disque rayé n'a jamais sonné aussi bien. Un disque rayé...

T. Wazoo

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