Miles Davis – Miles In Tokyo (Miles Davis Live In Concert) – (1969)
Cet album paru en soixante-neuf a été enregistré bien avant, en public au Kohseinenkin Hall de Tokyo, le quatorze juillet soixante-quatre. Il témoigne du passage d’un musicien exceptionnel dans le quintet de Miles Davis, beaucoup connaissent ce fait, mais peu d’enregistrements sont témoins sonores de cet événement, celui-ci me semble le seul...
Rien que pour cela cet enregistrement vaut le détour, et comme il est particulièrement réussi, la fête est donc belle ! Ah ! Oui, la personne en question est le saxophoniste Sam Rivers, ici au ténor. Herbie Hancock est au piano, Ron Carter à la basse et Tony Williams à la batterie. Sam Rivers n’est pas resté très longtemps dans ce quintet, presque de « rêve » … Il fallait remplacer George Coleman dont les autres musiciens se plaignaient, Éric Dolphy est pressenti et recommandé vivement par Tony Williams, mais Miles refuse, estimant que son jeu d’avant-garde est « inélégant et négligé » …
Il cède par contre quand le nom de Sam Rivers est proposé, bien que ce dernier soit plus âgé que lui, de trois années. Pourtant, nous le savons désormais, Sam Rivers avait sa musique déjà bien en tête et l’avenir s’ouvrait à lui, c’est sûr, un petit passage chez Miles lui fera sans aucun doute une belle notoriété !
C’est également la première tournée de Miles au Japon, il fera des efforts pour ce public nouveau et se tiendra sur scène, sans tourner le dos ou quitter la scène lors des solos des autres musiciens, mais il reste accroché à ce bop qui se maintient solide à son répertoire en cette année soixante-quatre.
Il ouvre avec cette pièce de cinquante-six dont on a parlé il y a peu, « If I Were a Bell ». Ensuite il propose une version énorme de « My Funny Valentine » où il joue magnifiquement. Arrive ensuite « So What », lors de son solo Sam frise la correctionnelle, à la limite du free mais retombant toujours du bon côté.
Sur « Walkin’ » on pourrait presque penser que même Miles dévisse, à deux cents à l’heure il frôle l’alerte radar et envoie du bois ! Tony Williams ne perd pas les pédales lors de son solo, il ne se déstabilise pas facilement, et Sam est devenu presque assagi bien qu’il rue encore.
La pièce suivante, « All of You » le verra en harmonie avec le quintet. L’avenir pourtant en décidera autrement, ce fameux « quintet de rêve » que désire Mile se fera très bientôt, lorsque le saxophoniste Wayne Shorter rejoindra Miles quelques petits mois plus tard.
Cette parenthèse est cependant tout à fait extraordinaire et cet enregistrement est riche d’enseignements, Sam poursuivra la route qui l’intéresse et se fera un nom dans le free jazz et la musique improvisée, laissant ici un témoignage étonnant et remarquable, même s’il n’est, d’évidence, que le second lors des solos…