Ça y est. C'est fini. Genesis est officiellement terminé. Le 26 mars 2022 a eu lieu le dernier concert du groupe. Un rendez-vous qui n'a pas manqué de moments forts, entre Phil Collins rendant hommage à Peter Gabriel présent dans le public, ou lorsqu'il annonce que le dernier concert du groupe est sur le point de s'achever... avant une pique d'humour "après ça, on aura de vrais jobs". Les dernières chansons s'enchaînent : Land of Confusion, et pour finir un petit medley s'ouvrant sur Dancing With the Moonlit Knight et se concluant avec Carpet Crawlers...

Carpet Crawlers... un titre emblématique dans la carrière du groupe, et qui m'a donné envie de réécouter cet autre concert iconique : Seconds Out.

Recontextualisons : l'album ne représente pas un seul concert, mais une sélection de la tournée 1976/1977, qui faisait la promotion de A Trick Of Tail et Wind and Wuthering, les deux albums sortis dans l'année. C'est aussi la première tournée sans Peter Gabriel, qui était le "leader", du moins, c'est ainsi qu'il était perçu. L'objectif est double : prouver que le groupe est capable de poursuivre sa carrière sans Gabriel, sans pour autant renier son passé. On peut déjà s'intéresser sur les morceaux choisis pour illustrer ce "best-of" live : 4 de Trick of a Tail, 3 de Selling England, 2 de The Lamb, 1 de Wind & Wuthering, 1 de Foxtrot (mais c'est tout Supper's Ready) et 1 de Nursery Cryme (mais c'est que la conclusion de Musical Box). Autrement dit, le quatuor a cherché à créer un équilibre entre les "anciennes" chansons et celles fraîchement sorties. En regardant de plus près on remarque d'à part Robbery, Assault and Battery ou Squonk, la setlist ne contient que des méga-classiques, ou au moins des futurs classiques : Carpet Crawlers, Afterglow, Los Endos... On pourrait reprocher un manque de courage, surtout quand on est un groupe avec autant de pépites obstruée par des pilliers du genre. Mais bon, c'est peut-être l'occasion d'en profiter, et de se farcir la crème de la crème. Le seul regret possible se trouve au niveau d'un Musical Box tronqué pour n'en garder que le final, qui vient conclure un The Lamb... déjà conclu, et dont il manque tout un développement pour réellement apprécier une telle résolution. C'est dommage, la transition entre les deux morceaux étaient pourtant réussie !

Évidemment, parmi tous les musiciens, un en particulier sut que son attention serait portée sur lui : Phil Collins. Le batteur prenant maintenant le rôle de chanteur principal, tout le monde attendait de savoir s'il serait capable d'être au niveau. Et bien, le défi est plus que réussi, la performance de Collins est tellement intense qu'il parvient à pulvériser tout ce qu'à pu faire Gabriel, en studio comme en live ! Il parvient tant à s'approprier l'attitude théâtrale de Gabriel, tout en rajoutant l'exactitude technique dans la mélodie, parfait pour les morceaux plus lyriques. Il n'y a qu'à écouter Supper's Ready : des envolées de Guaranteed Eternal Sanctuary Man à l'excentricité de Willow Farm aux cris désespérés de Apocalypse in 9/8, Phil Collins parvient avec une aisance impressionnante à changer de registre, lorsque le contexte l'exige. En plus de la technicité, lui seul dans le groupe était capable de tenir des JERUSALEEEEEEEEEEEEEEEEM aussi longtemps. De quoi rendre presque fade toutes les productions précédentes.
Cependant, comme il s'agit d'un assemblage de plusieurs concerts, on passe à côté de toutes les interactions avec le public, une chose dont Collins est plutôt friand. Mais en vrai, la qualité de la playlist nous suffit à combler ce manque qu'on oublierai presque. On peut toutefois le deviner en train de faire le gugusse, notamment dans un I Know What I Like étiré sur deux fois sa longueur originaire, où on peut l'imaginer sans doute faire sa fameuse danse du tambourin, à en croire les acclamations du public.

Mais les autres musiciens du groupe ne sont pas en reste. Tony Banks nous offre son meilleur solo sur un Cinema Show bien plus dynamique que la version studio, et même Mike Rutherford se voit attribuer de nouvelles ligne de basses qui méritent l'attention, notamment pendant Squonk ou à la fin de Apocalypse in 9/8, et qui sont -enfin- mise en avant par le mixage. N'oublions pas non plus les musiciens invités. Notamment Bill Brufford, batteur au CV très chargé, qui non content d'avoir joué dans un groupe emblématique du prog Yes, décida d'en rejoindre un autre groupe emblématique du prog King Crismon, puis d'aider Genesis dans la tournée 1976. Pourtant sur le papier, c'était loin d'être évident : King Crimson se concentre aussi bien sur la rythmique que Genesis l'est sur la mélodie. (petit apparté : en fait, je mens un peu. Il y a certes chez Genesis beaucoup de changements de métrique, mais c'est avant tout pour servir la mélodie, du coup les transitions paraissent plus subtiles) Mais rassurez-vous, le pari est encore réussi ! Bien qu'il ne soit présent que dans Cinema Show, son style semble avoir influencé le reste des prestations, notamment dans son jeu de cymbales. Il suffit d'écouter la prestation de son collègue Chester Thompson (ayant joué pour notamment Frank Zappa donc niveau technique, ça se pose là), notamment dans Robbery, Assault & Battery et Afterglow, qui sera leur batteur live jusqu'à la tournée 2007. Vraiment, le seul qui ne satisfait pas, c'est un Steve Hackett sous-employé. Mais il y a une raison derrière tout ça : il y a toujours eu une rivalité entre Tony Banks et Steve Hackett, pour une raison que j'ignore. Alors, lorsque Gabriel a quitté le groupe, c'était l'occasion pour Banks de tenter de s'imposer en tant que leader (ce qu'il a réussi avec plus ou moins de succès), et également de mettre Hackett à part. Ce dernier finira lui aussi par quitter le groupe, pendant le mixage de cet album précisément. Une occasion en or pour Banks, qui se charge également du mixage du live, et qui en a donc profité pour "baisser son volume", en conséquence. Enfin, il y a quand même Firth of Fifth, qui reste toujours le meilleur solo de guitare du monde...

Avec la fin de Genesis, c'est le temps des regrets qui s'installent, plus forts que jamais. D'abord, la déception des projets jamais faits. Phil Collins avait longtemps rêvé d'une reformation à cinq, où ils reprendraient l'intégralité de The Lamb. On sait qu'jourd'hui il n'en sera rien (peut-être pourra-t-on espérer une reformation avec son fils Nicholas ? Sans doute je me fais trop d'idée, rien qu'à l'entendre jouer dans la dernière tournée montre qu'il est plus dans les batteries reverb des années 1980 que dans celles du rock)
Si Carpet Crawlers sera à jamais la dernière chanson jouée par le groupe, ce n'est pas pour rien. C'est un morceau extrêmement fédérateur, qui marque un pont entre les deux "faces" du groupe, les faces prog et pop, deux faces qui sont cependant bien plus proches que ce qu'on puisse imaginer. Mais c'est aussi un morceau terriblement accrocheur, avec un refrain très simple, mais extrêmement puissant. Un refrain qu'on pourrait faire tourner en boucle, qu'on répéterai sans qu'il s'use. Et on voudrait que cela ne se finisse jamais.

Alors, on peut répéter, encore une fois "We've got to get in, to get out..."

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le 30 juin 2022

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