Le taré, le malade, l'anomalie.

Je m'appelle Brian. Je pourrais m'appeler John, James,, David, Martin, Juan, peu importe.

Je suis un garçon normal, je vais au lycée où je rase les murs car j'ai peur des brutes qui me mettent la tête dans les toilettes.

J'aime la littérature et l'histoire, j'aime pas trop les matières scientifiques. Je suis nul en sport et ça n'arrange pas mon cas.

Je pourrais être banal et je le suis, mais j'ai une particularité : j'aime les garçons autant que les filles.

Et je suis secrètement amoureux d'un type aux longs cheveux bruns qui joue de la guitare dans le groupe du lycée.

Je le regarde souvent, j'ai du mal à respirer les rares fois où ses yeux croisent les miens.

J'ai parfois l'impression d'être malade, d'être une anomalie, d'être un taré. C'est parfois ce que me dit mo père quand il me voit préférer lire Oscar Wilde plutôt que de jouer au foot ou au moins de regarder jouer Manchester United.

Mais aujourd'hui, ma vie a changé.

A la radio, un homme vient de dire des mots qui m'ont touché au delà de ce qu'on peut imaginer.

"Je suis bisexuel et je le suis depuis toujours."

Cet homme s'appelle David Bowie et c'est une superstar.

Je ne suis pas seul. Cet homme, cette superstar, idolâtrée par les hommes et les femmes vient de le dire : il est comme moi.
Il n'est pas malade, il n'est pas taré, il aime juste les garçons autant que les femmes.

Je me suis précipité au drugstore et j'ai acheté son album.

"Rise and fall of Ziggy Stardust and the spiders from Mars."

J'ai pris une claque.

Chacun de ses mots, chacune de ses notes, chacun de ses soupirs, chacun de ses riffs de guitare (surtout celui de "Ziggy Stardust" me faisait frissonner, me faisait frémir, me transportait dans un univers qui était le sien.
Qui était le mien.

Il est mon homme de l'espace, mon clair de lune, il m'ouvre la cité des Sufragettes, le clair de lune brille pour nous...
Il est Ziggy. Jusqu'aux notes ultimes du Rock and Roll suicide où il me murmure "oh, love, you're not alone."

Et ce soir là, je suis allé au concert du lycée.

Et mon guitariste aux longs cheveux noirs a joué "Lady Stardust."

Mon coeur a fait un bond. Loin des brutes imbéciles qui sifflaient et riaient "ce pédé", j'ai vu un signe.

Je suis allé lui parler après le concert, brutalement audacieux, car c'est ce que Ziggy aurait fait, non ?

Je lui ai dit ce que cette chanson représentait pour moi. Ce que Ziggy représentait pour moi. Les horizons que ce disque m'avait ouvert.

Et il m'a souri, mon guitariste aux longs cheveux noirs. Et sa seule réponse a été un baiser.

Depuis, je ne suis plus seul.

Et je le dois à un seul homme : Ziggy Stardust. David Bowie.

Escroc ou génie ? Quelle question stupide. Il est lui et il nous a ouvert le monde.

A nous tous. Les tarés, les ratés, les pervers.

Nous tous.