« Imaginez le répertoire des Talking Heads de la fin interprété par les Talking Heads du début », écrivait un critique américain (enthousiaste) à propos du premier album des New-Yorkais de Vampire Week­end. Pas mieux, comme on dit au jeu. Mais on peut toujours affiner ce jugement fort pertinent. Ne serait-ce que parce que le groupe de funk-world-new wave du très cérébral David Byrne est devenu depuis quelque temps la réfé­rence incontournable et, du coup, passe-partout, pour décrire nombre de formations dans le vent (Franz Ferdinand, Clap Your Hands..., Yeasayer...) qui mettent du rythme exotique dans leur art rock d'étudiants. C'est sûr, les quatre acolytes de Vampire Weekend, tous sortis de l'université Columbia, chantent plus volontiers l'architecture baroque (Mansard Roof) que les filles faciles et paraissent plus épris des tambours du Burundi que du « one-two-three-four » des Ramones. Mais ça n'en fait pas un groupe poseur et barbant pour autant. Car si les chansons de Vampire Weekend se promènent entre des ambiances empruntées au soukous ou à la juju music, il en émane une candeur et une sincérité qui rappellent l'Orange Juice d'Edwyn Collins lorsqu'il subissait l'influence de son batteur zimbabwéen Zeke Manyika. Plus encore, la fluidité du doux chant d'Ezra Koenig évoque celui d'un autre New-Yorkais grand aventurier des sons, Paul Simon. « Tout ceci paraît bien forcé, un peu comme Peter Gabriel », chante-t-il sur l'un des sommets de l'album, Cape Cod Kwassa Kwassa, et l'on ne peut que sourire. Comme jadis les Talking Heads (on y revient) dans leurs savoureux clips, Vampire Week­end manie à merveille l'autodérision. Si bien que, conquis par le naturel (car rien ici ne paraît surchargé ou, justement, forcé) de ces forts en thème, on se repasse en boucle l'irrésistible M79, ravi par son kitschissime arrangement de cordes dans la pure veine du Rondo Veneziano ! HC


A une époque, dire que l’on aimait l’album Graceland de Paul Simon était synonyme de fatwa irréversible. On vous accusait d’avoir porté des chemises à manches courtes chamarrées, d’ignobles pantalons en flanelle écrus et des mocassins à glands (sans chaussettes). Pire encore, on vous reprochait d’être ami avec Philippe Lavil ou Johnny Clegg et de vous commettre à peu de frais dans des soirées soukous peuplées de quinquagénaires dont la dernière visite dans un magasin de disques remontait au moins à 1986. Cette époque est heureusement révolue, grâce à quatre garçons plein d’avenir, new-yorkais et regroupés sous le nom de Vampire Weekend. Tout a commencé pendant l’été 2007 : via les blogs américains, on découvrait un morceau fascinant, Cape Cod Kwassa Kwassa, dont l’intro tissait d’improbables liens entre une Côte Est des Etats-Unis tout droit sortie d’un roman de Francis Scott Fitzgerald et l’ambiance fantasmée des quartiers populaires de Soweto. La première rencontre a lieu en octobre 2007, lors du premier concert parisien du groupe. On découvre quatre garçons effectivement encore un peu étudiants dans leur tête et dans leur look. Fraîchement diplômés de la prestigieuse fac new-yorkaise de Columbia, et fringués en duffle-coats et cabans gris, beiges ou bleu marine, les quatre déboulent avec des têtes de bons garçons proprets. “Vampire Weekend, au départ, c’est le titre d’un film que je voulais réaliser avec un ami, une histoire de vampires, comme son nom l’indique. Pour ce film, tous les quatre, nous avions enregistré quelques morceaux. Le film ne s’est jamais fait mais nous avons continué à jouer ensemble, avec des intentions assez précises : mélanger pop, new wave et musique africaine" explique Ezra Koenig, chanteur du groupe. Le “mélange” est d’une efficacité redoutable. Leur disque ne cesse de tourner en boucle. Vampire Weekend, et la pochette est peut-être là pour renforcer cette idée, est un disque plein de lustre. Un album riche et éclatant que l’on comprendra comme la chronique d’une fin de vie adolescente dans les universités de la Ivy League. On y parle des vieilles histoires de la fac (Campus, Oxford Comma), de filles jolies qui font venir le soleil (Bryn), de copain à la tête un peu bizarroïde (One – Blake’s Got a New Face), de jeunes punks bien mis (A-Punk) – dont il faut absolument découvrir le clip sur YouTube. Le disque est une série d’aventures attachantes et quotidiennes, toutes couchées sur papier par Ezra Koenig, et que l’on imagine racontées par une sorte d’Holden Caulfield de L’Attrape-Cœurs en plein dans les exams et les embrouilles de filles. C’est frais, c’est gai, c’est parfois un peu sombre mais jamais trop non plus (I Stand Corrected, chef-d’œuvre discret de l’album), et tenu en permanence par des mélodies évidentes qui font apparaître au grand jour l’immense talent de songwriting d’un groupe dont l’avenir s’annonce déjà radieux. Et qui nous emmène, avec ce premier album, bien au-delà de nos espérances et de nos petites écoutes honteuses de Paul Simon. Par contre, on oublie les chemises chamarrées, la flanelle et les mocassins à glands. (Inrocks)
Il n’y a vraiment qu’en musique que surviennent de telles aberrations. On a beau être allergique à toute réappropriation maladroite de la world music par des MBSB (musiciens blancs souvent bedonnants) ; on a beau se hérisser à la seule vue d’une casquette frappée du logo d’une université américaine, surtout quand le visage béat en dessous n’a jamais quitté Neuilly-sur-Seine ; on a beau difficilement contenir ses sarcasmes dès qu’un petit groupe d’intellos snobs se met en tête de nous apprendre la vie, toisant notre tellurisme d’un œil rogue et balayant notre candeur d’une main blasée… En somme, on a beau essayer de résister une seconde et demie à Vampire Weekend, congrégation de têtes à claques new-yorkaises élevées à la grande musique via Londres et Soweto, toute raison se fait la malle à la moindre de ses “soukouss” (pour paraphraser le grand Yannick Noah). Récapitulons. Fraîchement émoulus de Columbia, les quatre garçons à la page qui provoquent actuellement des demi-molles chez tous les incorruptibles du monde musical, l’honorable Everett True compris, ne sont pas très indiement corrects. Leurs polos Ralph Lauren, qu’ils portent rentrés dans le jean mou, ne fricotent jamais avec les caniveaux sur les coups de deux heures du mat’, leurs mocassins ne portent aucune trace de pogo ni même de collé-serré, et leur collection de disques maintenue à une température régulière de 13°C est rangée dans un ordre encore non répertorié par les Muttawa de Pitchfork. Alors, soit, on n’envie pas leur samedi soir. Mais Vampire Weekend, groupe de premiers de la classe, s’assume parfaitement en tant que tel. Comme d’autres crachent leur romantisme urbain sur deux accords de guitare ensanglantée, ils préfèrent installer leurs saynètes à Cape Cod, point de rencontre balnéaire de toute la waspitude américaine, ou sur le bon vieux campus de leur université (celle de leurs pères avant eux ?). La discothèque parentale est elle aussi mise à contribution sans vergogne : des bribes de musique de chambre et d’afropop nourrissent goulûment leurs chansons, accrocheuses comme des hameçons de pêche au gros. Il ne s’agit pas là de plaquer ces références sur des mélodies apeurées mais de les cheviller subtilement au corps. C’est-à-dire, entre autres tics exotiques, de chalouper des guitares (Cape Cod Kwassa Kwassa), dénuder une batterie (Oxford Comma) ou revêtir de cordes (Walcott). Toujours droit dans ses bottes, malgré ces incursions chaleureuses, ce premier album sera aussi déclaré positif à la new-wave élégante des Smiths, des Feelies et autres Modern Lovers. Si ce précipité contre-nature résulte bel et bien d’un savant calcul de la part de ces fortes têtes de mules, déterminées à se distinguer de la masse laborieuse, il ne manque pas moins de naturel ni d’onctuosité. Leur facilité à éviter les collisions brutales tient peut-être au passé extrascolaire de ses membres, plus aguerris à leur art que leur jeune âge ne le laisserait croire : Rostam Batmanglij, producteur et arrangeur du groupe, a étudié la composition classique et Ezra Koenig s’est déjà fait les dents sur L’Homme Run, projet electro hip hop qui lui aura appris toute l’omnipotence du tandem basse-batterie. De ce bagage dance, il aura aussi emporté des synthés 80 (One), chahutés sur l’épique I Stand Corrected à la manière du monumental Pulp de Seconds, et un flow à toute épreuve. Troublant hologramme vocal de Paul Simon, le renfrogné chanteur louvoie avec une agilité féline entre les humeurs, tantôt caressant sur une Rivers de beats (Campus), exalté quand il joue les contre-la-montre (A-Punk), ululant telle une créature de la nuit affamée sous la lune de Cape Cod (Kwassa Kwassa), aussi pleine que les boucles mélodiques qui l’enserrent jalousement. L’irrésistible rythmique bigoût et la guitare surfeuse de Mansard Roof, tout premier single de cette formation caméléon, ouvre naturellement ce disque, de la même manière qu’il avait ouvert notre imagination au sujet de ces college rockers. Même s’il convient de ne les fréquenter que dans ce périmètre immatériel, comme ces stars du lycée soumises à la mortalité de leur mythe, les Américains réussissent un exploit difficile à l’heure d’un premier opus : engendrer un nouvel univers. Vampire Weekend ou une raison supplémentaire de détester les lundis. (Magic)
Voici donc une des dernières sensations rock du moment, qui apparaît au même moment que leurs concitoyens de MGMT et qui, avec eux, replacent New York sur la carte du rock (si tant est que New York avait disparu de celle-ci...). Mais de quoi est-il question avec ce disque ? Les quatre New Yorkais ont brassé pas mal de courants différents, d'influences pour aboutir à une pop très métissée, entre punk léger, rythmes africains et ska. les membres de Vampire Weekend ont appelé ça du "Upper West Side Soweto", pourquoi pas : ça allège en tout cas le travail du chroniqueur bien en peine à dégoter l'étiquette adéquate. Sans être géniale, chacune des chansons a ce petit truc qui file une pêche revigorante, par une mélodie sympathique ("A-Punk", "Mansard Roof" ou "Walcott"), des mélanges tonitruants ("M79"), ou une attitude cool bien assumée ("Oxford Comma", "Cape Cod Kwassa Kwassa"). Le disque se révèle varié, mais surtout toujours frais et inventif. La couleur du disque est bien entendu au grand soleil, et évoque souvent la nostalgie de la vie étudiante, la plus souvent constituée de moments heureux. En 11 morceaux et 34 minutes, les jeunes Américains ont su composer un album idéal pour débuter la journée de bonne humeur et plein d'énergie. Si ça pouvait en plus nous éviter l'invasion prévisible des "tubes de l'été", alors Vampire Weekend pourrait bien devenir définitivement indispensable. (Popnews)
Au premier abord, Vampire Weekend a de quoi énerver : un quatuor New-Yorkais au look de premier de la classe, un style indie-afro-pop-punk qui rappelle énormément Talking Heads et enfin une popularité se propageant sur internet et la blogosphère à la vitesse d’une rumeur. Après avoir tenté de réaliser un film ("Vampire Weekend") et jouer au rappeur blanc (dans le groupe L’Homme Run), les quatre membres de Vampire Weekend se sont lancés dans la réalisation d’un album qui se révèle paradoxalement très rafraîchissant, pour peu que l'on fasse abstraction du buzz dont il fait l’objet. Il faut bien admettre que nos réticences se sont rapidement envolées après avoir écouté l'euphorisant A-Punk. Difficile de résister à l’énergie à revendre que contient ce morceau. Avec ses riffs de guitare claire, sa batterie ascétique et ses quelques notes de clavier enjouées, on se met à bondir de partout comme si on venait d'entendre un tube ultime au milieu d'une soirée où l’on s’ennuierait un peu trop. Pour autant, le reste de l'album n'arrive pas toujours à retrouver l'énergie d'un tel tube ...

Ce premier effort comprend en effet quelques morceaux complètement ratés qui nous empêchent encore de rendre les armes : M79 et ses arrangements hideux dignes du Rondo Veneziano et les violons trop dégoulinant de Walcott. Autant de fausses idées qui se révèlent pénibles à écouter. S'il est difficile de résister à la pop enthousiasmante de Oxford Comma et Campus, qui nous rappelleront l’insouciance de nos années étudiantes, on ne criera pas non plus au génie. C’est avec l’influence de la musique africaine ou encore du reggae, présente sur Cape Code Kwassa Kwassa, Byrn et The Kids Don’t Stand A Chance, que Vampire Weekend gagne en personnalité et en authenticité. Là, les New-Yorkais retrouvent avec éloquence le funk blanc de certains groupes de post-punk. Ne serait-ce que pour nous avoir donner envie de réécouter Talking Heads ou Lizzy Mercier Descloux, ce premier effort se révèle assez exaltant. Seules quelques réserves nous empêchent encore d'applaudir ce premier album avec un  "yeah" enthousiasmant ... (indiepoprock)

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le 26 févr. 2022

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