Définitivement installé comme un maître du manga avec sa série précédente, Monster, Urasawa signe avec 20th Century Boys un thriller ultra-efficace avec une science du rythme et du suspense sans égal. La série est un véritable page turner. On sent l’ombre d’Alfred Hitchcock ou Brian De Palma autant dans la narration que dans la construction des planches. L’ambiance est à la fois étouffante et prenante, il est difficile de s’en extraire une fois qu’on est lancé.


Le mangaka effectue aussi un travail dantesque sur les interactions entre les personnages. Leur évolution est maîtrisée et il n’hésite pas à les faire changer tant physiquement que psychologiquement, en fonction de leurs histoires. Un point d’autant plus notable que la galerie de protagonistes est bien fournie. L’utilisation de flashbacks et d’ellipses permet de multiplier les points de vues sur un même événement, avec un ressenti différent selon les personnages. Le thème de la mémoire prend une place importante et explique les motivations de chacun.


Le récit est non manichéen et l’auteur semble attaché à nous faire comprendre pourquoi les antagonistes agissent ainsi. Il déclare d’ailleurs :


« Chaque héros ou super-héros pense qu’il a raison. Même les méchants ne pensent pas qu’ils sont méchants. Ils font leurs méchancetés en pensant que c’est juste. C’est pour cette raison que je m’intéresse à comment un être humain bascule dans le mal. » BFM TV


20th Century Boys est également une œuvre d’anticipation forte en pointant de nombreux travers de nos sociétés contemporaines, dont l’utilisation du populisme pour manipuler les masses. Si vous n’arrivez pas à croire que le plan d’AMI puisse se réaliser, pensez à la récente élection de Trump à la tête des Etats-Unis… Des revendications qui peuvent s’expliquer par la jeunesse de l’auteur, passée dans le contexte tendu des années 70 avec les attentats de l’Armée Rouge. Pour ceux qui veulent en savoir plus sur le sujet, on vous conseille le long et glaçant United Red Army.


« Ces événements m’ont fait réfléchir et m’ont évidemment influencé. En même temps, à chaque fois que j’entendais des nouvelles de ces événements, j’avais toujours un point d’interrogation dans ma tête. C’est ce point d’interrogation que je veux montrer dans mes œuvres ».


Si l’action se déroule au Japon, on sent que cela pourrait se passer n’importe où. Urasawa est très ouvert sur la société occidentale, à travers le rock notamment. Le titre de la série renvoie à une chanson de T-Rex et contient un hommage à Robert Johnson. L’auteur confie volontiers être un fan de Bob Dylan et son amour pour la bande dessinée franco-belge, Métal Hurlant et Moebius. Cela se ressent graphiquement, avec les personnages cartoon qui se détachent des décors aux mille détails, rappelant les lignes claires d’Hergé.


L’influence principale reste cependant les maîtres du manga Osamu Tezuka et Katsuhinro Otomo (connu pour Akira). Urasawa adaptera d’ailleurs par la suite Astro, Le Petit Robot de Tezuka dans sa série Pluto, de façon personnelle et mature, tout en respectant l’œuvre de son mentor.


Difficile de ne pas voir dans le personnage principal, Kenji, une sorte de symbole idéaliste de l’auteur lui-même. Un artiste qui veut changer le monde à coup de crayons et de musique puisque Urosawa est également musicien et qu’il a organisé des concerts de charités après la catastrophe de Fukushima.


Tous ces points font de 20th Century Boys une oeuvre poignante et maîtrisée qu’il faut avoir lu au moins une fois, sinon plus, chaque relecture apportant son lot d’explications supplémentaires, de détails qui nous avaient échappés.


Critique complète ici : https://whitelodge.fr/2018/03/20/20th-century-boys-naoki-urasawa/

Barlbatrouk
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le 22 mars 2018

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