Alléchée par l'excellentissime documentaire tiré de cette bande dessinée d'un type particulier, puisque constituée uniquement de gravures d'époque, je découvre aujourd'hui ce tome 1 de la trilogie de Raphaël Meyssan. Et je ne suis pas déçue, alors que je trouvais que le documentaire serait difficilement surpassable. En fait, la trame narrative est ici bien plus complexe : deux personnages principaux et un écho dans le Paris d'aujourd'hui, dans lequel l'auteur cherche les traces de l'existence de ses personnages. Autour d'eux sont convoqués Thiers, Ferry (celui qui préconisait de tirer sur la foule, pas celui qui préconise de tirer sur la foule...), Gambetta, Hugo, Michel et toutes les figures saillantes de ces temps furibonds. A la radio ce matin, Christiane Taubirat fustigeait le "monologue furieux" des adversaires de la repentance, en matière d'esclavage; cette ingénieuse BD met en lumière celui des Versaillais, s'énervant dans leur coin entre eux sans jamais tenter le moindre dialogue avec ceux qui ne pensaient pas comme eux. Cent cinquante ans plus tard, le compromis n'est guère plus à la mode qu'en 1871. Les histoires tragiques de Victorine et Lavalette réhabilitent tardivement ces individus pris dans la tourmente de révoltes récurrentes, initiées par les mêmes sempiternelles injustices. Il n'est même pas tant question de réhabilitation que de simple reconnaissance de leur existence, parce que, une fois de plus, les vainqueurs ont écrit l'histoire et tout bonnement éradiqué tout souvenir attaché à cette ébullition fertile qu'a été la Commune. Pourtant, c'est bien elle qui s'approchait au plus près des trois piliers de notre république actuelle, ceux qui sont au fronton de toutes nos mairies.