Quand on apprend que le dessinateur Guarnido, qui nous livre dans le même temps l'une des sagas de polar BD la mieux foutue de cette décennie, a travaillé en tant qu'animateur chez Disney, on ne peut que lâcher un sourire en coin. Parce que l'univers d'animaux anthropomorphes fleurant bon le polar noir et l'Amérique des années 50 est effectivement très "Disneyéen" dans ses faciès qui arpentent ses cases. C'est en cela que beaucoup apprécie Blacksad, grâce à un travail d'ambiance extrêmement bien foutue, où chaque case est remplies de pléthore de détails sublimés par la peinture et où chaque visage débordent d'expression et délivre une foule d'informations en à peine un coup d'œil. Si l'on ajoute à cela cet amour inconsidéré pour la culture polar/policier qui émane de chaque case, couplée à un montage cinématographique rythmé qui fait que l'on dévore un tome en à peine vingt minutes, on se rend compte d'à quel point cette saga est une référence indispensable à tout amoureux de bande dessinée. À eux deux, le scénariste Canales et Guarnido dépoussière les plus grands maux de l'Amérique, allant du racisme jusqu'à la chasse aux communistes, de la peur de l'arme atomique jusqu'à la corruption judiciaire, et dépeignent un portrait fort peu flatteur mais Ô combien réel.
Dans ce deuxième tome des aventures du détective Blacksad, on assiste à l'apparition de plusieurs éléments nouveaux. Tout d'abord, il y a Weekly, un journaliste qui ne sent pas la rose mais qui a bon fond, faisant office de sidekick humoristique. Ensuite, il y a la maîtrise du dessin qui montre d'un sérieux cran, avec des fonds plus léchés et des visages encore plus expressifs, qui contrasteraient presque avec le blanc immaculé de cette ville ou règne un racisme purulent.
Car oui, l'autre grand élément clé de ce tome est la montée du racisme dans certaines villes, et plus généralement de la montée des idéologies extrêmes dans des contextes sociaux complexes. Au cœur de cette tempête, Blacksad découvre qu'il n'y a pas que le cœur des puissants qui soient corrompus, mais aussi celui de n'importe qui, si l'on le manipule comme il se doit.